Quand elle se présente, Cécile Cathelin dit d'elle : « je suis vraiment issue de la génération CPE ». Une manière de résumer un engagement politique, débuté très tôt, au sein de sa famille puis au cours de ses (longues) études.
Au moment d'entrer dans la vie active, elle découvre qu'il existe « plein de façons de s'engager » et entre autres celle de l'association de Montpellier On passe à l'acte pour laquelle elle travaille depuis plusieurs années.
Aujourd'hui installée en Bretagne, la jeune femme assure notamment la diffusion du film Artistes de la Vie et les échanges qu'il suscite comme elle l'a fait la semaine dernière à Rennes. Et reste convaincue qu'il appartient à chacun-e de s'investir pour changer le monde.
C'est son père, instituteur, qui transmet d'abord à Cécile Cathelin « son intérêt pour les enjeux de société, ses valeurs de justice et d'égalité ». « On discutait énormément à table – dit-elle aujourd'hui – J'ai des souvenirs de mobilisation qui remontent très loin ; très tôt, j'ai voulu que ma vie contribue d'une manière ou d'une autre au changement de société. »
Un désir qui la guide également dans le choix de ses études. Comme elle est bonne élève, on l'oriente en filière scientifique, même si ce n'est pas ce qu'elle souhaite. Au lycée, elle découvre l'existence de Sciences Po. « Ça me correspondait vraiment bien – analyse-t-elle – c'était un endroit où on pouvait étudier plein de disciplines ! » Dans son petit lycée rural du Jura, personne ne connaît cette école, mais Cécile, elle, prépare les concours et dès son bac en poche, est admise à Sciences Po Lyon. En pleine révolte étudiante contre le projet de CPE.
« J'ai passé la moitié de mes études en cours et l'autre moitié en mouvement social » dit-elle en riant. Pour elle, les deux se révéleront « très formateurs ! » CPE, élections présidentielles de 2007, loi LRU, à chaque année sa contestation. « J'étais très en colère » s'amuse Cécile. Par ailleurs, elle apprécie les débats toujours recommencés avec les autres étudiant-es : « on interrogeait le rapport au travail, au couple, à la famille et tous les grands sujets de société : l'argent, l'entreprise, le capitalisme. Mon engagement à l'époque était plutôt intellectuel, théorique, et se concrétisait dans les grèves, les blocages... »
« Je suis très cérébrale ;
j'aime beaucoup questionner les choses »
Au cours de ses études, la jeune femme voyage aussi et notamment séjourne aux Etats-Unis. Là, elle découvre les AMAP, « des activistes qui mangent bio et se déplacent en vélo » et tous les « mécanismes de participation ». Elle développe sa « conscience environnementale ». Elle sait désormais que ses études terminées, elle s'engagera soit sur les questions féministes, soit sur les questions de défense de l'environnement.
Avec le recul, Cécile estime que sa conscience politique a fini par être un frein pour entrer dans le monde professionnel. « J'avais une vision très négative du monde » dit-elle. Alors lorsqu'on lui propose de faire une thèse, elle accepte et s'y consacre pleinement pendant trois ans. Entre France et Amérique Latine, elle se penche sur les politiques forestières du Costa-Rica. Pourtant, ce milieu ne semble pas fait pour elle.
« Je suis très cérébrale – dit-elle – j'aime beaucoup questionner les choses, mais le milieu des doctorant-es m'impressionnait ! Je ne m'y projetais pas. » Et puis, elle s'était promis de « travailler avant trente ans ». « J'avais étudié dix ans – dit-elle – mon cerveau était fatigué ! » Avec une amie, elle part six mois en vélo en Amérique Latine puis rentre bien décidée à chercher un emploi. Mais « je ne voyais pas - dit-elle – où je pouvais travailler ».
« J'ai compris que l'engagement
pouvait naître d'un individu seul »
C'est finalement par l'intermédiaire d'une amie qu'elle rencontre l'association On passe à l'acte. Entrée d'abord comme bénévole, elle devient salariée à Montpellier où elle restera trois ans avant son récent déménagement à Rennes. Elle y découvre un nouveau mode d'engagement, elle qui milite depuis toujours pour la transformation collective du système.
« Il y avait plein de choses qui me surprenaient dans leur approche – reconnaît-elle – mais j'aimais quand même bien l'idée de promouvoir ce qu'on appelait des alternatives et qui étaient chez eux les initiatives positives. J'ai pu élargir ma vision de l'engagement et comprendre que ça pouvait aussi naître d'un individu seul qui n'était pas obligé de rejoindre un mouvement. »
Avec On passe à l'acte, Cécile défend aujourd'hui l'idée que « peu importe qui vous êtes, quelles ressources vous avez, vous pouvez contribuer à l'amélioration du monde avec ce que vous êtes ! » Et elle avoue aussi avoir renoué avec des secteurs qui pour elle « étaient à fuir absolument : l'immobilier, la finance, les banques... »
« Booster ceux qui agissent
en leur montrant des "comme eux"
et donner l'étincelle aux autres »
Aujourd'hui, elle accompagne sur le terrain le dernier film présentant le travail de l'association, Artistes de la vie, sorti en septembre 2019. Et elle se réjouit de l'accueil fait par le public. Fin janvier encore, à Rennes (notre photo), elle a vu après la projection ces « manifestations spontanées d'entraide » entre des gens qui ne se connaissaient pas quelques heures auparavant. Objectif atteint donc de « booster les gens qui agissent déjà en leur montrant des "comme eux" et de donner l'étincelle aux autres qui veulent se lancer. »
« Le projet n'est pas de dire à tout le monde qu'il faut s'engager tout de suite » relativise la jeune femme. Si l'association encourage les initiatives positives (que l'on peut retrouver dans leur intégralité sur le site) à travers ce film, il s'agit surtout de rejoindre celles et ceux qui hésitent. « On s'adresse – dit encore Cécile – à des gens qui ont un désir d'engagement mais qui ont du mal à passer à l'action, des idéalistes, en fait ! » Car les freins sont nombreux et les témoins qui s'expriment dans ce film sont là pour dire « c'est possible et ça rend heureux ! »
Cécile, elle, n'a pas tout à fait trouvé sa voie ni la mission qui va l'animer durablement pour changer le monde. Désormais, elle souhaite s'impliquer sur le territoire « hyper dynamique » de la Bretagne. Rien n'est encore concret pour elle ; ce qu'elle sait néanmoins c'est qu'elle désire « aider les gens à réduire l'écart entre leurs valeurs et idées d'un côté et leurs pratiques professionnelles et réalités de vie de l'autre ». Fidèle à ses envies de petite fille : changer la société.
Geneviève ROY
Le 13 mars, Cécile Cathelin sera l'une des invitées de la troisième édition de la Bibliothèque Vivante que Breizh Femmes co-organise aux Champs Libres à Rennes avec Histoires Ordinaires. Venez la rencontrer en tête-à-tête et échanger avec elle sur ses engagements
Pour aller plus loin :
- Artistes de la vie, le documentaire
- Place à l'acte, une plateforme numérique gratuite qui propose plus de 250 outils et services pour « trouver sa voie et lancer son projet à impact positif »
- On passe à l'acte, un web-média « pionnier du journalisme positif » avec plus de 500 portraits vidéo de femmes et d'hommes qui « agissent au quotidien pour faire évoluer le monde »