Quelques semaines après son retour, elle est encore sur son petit nuage, Katia Pierre.
Défi relevé : 2000 kilomètres parcourus en 22 jours avec Greeny, son vélo, découverte du Cap Nord après de nombreuses rencontres avec les habitant.e.s de la côte ouest norvégienne et encore plein d'envies de partager cette aventure avec les jeunes du 4 Bis à Rennes qui l'a soutenue dans ce projet.
Derrière l'exploit sportif, une détermination sans faille pour soutenir la prévention du suicide chez les jeunes.
Elle laisse à peine entrevoir quelques fêlures entre deux rires ; de son passé, de ses drames et de ses fantômes, elle livre un peu plus de détails sur les réseaux sociaux pour les abonné.e.s qui la suivent dans ses aventures. Katia Pierre, Kat pour les intimes, c'est d'abord un bloc de chaleur humaine et de détermination. « Je pense avoir un mental qui fait que je veux aller jusqu'au bout des choses » confie-t-elle.
Elles n'ont pas toujours été faciles, les étapes qu'elle avait programmées pour ce voyage de 2000 kilomètres à vélo à travers la Norvège. Il y a eu des jours, elle le reconnaît et l'assume, où elle a pensé avoir « mis la barre trop haut » et avoir « pleuré sur [son] vélo ». Mais lorsque le 27 juillet, Katia met pied à terre au Cap Nord, elle est surtout fière d'y être arrivée.
Ce jour-là aussi, Katia aura une pensée pour sa sœur. « J'ai perdu ma sœur d'un suicide il y a six ans - explique-t-elle - trois ans après j'ai souhaité faire quelque chose pour soutenir des organismes de prévention du suicide ». Son choix portera sur le point écoute du 4 Bis à Rennes qui accueille des jeunes de 12 à 25 ans. Avec l'équipe des professionnelles, elle peaufine son itinéraire et s'élance du sud de la Norvège direction le Cap Nord. Un voyage de vingt-deux jours organisé sur son temps de vacances en juillet dernier.
« Je savoure chaque moment difficile
comme heureux »
La jeune femme n'est pas vraiment une débutante. Celle qui prétend ne pas être « plus sportive que ça » a déjà à son actif un autre raid de 2000 kilomètres à vélo réalisé voilà trois ans dans le cadre d'un autre défi solidaire. Pour cette nouvelle épreuve, elle s'est un peu laissée surprendre par la topographie, car la Norvège n'est pas un pays plat.
« Je ne suis pas une grimpeuse » s'amuse-t-elle aujourd'hui en repensant aux nombreux cols qu'elle a dû affronter cet été. « Ce n'était pas un col par ci par là, mais un par jour ! » A cette difficulté venaient s'ajouter le vent, généralement contraire, la pluie souvent et la chaleur parfois (jusqu'à 27°) et les interminables tunnels ; « il y fait froid, c'est impressionnant car ils sont souvent très longs et hyper bruyants ». Et puis, bien sûr, les 22 kilos de bagages dans les sacoches du vélo ! Sur sa page facebook, elle écrit : « je savoure chaque moment difficile comme heureux car j'ai l'opportunité de les vivre ».
Lorsqu'elle énumère ces conditions qui pourraient en décourager plus d'un.e, Katia arbore un grand sourire pour conclure : « ça faisait plein de choses à vivre dont je n'ai pas l'habitude mais je ne regrette absolument pas car c'est aussi ça le dépassement de soi ! »
« Je n'aurais pas fait ce voyage
si ça n'avait pas été un défi »
Katia était seule au départ, juste accompagnée de son vélo qu'elle a prénommé peut-être pour lui reconnaître ce statut de seul partenaire. Une solitude plutôt bienvenue pour celle qui dit « j'aime voyager seule ». Mais une solitude, surtout, qui lui a permis d'aller vers les autres et de faire de belles rencontres, qu'il s'agisse de la population locale ou des autres cyclistes avec lesquel.le.s elle a pu faire un bout de chemin.
Les étapes étaient chacune d'environ 80 kilomètres et Katia ne savait jamais précisément où elle arriverait en fin de journée. Pas d'hébergement anticipé, donc. Chaque soir, elle frappait aux portes et il y en avait toujours une qui s'ouvrait sur « des gens extraordinaires ».
« Cette aventure n'aurait pas été la même si je l'avais faite seule de A à Z, si j'avais dormi sous tente et que j'étais restée seulement avec les autres cyclistes, donc des touristes – raconte Katia – je me suis nourrie de toutes les rencontres ». Elle peut aussi s'enorgueillir de l'article publié dans la presse locale suite à la rencontre inopinée avec une journaliste norvégienne. Déjà prête pour d'autres destinations, elle veut de toute façon conserver le côté solidaire de l'aventure. « A travers les défis, je voyage – analyse Katia la battante – mais je n'aurais pas fait ce voyage si ça n'avait pas été un défi ».
Et jusqu'au bout c'est l'entraide qui gagnera. Arrivée au Cap Nord, Katia n'a pas de billet de retour. Il lui faut trouver un moyen pour rentrer en France où ses enfants l'attendent. Et pour plus de commodités, elle choisit de voyager sans son vélo. Une séparation un peu difficile après la longue complicité de ces trois semaines d'épreuves ; elle confie Greeny à une famille française en vacances qui accepte de charger l'engin sur son van tandis que Katia rentrera seule en terre bretonne. Pour elle, se sera le bus et l'auto-stop puis l'avion jusqu'à Paris et enfin le train jusqu'à Rennes.
« Le suicide des jeunes,
une question de société
à prendre à bras le corps »
Quelques semaines plus tard, le défi n'est pas encore de l'histoire ancienne. Il faut désormais valoriser l'exploit et surtout poursuivre le partenariat avec le 4 Bis. Car c'est bien un défi solidaire que Katia a voulu relever. Pour elle, le plus important reste la sensibilisation qu'elle souhaite faire autour du suicide notamment des plus jeunes.
Une cagnotte en ligne, lancée à son départ, est toujours active et l'argent récolté servira à soutenir les actions du PAEJ du 4 Bis. Des moments d'échanges sont programmés notamment à l'occasion des journées de rentrée de l'association les 20 et 21 septembre et Katia songe aussi à d'autres formes de valorisation notamment grâce aux nombreuses images qu'elle a pu rapporter.
« Le suicide des jeunes, et plus largement leur santé mentale, est une question de société à prendre à bras le corps » plaide pour sa part Caroline Fernandes de l'équipe du PAEJ. Comme beaucoup de professionnel.le.s de la jeunesse, elle constate un mal-être croissant chez les plus jeunes, en particulier depuis la crise du covid de 2020.
Si Katia Pierre a des raisons personnelles d'être sensible à cette cause, c'est aussi en sa qualité d'éducatrice spécialisée auprès d'enfants et d'adolescent.e.s, et sans doute de maman d'ados, qu'elle a fait le choix de soutenir le travail de cet espace rennais dédié aux jeunes.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : participer à la cagnotte des Défis de Kat et la suivre sur les réseaux sociaux,
venir rencontrer Katia Pierre à l'occasion de la rentrée du 4 Bis les 20 et 21 septembre