Elle est multi casquettes et multi facettes. Alors pour faire plus court, Harmo Draüs se présente tout simplement sous le terme d'artiste.
A Rennes, dans quelques jours, la jeune Normande présentera un spectacle « hybride avec un petit peu de neuf et un petit peu de vieux », des titres en anglais et d'autres en français, des chansons douces et d'autres plus engagées.
Parce qu'elle est convaincue que l'engagement est un incontournable de son métier d'artiste et qu'il y a aujourd'hui urgence à sauver la démocratie en France.
« My body my choice ». Un titre en anglais mais une chanson en français pour affirmer toute cette rage qui bouillonne en elle. Harmo Draüs revendique son féminisme si fort qu'elle a souhaité le faire dans sa langue natale pour être entendue du plus grand nombre. « Des chansons en anglais, il y en aura toujours – dit-elle – je crois que j'avais besoin de ça au début ; j'étais jeune et c'était plus facile pour moi de me cacher un peu derrière l'anglais pour des textes très personnels, sur mes émotions, mon vécu... Je me sentais plus à l'aise ».
Désormais, pour des compositions « plus politiques » qui répondent à son envie de « [s']adresser au public de façon plus frontale, plus directe » elle opte pour le français. Si le titre est en anglais, c'est qu'il reprend un slogan universel pour annoncer d'emblée la couleur. « Je suis persuadée que l'art est politique et qu'il doit le rester - dit-elle encore - On doit dire des choses de la société, mettre en avant des combats ; je ne vois pas comment je peux décorréler mes convictions personnelles de ma musique. Quand la démocratie est en jeu, ça parait évident et en ce moment c'est un soulagement pour moi de voir des gens – comme des sportifs renommés par exemple – prendre la parole ! »
Une chanson pour
« toutes les personnes
opprimées par le patriarcat »
Côté tendre et côté en colère. A l'image de cette double personnalité, les clips d'Harmo Draüs nous entraînent vers des univers contradictoires. Le premier, illustrant sa chanson un brin nostalgique « Miles away », fleurait bon l'enfance et la barbapapa avec son petit cheval de manège. Pour le deuxième, elle a préféré les images choc dont elle a confié la réalisation technique à son compère Anatole Badiali, déjà présent sur le premier clip.
Finie l'innocence, voici l'heure des désillusions. Et c'est la performeuse Violette Wanti qui prête son corps à cette « lutte in utero » couleur de sang. Harmo Draüs le reconnaît les opinions sont « très tranchées ; on adhère ou pas ! » En tout cas, elle assume ces images directement inspirées de films gores façon « Carrie au bal du diable » de De Palma.
Une façon pour elle d'exprimer « une rage intériorisée face aux retours en arrière en matière de luttes sociales et féministes » et notamment du droit à l'avortement et autres « droits fondamentaux à disposer de son corps ». Militante pour la reconnaissance des personnes invisibilisées, Harmo Draüs dédie cette chanson à « toutes les personnes opprimées par le patriarcat ».
« On accepte mieux aujourd'hui
que les artistes femmes soient engagées »
La jeune artiste le sait, « quand on porte un engagement de manière très frontale dans sa musique, on peut parfois se tirer une balle dans le pied ». Mais, elle en prend le risque. A trente-trois ans, elle assure elle-même tout le processus de création de ces morceaux en écho à ces « incarnations multiples » qu'elle attribue aux femmes dans sa chanson. Tour à tour autrice, compositrice, productrice, musicienne et chanteuse sur scène mais aussi réalisatrice de ses clips, elle fait évoluer ses différentes casquettes au fil des projets.
Et si elle constate que c'est toujours difficile pour une jeune femme de trouver sa place dans un milieu encore très/trop masculin, elle sait aussi qu'elle bénéficie de belles avancées. « Ça change par rapport aux générations précédentes – analyse-t-elle – on accepte mieux aujourd'hui que les artistes femmes soient aussi engagées dans leurs propos. Il y a également plus de rôles modèles féminins qui permettent aux jeunes femmes d'oser pousser des portes et de se sentir un peu plus légitimes ». Pour elle, qui mène sa carrière en solo, les « moyens de production et de distribution directes » en usage aujourd'hui, sont aussi des atouts.
« Nous ne sommes pas muses, nous sommes révolution - chante Harmo Draüs dans My body my choice – nous sommes toutes les femmes du monde, nous sommes mères ou ne le sommes pas, nous sommes sœurs, amantes, guerrières, militantes (…) nous ne sommes pas seules, nous sommes constellations ». Comme un hymne nouveau pour les jeunes femmes du 21ème siècle.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : Harmo Draüs sera au bar Les Paradis Perdus, rue Vasselot à Rennes, le vendredi 28 juin à 20h 30
Photo 1 : ©-Clémence Catherine