« On fait des envieux » s'exclame Françoise Pivaut, se félicitant du bilan positif de son service. Pour son vingtième anniversaire, l'ISL 35, service social en ligne unique en France est fier d'afficher ses résultats : plus de 8000 appels et 1400 mails traités chaque année.
Si aujourd'hui les questions - liées principalement au droit de la famille et au droit du travail - ont tendance à se complexifier, les sept professionnelles issues de trois métiers du social qui y répondent sont toujours aussi réactives.
Une façon innovante d'alléger le travail de terrain de leurs collègues des CDAS. Mais aussi une réponse adaptée aux besoins d'usager-ères qui souhaitent des informations ciblées.
Casque sur les oreilles, une conseillère répond au téléphone tout en cherchant dans ses dossiers la bonne réponde à la question qu'on lui pose. On comprend qu'elle cherche les coordonnées d'un-e interprète. Dans le bureau d'à côté, il est question de garde d'enfant suite à un divorce ou encore du paiement de l'hébergement d'un parent accueilli en EHPAD.
L'ISL reçoit entre 40 et 50 appels par jour et une dizaine de mails. Celles qui répondent sont assistantes sociales, conseillères en économie sociale et familiale ou encore éducatrices spécialisées. Et c'est un des principaux atouts du service, ces aiguilleuses sont de « vraies » personnes ; ici pas questions de taper 1 ou 2 sur le clavier du téléphone en fonction du sujet abordé. Celle qui reçoit l'appel le traitera de A à Z, dispensant les bons conseils, mettant en lien avec les organismes compétents, prenant le temps qu'il faut pour être à l'écoute.
Une communication moyenne dure huit minutes, mais les appels peuvent parfois durer plus d'une demi-heure voire jusqu'à une heure. Et si la réponse n'est pas immédiate, c'est au plus tard dans les 48 heures que la personne sera rappelée. Isabelle Zilinski (notre photo ci-contre) était là dès le début ; vingt ans après, elle reconnaît que les questions sont plus complexes et que ça nécessite une mise à jour permanente. « Il faut aimer chercher et fouiner – dit la conseillère – on s'aide de nos partenaires, de nos collègues ; il faut aller chercher l'information. » Pas de spécificité, avec des formations différentes, les travailleuses sociales sont complémentaires et se forment entre elles. Elles reçoivent aussi le soutien du CDAD 35 et de ses avocat-es spécialisé-es.
« Des travailleurs sociaux
en écoute téléphonique
au lieu d'être sur le terrain »
L'ISL ne remplace bien sûr pas le travail social de proximité ; il le complète. « Ça permet de désengorger les CDAS et de recentrer les travailleurs sociaux de terrain sur l'accompagnement » explique Françoise Pivaut, responsable du service. Un moyen d'éviter aux usager-ères de se déplacer pour de « simples questions administratives ». Un moyen aussi parfois de conserver l'anonymat. Et lorsque c'est nécessaire, les conseillères de l'ISL renvoient les personnes vers le CDAS de leur domicile.
C'est un « choix politique » qui remonte à la loi contre la pauvreté de 1998. L'objectif à l'époque est de « favoriser l'accès aux droits et lutter contre le non recours ». Pour Françoise Pivaut « mettre des travailleurs sociaux en écoute téléphonique au lieu d'être sur le terrain » n'est pas anodin alors qu'il y a « encore beaucoup de besoins sur le terrain aussi ! » Son équipe est entièrement féminine et reflète ainsi la réalité du travail social en France.
Côté appelant-es, la majorité est aussi féminine ; trois femmes pour un homme. 20% des questions concernent le droit de la famille (divorce, séparation, garde des enfants, scolarité) ; 17% concernent le droit du travail et 17% la santé. A ces domaines plutôt classiques viennent s'ajouter aujourd'hui des questions plus particulières notamment sur le droit des étrangers, le droit de la consommation et de plus en plus souvent les violences conjugales.
« On prend le temps qu'il faut
pour les écouter
et bien les aiguiller »
« L'anonymat fait que les gens osent plus facilement évoquer certains sujets » estime Françoise Pivaut qui pointe également les méandres administratifs « avec plein de sigles, plein de services ». « Les gens sont parfois perdus – analyse-t-elle – on est là pour les aider à déblayer le terrain, leur donner les marches à suivre, les pièces à fournir, etc. Et comme nous n'avons pas de suivis de dossiers, nous sommes plus réactives que les CDAS. Sinon, on aurait nous aussi des délais d'attente. Quand les gens nous appellent ils sont le plus souvent en crise ; ils sont angoissés, ont besoin d'être rassurés. Quelquefois ils sont en colère ; on prend le temps qu'il faut pour les écouter et bien les aiguiller ».
Depuis décembre dernier, l'appel vers l'ISL est devenu gratuit. En quelques semaines, le nombre d'appels reçus a doublé. Françoise Pivaut se réjouit que son « service de l'ombre » dissimulé dans le labyrinthe des services départementaux pour des raisons de confidentialité mais aussi la nécessité de conditions de travail apaisées, soit de plus en plus connu. « C'est un service qui évolue - dit-elle – les questions se complexifient mais ça reste toujours un travail hyper gratifiant ; les gens nous remercient beaucoup. »
L'ISL est passé de quatre conseillères à mi-temps en 1999 à six à temps plein en 2019 et espère l'ouverture prochaine d'un nouveau poste. Recherche de réponses gratuites et rapides, besoin d'anonymat, difficultés de déplacement... Testé à l'origine dans deux autres départements (Puy-de-Dôme et Haute-Loire), et désormais unique en France, l'ISL permet aux Brétilien-nes d'avoir accès à un service adapté à leurs besoins
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Un numéro vert gratuit du lundi au vendredi de 8h à 18h : 0800 95 35 45
Une cabine téléphonique ISL à la disposition de tou-tes à l'espace Vie du Citoyen aux Champs Libres à Rennes
Une adresse e-mail :
Une plateforme départementale : https://illisa.ille-et-vilaine.fr/saisine-electronique
Une ligne d'écoute sur la maltraitance des personnes âgées et en situation de handicap : 02 99 02 21 22