« Comment bien vieillir dans une société, une ville plus juste ? »
Voilà une question qui concerne directement les femmes, elles qui représentent 80% des résident.es des EHPAD mais aussi 98% des aides à domicile en charge des soins aux personnes âgées.
Et c'est une femme, Joëlle Le Gall, fondatrice et présidente de l'association Bien Veillir Ensemble en Bretagne qui a répondu, la semaine dernière à Rennes, à l'invitation du CIDFF 35 pour envisager avec un public largement féminin les différents aspects de cette problématique.
« Le regard de la société sur les femmes âgées est au mieux un regard négatif voire une absence de regard - a d'emblée prévenu Joëlle Le Gall – nous sommes des déclassées par l'âge ! » Elle connaît bien la question, elle qui la porte désormais au niveau local et national depuis de nombreuses années. C'est en 2003 qu'elle crée sa première association alors qu'elle doit affronter la fin de vie de son père dépendant. Organisée dès l'année suivante en Fédération Nationale, l'association est devenue une interlocutrice reconnue des pouvoirs publics.
C'est autour de quelques mots-clefs que Joëlle Le Gall a structuré son propos pour donner une image précise de la situation actuelle.
L'âgisme et ses conséquences
« L'âgisme est le mal du siècle et a pour conséquences des effets négatifs sur la santé » rappelle-t-elle. Selon un rapport récent des Nations Unies, une personne sur deux dans le monde aurait des attitudes âgistes. Des comportements qui induisent de graves conséquences sur la santé mentale et physique des personnes âgées mais aussi bien sûr des conséquences économiques du fait du coût de leur prise en charge par la société.
« Des milliards de dollars chaque année » estime Joëlle Le Gall qui n'hésite pas à clamer comme une provocation : « les vieux coûtent cher et même, on peut le dire, les vieilles coûtent cher puisqu'elles représentent 80% de la population des EHPAD ! » Alors souligne-t-elle que selon l'OMS « le veillissement ne devrait pas être une source d'appauvrissement pour nos sociétés mais une source d'enrichissement avec tous les emplois créés ». Créer des emplois, une urgence selon elle.
La retraite
Les inégalités cumulées durant toute leur existence sont encore là au moment de la retraite des femmes. Normal, les salaires bas ne peuvent générer de grosses pensions. En 2018, rappelle la conférencière l'écart entre les pensions des hommes et celles des femmes était en moyenne de 41% et une femme sur deux en France perçoit une retraite inférieure à 1000 €. En cause : des parcours professionnels accidentés dûs notamment aux grossesses et à l'éducation des enfants, mais aussi une surreprésentation des femmes dans les postes à temps partiel et/ou mal payés.
C'est d'une « génération de femmes sacrifiées » que parle Joëlle Le Gall quand elle évoque les septuagénaires dont elle fait partie, écartelées bien souvent entre des parents dépendants et des petits-enfants qui réclament leurs soins auxquels s'ajoute parfois un mari lui-même vieillissant. « Les chances d'avoir un conjoint valide auprès de soi lorsqu'on a 75 ans sont bien plus élevées pour les hommes que pour les femmes – dit-elle – de l'ordre de 60% contre 20% ! »
Les aidantes
Les aidants familiaux sont en majorité des aidantes qu'il s'agisse de proches ou de personnel soignant à domicile ou dans les établissements d'hébergement. Et rappelle Joëlle Le Gall le manque de reconnaissance, de formation et d'une rémunération correcte fait que ces emplois sont de plus en plus mal perçus et difficiles à pourvoir.
Quelques pistes pour mieux faire
Durant l'échange avec une salle très concernée, des pistes de réponses ont été proposées : réduire les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et tenir compte des spécificités féminines (notamment les enfants) ; redonner du sens au travail du care et valoriser ces métiers ; favoriser la présence des hommes dans les métiers du care ; trouver un entre-deux entre le maintien à domicile et l'EHPAD.
« Quid de l'habitat partagé ? » ont notamment insisté plusieurs personnes faisant écho aux propos de Joëlle Le Gall qui constatait que les personnes âgées expriment généralement leur envie de rester vivre à leur domicile.
Geneviève ROY