Ce soir-là dans la salle de la Paillette, la moyenne d'âge était plutôt basse.
La plupart accompagné.es de leurs professeur.es, des adolescent.es s'était retrouvé.es pour assister à l'une des deux représentations de la pièce Ces Filles-là proposée par la Collective Ces Filles-là, une équipe féminine et dynamique venue du Nord de la France.
Face à la gravité des propos évoqués sur scène, les gloussements de début de séance ont vite laissé place à une attitude plus attentive du jeune public voire à de vrais moments d'émotion.
A l'école Sainte-Hélène, une vingtaine de filles ont grandi ensemble, de la maternelle au lycée. Un groupe qui semble soudé par tant de souvenirs partagés des anniversaires aux sorties collectives à la piscine. Mais soudé jusqu'où ? La question se pose le jour où en cours d'Histoire l'une d'elles reçoit par texto une photo de Scarlett nue. Qui a pris la photo de leur camarade de classe ? Qui la diffuse ? Les dix-neuf autres filles pourraient se poser ces questions. Comme elles pourraient d'emblée prendre le parti de leur amie et la soutenir contre le reste de l'école. Mais ce n'est pas ça que raconte la pièce de Evan Placey Girls like that, traduite en français par Adélaïde Pralon.
Sur la scène transformée en gymnase, elles sont cinq pour donner corps à toutes ces filles-là qui vont se déchaîner sur Scarlett à coup de cyber harcèlement. Un chœur féminin et un point de vue uniquement féminin pour décrire l'engrenage d'une violence banalisée mais non moins dangereuse notamment pour les plus jeunes dont une partie non négligeable de la vie quotidienne se déroule sur les réseaux sociaux.
Du « théâtre féministe et sportif »
Pas de garçons dans l'histoire. Si on en parle (un peu) c'est plutôt pour leur donner le beau rôle. La vilaine, la mauvaise, c'est Scarlett, celle sur qui tout le monde s'acharne. « Notre engagement féministe nous pousse à interroger cette discrimination des femmes envers les femmes » commentent les membres de la Collective dans leur note d'intention. « Pourquoi les femmes deviennent-elles leurs propres harceleuses ? » se demandent-elles, chiffres de sondages à l'appui.
La troupe la Collective Ces Filles-là, ce sont douze femmes engagées dans ce qu'elles appellent du « théâtre féministe et sportif ». Elles ont eu un « coup de cœur commun » pour ce texte qui parle de la force – destructrice parfois – du groupe et de la construction d'une rumeur qu'on ne peut plus arrêter.
Spectacle émouvant que ces filles qui se débattent avec leurs contradictions comme elles se débattent avec leurs sous-vêtements dans le vestiaire de la piscine pour éviter de montrer leur corps en passant leur maillot de bain. Magnifique outil pédagogique aussi pour les enseignant.es que l'on aimerait accompagner en classe le lendemain matin pour entendre les réactions de leurs élèves.
« Résiste, prouve que tu existes »
Peu à peu dans la salle de la Paillette, le silence s'est fait. Les rires étouffés et crispés des adolescent.es sans doute troublé.es par cette soirée partagée dans un cadre qui ne leur est pas familier ont vite cessé. Et c'est avec intérêt qu'ils et elles se sont plongé.es dans la lecture du fascicule distribué en fin de représentation.
Dans la généalogie féminine que Scarlett remet au professeur d'Histoire, et en même temps au public, on fait la connaissance de ses arrières-grands-mère, de sa grand-mère et de sa mère. Des femmes qui en leur temps ont su s'imposer, résister aux injonctions de leur frère ou de la société, faire les choix qu'elles avaient envie de faire, défendre leurs droits, exister.
Tout ça pour que Scarlett soit aujourd'hui détruite par quelques rumeurs sur sa vertu ?
Un message d'émancipation dont on espère que le jeune public mais aussi les autres spectateurs, tout aussi dépendants des nouvelles technologies souvent, se souviennent au moment de cliquer sur les prochains messages à envoyer sur les réseaux sociaux...
Geneviève ROY
La pièce Ces Filles-là était programmée au théâtre de la Paillette à Rennes les 8 et 9 mars dernier. Texte de Evan Placey, traduit en français par Adélaïde Pralon. Mise en scène de Suzanne Gellée et Zoé Poutrel – Avec Elsa Canovas, Lola Haurillon, Ariane Heuzé, Pauline Masse, Audrey Montpied et Zoé Poutrel
En savoir plus : site de la compagnie La Collective Ces Filles-là