Qu'est-ce qui se cache derrière la belle vitrine ? Quelques mois après l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution française, des femmes peinent toujours quand elles veulent interrompre des grossesses non désirées. Et le baromètre mis en place par le Planning Familial et l'IFOP montre que cet acte médical, à l'approche des 50 ans de la loi Veil, n'a toujours rien d'un acte ordinaire.
A l'occasion du 28 septembre, journée internationale pour le droit à l'avortement, le Planning Familial d'Ille-et-Vilaine a voulu redire que des inégalités persistent. Une kermesse et un fest-noz à Rennes pour le côté festif mais aussi une enquête en ligne pour appuyer des actions nécessaires sur notre territoire.
Rencontre avec Bérengère et Elise, deux bénévoles de l'association.
Pourquoi faire la fête le 28 septembre ?
Il nous paraît important de marquer cette journée internationale de lutte pour le droit à l'avortement. Le contexte international et notamment la situation aux Etats-Unis nous interpellent. En France, c'est vrai, on a des droits, il y a des avancées mais il y a encore des choses problématiques. Cette journée, intitulée « Veille à ton droit », nous l'avons voulue festive avec des stands tout l'après-midi, un atelier de danse bretonne, une friperie, etc. et le fest-noz du soir, mais c'est aussi l'occasion de discuter des différentes thématiques abordées au Planning comme les IST, l'identité sexuelle ou la précarité menstruelle. Pour nous, depuis deux ans que nous organisons cet événement, c'est aussi un moyen de renflouer notre cagnotte « IVG délai dépassé » qui est une caisse de solidarité pour les personnes qui veulent avorter hors des délais légaux en France et doivent se rendre à l'étranger.
Aider des femmes à aller avorter à l'étranger, c'est ce que faisaient les militantes des années 70, avant le loi Veil. Peut-on parler de retour en arrière alors même que le droit à l'IVG vient d'être inscrit dans la Constitution ?
La constitutionnalisation a permis un engouement autour de cette question et la mise en avant d'un discours porté à l'international pour montrer que la France est un pays progressiste. Mais sur le terrain on voit bien que pas mal de choses ne vont pas bien. Les questions d'accès à l'avortement restent les mêmes avec ou sans constitutionnalisation. Alors que le délai légal est passé à quatorze semaines en 2022, il y a encore des établissements où ce n'est pas possible par manque de moyens, des centres IVG mal équipés, des personnels peu formés, etc. mais aussi parce que de moins en moins de médecins acceptent de pratiquer cet acte peu valorisant et peu rémunérateur. Heureusement, désormais, les sages-femmes sont autorisées à le faire.
Les bénévoles du Planning Familial d'Ille-et-Vilaine souhaitent faire un état des lieux de l'accès à l'avortement dans le département. Vous lancez en ce début d'automne un questionnaire en ligne...
On sait qu'il existe des inégalités dans le département et on veut les rendre visibles et pouvoir les quantifier. Ensuite, nous pourrons mieux faire vivre notre rôle de plaidoyer d'une part à partir de chiffres et de situations concrètes et d'autre part mener des actions plus ciblées sur les endroits où persistent le plus de problèmes. Notre questionnaire en ligne, auquel on peut répondre jusqu'au 1er décembre, s'adresse à toutes les personnes qui ont avorté en Ille-et-Vilaine depuis 2022, même celles qui ont depuis quitté le département ou la région. Il nous permettra de connaître le parcours réel d'une personne avortante, les freins et les leviers rencontrés, sur l'aspect médical mais aussi concernant les dimensions sociales (accompagnement, suivi, connaissance en santé sexuelle, etc.).
Le Planning Familial est la cible de nombreuses attaques depuis quelques mois et notamment l'antenne de Rennes. Comment voyez-vous l'avenir de votre bénévolat ?
Nous sommes une équipe de personnes majoritairement entre 20 et 30 ans mais aussi plus âgées avec une antenne à Saint-Malo qui est très active. Et nous ouvrons très prochainement une antenne à Fougères où nous savons, avant même les résultats de l'enquête, que l'accès à l'IVG est assez compliqué. De plus en plus de personnes ont envie de s'investir au Planning sans doute en réaction à ces attaques justement. Le contexte politique joue vraiment un rôle déterminant dans cette mobilisation et cette envie de militer pour revendiquer nos droits.
Propos recueillis par Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Retrouver le questionnaire du Planning Familial à remplir en ligne ; on peut aussi venir retirer des exemplaires papier directement à l'antenne de Rennes, 35 boulevard de la Tour d'Auvergne. Il s'agit bien sûr d'un questionnaire anonyme et confidentiel.
Consulter le baromètre sur l'accès de l'avortement en France établi par l'IFOP pour le Planning Familial