Quel est le point commun entre Falbala, Jeanne Bohec et Nolwenn Leroy ?
Elles sont toutes les trois Bretonnes et font partie des femmes que Anne Dhoquois et Gaëlle Bidan ont sélectionnées pour l'extension de leur jeu Héroïnes en vente pour l'été.
Une façon pour ces passionnées de jeux de société à la fois de valoriser le matrimoine et de montrer que le jeu peut être un « objet culturel ».
« Les jeux de société ont le vent en poupe » défend Anne Dhoquois qui y voit en partie une conséquence du covid et de son confinement, période où dans nombre de familles on a « ressorti le vieux Monopoly ». Elle appuie ses dires sur l'affluence du public dans les festivals de jeux mais aussi les rayons jeux qui fleurissent de plus en plus dans les librairies ou encore l'apparition des bars à jeux. Pour cette grande amatrice de jeux c'est plutôt une bonne nouvelle. D'autant plus que de journaliste et romancière la voilà devenue depuis quelques années créatrice de jeux.
« Les femmes ont participé
à toutes les aventures humaines »
C'est avec sa complice Gaëlle Bidan que Anne Dhoquois a réalisé son rêve d'enfant en créant d'abord le jeu UNDA sur les cultures urbaines, fruit d'un long travail de proximité dans les banlieues en tant que journaliste. Un rêve qui se poursuit en 2019 avec la sortie d'une première édition de Héroïnes suivie d'une réédition en 2022. Et aujourd'hui, les deux femmes concoctent une extension autour de nouvelles héroïnes toutes issues de Bretagne.
« Jeu après jeu, nous voulons faire passer des messages, casser des murs mentaux » déclare Anne Dhoquois, fière d'avoir, sous le marrainage de l'historienne Michelle Perrot, contribuer à « montrer que les femmes ont participé à toutes les aventures humaines ». Pour l'édition originale des Héroïnes, c'est « aux quatre coins du monde et à toutes les époques » qu'ont été recensées les différentes Guerrières, Pionnières, Révoltées, Puissantes, Icônes, ou encore Féministes ou Effacées qui forment les sept familles du jeu.
« On n'a pas enfermé les femmes dans une caricature de figures positives » dit encore la conceptrice du jeu défendant le choix de certaines « héroïnes » contestables comme Margaret Thatcher, controversée, certes, mais politiquement puissante en Europe.
« Le jeu touche des publics
que le livre ne touche pas »
Pour la Bretagne, le choix s'est fait tout naturellement, Anne Dhoquois passant une partie de l'année à Douarnenez, ville avec laquelle elle est, dit-elle, « tombée en amour ». Qu'il s'agisse de femmes existant ou ayant existé mais aussi de figures de fiction voire de légende, la région est riche et les sources ne manquent pas, nous dit-on. Certaines de ces femmes sont connues, d'autres beaucoup moins ; on trouve des résistantes, des chanteuses, des conteuses, des scientifiques mais aussi des fées et jusqu'à Falbala, sans doute la plus ancienne des Bretonnes recensées ici.
De Marie-Marguerite de la Motte Piquet, première femme ophtalmologue de France, à Marc'harid Fulup, mendiante, illettrée et conteuse en passant par Cathy Suignard, fondatrice d'une boutique de jeux à Dinan et initiatrice du Groupement des Boutiques Ludiques, tous les profils sont présents. Sans oublier les moins visibles, les ouvrières des sardineries, femmes de marins et autres tenancières de bars, celles que Anne Dhoquois qualifie de « figures de la vie quotidienne ».
Si Joséphine Pencalet avait été recalée pour la première édition du jeu, c'est pour mieux trouver sa place dans l'extension bretonne en sa qualité de meneuse de la grève des Penn Sardin de 1924 mais aussi de première femme élue alors que les Françaises ne bénéficiaient pas encore du droit de vote.
On l'aura compris, ce jeu n'est pas seulement destiné à divertir en famille (à partir de douze ans) mais aussi à enrichir sa culture. « Le jeu touche des publics que le livre ne touche pas » estime Anne Dhoquois qui compte sur les ludothèques notamment pour rendre accessibles ses Héroïnes au plus grand nombre.
Anne Dhoquois reconnaît avoir découvert grâce à ses recherches sur les Bretonnes des femmes inspirantes comme Marion du Faouet ou les Sœurs Goadec ; pour elle, les sortir de leur « invisibilisation » va dans le même sens que lorsqu'elle signe un roman policier comme "Le Mâle est fait" avec un « positionnement clairement féministe ». C'est dit-elle « une forme d'engagement, mon militantisme à moi ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : découvrir le jeu Héroïnes par A&G Editions et contribuer à la fabrication de l'extension Bretonnes en participant jusqu'au 6 juin à la collecte en ligne sur Ulule.