Ce terme s'est fait une place depuis quelques décennies mais plus encore depuis quelques années dans les médias. En réalité, il définit assez mal ce dont il parle. En effet, le syndrome de l'imposteur n'est en rien une maladie, peut-être vaudrait-il mieux parler d'un sentiment ; et il concerne beaucoup plus souvent les femmes que les hommes.
Pour éclairer chacun.e sur ce que recouvre réellement l'expression mais surtout sur ses causes et ses conséquences, Marine Bruneau a choisi d'intituler son livre paru aux éditions Coop Breizh, Les Légitimes.
Car, si beaucoup de femmes se pensent impostrices, dans leur parcours professionnel notamment, c'est que la société tout entière remet bien souvent en cause leur légitimité.
« Le syndrome d'imposture est-il le mal du siècle ? » s'interrogeaient ces dernières années certains médias. Marine Bruneau, formatrice et conférencière, fondatrice du cabinet de conseil Egaluce, répond : « il n'est pas le mal d'un temps, il est le mal d'un système ». Un système qui pour elle est la combinaison du patriarcat et du capitalisme, tous deux synonymes de domination. Principalement de la domination des femmes qui dans le monde du travail se heurtent à la fois au plafond de verre (qui limite leur progression dans la hiérarchie d'une classe de métier) et aux parois de verre (qui limitent leur possibilité de changer de classe de métier).
C'est donc la responsabilité de toute la société que pointe l'autrice qui dénonce les conséquences d'une éducation genrée qui façonne les femmes dès l'enfance. Sur les 87 métiers référencés, rappelle-t-elle, les métiers mixtes ne sont que 13 dont 9 principalement féminins (ceux du care). En d'autres termes, les filles sont limitées dès le début de leur carrière dans les choix de métiers et la prise de responsabilité. 70% d'entre elles, apprend-on, connaîtront le syndrome de l'impostrice au moins une fois dans leur vie contre un peu moins de 50% des hommes. Tout simplement parce qu'elles ne se sentent pas à leur place.
Et précise Marine Bruneau, ça leur arrivera souvent plusieurs fois et à tous les âges ; s'il est difficile à une jeune femme, même très diplômée, de s'imposer dans le monde professionnel, les femmes de plus de 65 ans disent elles aussi en souffrir. Un sentiment donc qu'on ne retrouve pas seulement dans le monde du travail.
Les filles, très jeunes, intériorisent l'idée qu'elles sont « moins »
Avant d'écrire son livre, Marine Bruneau a d'abord réalisé une enquête. Elle s'était fixé 500 réponses en un mois, elle en a reçu 500 en 24 heures ! Convaincue de la pertinence de sa recherche et soutenue par une éditrice, elle a donc décidé au bout de deux semaines et de plus de 1600 réponses, d'en faire un livre qui s'appuie sur les différents témoignages collectés.
Parmi lesquels, elle cite cette élue du Finistère à qui on a recommandé de prendre un homme comme adjoint pour plus de crédibilité ou encore de cette biologiste/navigatrice qui se présente d'un simple « je fais du bateau ! » « Ce n'est pas moi qui ai le syndrome, ce sont les autres qui me ramènent à ça » analyse une autre femme à laquelle on pose régulièrement la même question : tu as trouvé l'idée toute seule ?
L'éducation genrée conduit les filles à « intérioriser l'idée qu'elles sont moins » écrit Marine Bruneau. Et celles qui réussissent parlent plus souvent que les hommes de la chance qu'elles ont eue ou de ceux et celles qui dans leur entourage les ont soutenues et/ou ont permis leur réussite. « Elles en viennent presque à s'excuser de leur réussite » écrit-elle encore. Les femmes sont éduquées à être humbles, modestes ; pas étonnant si 60% manquent de confiance en elles et si certaines préfèrent renoncer à une opportunité, ce que Marine Bruneau appelle les « auto-freins ».
« Les femmes sont légitimes à se sentir légitimes – conclue-t-elle pourtant – Le problème c'est que peu d'entre elles le savent ! » Pour elle, pour construire leur légitimité, elles ont besoin d'une part de la validation par l'intérieur, d'autre part de la validation par l'extérieur. Dans son chapitre intitulé « s'en sortir » elle liste quelques pistes pour aider les femmes à atteindre cette validation : regarder avec lucidité son parcours, trouver des rôles-modèles qui nous ressemblent, cultiver la sororité et dépasser ses peurs.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : lire le livre de Marine Bruneau, Les Légitimes, lutter contre le syndrome de l'impostrice aux éditions Coop Breizh