Les 23 et 30 mars, les Françaises et les Français sont appelés à renouveler leurs conseils municipaux. Très largement minoritaires à la tête des communes de France, les femmes ont plutôt une meilleure place en Bretagne que dans le reste du pays.
Rennes, pour la première fois de son histoire, pourrait avoir une femme première magistrate ; Nathalie Appéré, 38 ans, est tête de liste à gauche.
Trois questions à Nathalie Appéré, candidate aux élections municipales à Rennes
Vous évoluez dans un monde majoritairement masculin, celui de la politique, comment le vivez-vous ; être une femme, est-ce un atout ou une difficulté ?
"J'appartiens à une génération qui est arrivée en responsabilité politique avec la loi sur la parité. Pour moi, c'est essentiel d'avoir imposé cette parité en politique et notamment sur les listes municipales ; c'est sans doute ce qui a fait que dans la génération élue dans les conseils municipaux en 2001, être une femme pouvait être un atout. Cette génération arrivée en 2001 brigue un peu plus les fonctions de maire pour le scrutin de 2014. Rappelons qu'il n'y a aujourd'hui en France que 13% de femmes maires et seulement 6% dans les villes de plus de 100 000 habitants. Je me réjouis que, notamment dans la formation politique à laquelle j'appartiens, il y ait des candidatures féminines dans les grandes métropoles. On voit que les choses progressent ; elles ne progressent pas naturellement ; il faut une volonté politique.
La loi a permis de grandes avancées sur la parité en politique ; ça a été le cas pour les conseils municipaux en 2001 ; ce sera demain le cas avec les conseils généraux et départementaux puisque le nouveau mode de scrutin binominal paritaire pourra permettre d'avoir mécaniquement 50% de femmes là où on est à moins de 13% aujourd'hui avec quatre départements français dans lesquels il n'y a aucune femme conseillère générale.
J'ai vraiment un discours très militant sur cette question de la parité. Si on veut que nos organisations politiques progressent, celles qui constituent la moitié de l'humanité ont aussi vocation à constituer la moitié de nos assemblées. Je me bats aussi pour que la place des femmes puisse être à tous les niveaux et pas uniquement comme une obligation légale.
Est-ce que c'est difficile ou pas ? Moi, je fais peut-être une différence entre la féminité et la maternité ; en tout cas, moi je l'ai vécu comme ça. Je n'ai jamais ressenti localement de défiance particulière liée au fait que je sois une femme, par contre j'ai ressenti des problèmes dans l'organisation un peu plus lourde le jour où je suis devenue maman, et aujourd'hui maman de deux jeunes enfants. On voit bien que dans la répartition sexuée des tâches les choses sont un petit peu plus compliquées et s'il est difficile dans un certain nombre de communes d'avoir des candidatures féminines et notamment sur des jeunes femmes mères de jeunes enfants, c'est aussi lié à cette organisation des tâches."
Le fait que vous soyez femme, jeune et mère de jeunes enfants aura-t-il des incidences sur votre politique si vous devenez dans quelques semaines la première femme maire de Rennes ?
"J'étais la première femme première adjointe de Rennes donc je trouve qu'il y aurait maintenant une innovation forte à devenir maire ! Et j'entends beaucoup de bienveillance par rapport à une candidature féminine à Rennes ; des hommes aussi considèrent que c'est un élément d'identité important et sans doute de modernité politique. C'est une autre manière de faire, des rapports différents aux autres, d'attention aux questions du quotidien, de proximité. On est à la fois porteur d'un certain nombre de valeurs, et l'égalité en fait partie, et porteur d'un idéal politique, mais chacun-e garde une sensibilité personnelle, sa manière d'être, sa façon de concevoir l'action publique et l'action politique. C'est vrai par exemple que la question des espaces de proximité, des trottoirs pour les jeunes enfants, fait partie des choses qui me tiennent à cœur personnellement même si elle rejoint un projet global qui est : comment on fait du lien, comment on aménage la ville pour qu'elle soit favorable à chacun et à chacune.
Sur la question du droit des femmes en particulier il y a des éléments forts dans notre projet et il faut que ça puisse être porté par des hommes aussi cette question de l'égalité ! La ville de Rennes a été pionnière sur l'égalité hommes/femmes en tant qu'employeur et aujourd'hui je pense qu'on a encore à continuer sur le chemin du long combat pour le droit des femmes.
Moi, j'appartiens à une génération qui ne pensait pas avoir à manifester pour préserver le droit à l'interruption volontaire de grossesse dans les pays européens et pourtant je l'ai fait il y a quelques semaines ! Et j'ai aussi assisté à l'Assemblée nationale à des débats où en particulier une députée femme d'Ille et Vilaine demandait le déremboursement de l'interruption volontaire de grossesse en France. Tout ceci me fait dire que cette question de l'égalité n'est pas un combat du passé mais est bien encore devant nous et qu'il y a des choses à affirmer sur le plan des valeurs."
Nous venons de vivre la journée du 8 mars, qu'est-ce que cette date représente pour vous et qu'avez-vous fait de particulier ce jour-là ?
"Je pense que c'est effectivement important même si la critique est évidente : un seul jour pour les femmes et quid des 364 qui restent ? Mais c'est important dans une ville comme Rennes par exemple où il y a une dynamique associative très forte. C'est l'occasion de fédérer différentes initiatives, de donner de la visibilité à l'action des institutions et des associations qui travaillent sur cette question de l'égalité et du droit des femmes. Pour faire passer des messages il y évidemment toute l'année un certain nombre de campagnes qui sont menées sur les violences faites aux femmes et les violences domestiques notamment mais on a besoin de façon permanente d'informer, de sensibiliser, de montrer, et le 8 mars est cette occasion-là.
Personnellement, j'ai assisté à certaines manifestations associatives et j'ai aussi souhaité rencontrer différentes têtes de réseau dans les associations qui militent pour le droit des femmes et l'égalité pour leur présenter, en présence de la presse, le contenu de notre projet sur ces questions."
Propos recueillis par Geneviève ROY