Il paraît que le 18 octobre est la journée mondiale de la ménopause. Un événement assez peu visible ; comme les femmes concernées d'ailleurs. Et si tout ça changeait ?

En 2024, les femmes de 60 ans et plus veulent être de plus en plus actrices de leur vie. Après tout, il s'agit de celles qui ont défendu leurs droits sexuels et reproductifs dans les années 70.

Le Planning Familial d'Ille-et-Vilaine se dit très concerné par cette question. Réflexions et projets commencent à se mettre en place. Point de départ : une conférence gesticulée sur la ménopause portée par un collectif de femmes venues de Normandie, les Sacrées Vieilles.

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Ce soir-là, elles étaient six sur la scène de la Maison de Quartier de Villejean à Rennes. Hélène, Pascale, Liliane et les autres sont nées dans les années 50/60 et sont aujourd'hui pour la majorité d'entre elles en retraite professionnelle. Elles sont de ces femmes qui ont découvert leurs règles sans savoir ce qui leur arrivait, se sont fait leur éducation sexuelle toutes seules, ont milité pour une contraception libre et le droit à l'avortement. Elles sont aussi de celles qui cochent plusieurs cases à la rubrique cancer du sein et reconnaissent avoir sans doute consommé trop d'hormones de synthèse durant leur jeunesse.

Entre leur adolescence non protégée et la vieillesse prématurée de leur mère ou de leurs tantes, elles se sont interrogées comme le raconte l'une d'elle sur scène. « A 14 ans j'étais trop jeune pour faire l'amour mais ma mère en avait 44 et se trouvait trop vieille ; je me suis dit : alors, à quel âge on peut le faire ? »

« La durée de vie d'une femme est de 80 ans (...)

les femmes sont ménopausées autour de 50 ans,

ça en fait du temps ! »

Si la conférence gesticulée des Sacrées Vieilles s'intitule «  la ménopause c'est pas la mort, c'est encore l'amour » c'est bien parce que ces six femmes entendent continuer à défendre leur droit à l'amour y compris physique, leur droit au plaisir et à la maîtrise de leur corps. « La durée de vie d'une femme est de 80 ans en moyenne – rappelle Odile, une des "gesticulantes" - les femmes sont ménopausées autour de 50 ans, ça en fait du temps ! »

sacreesvieilles2Les unes étaient psychologue, infirmière, sophrologue ; les autres sont encore artiste visuelle ou professeure de chant. Aucune n'est comédienne et si quelques-unes avaient « un peu fait du théâtre » l'expérience est plutôt nouvelle et enthousiasmante.

Elles se sont rencontrées autour de ce projet, ont passé du temps à se livrer les unes aux autres et de longs week-ends collectifs sur l'écriture de leurs textes avec l'aide d'une professionnelle de la conférence gesticulée. Elles ont appris qu'il fallait mêler les savoirs froids – statistiques, analyses, lectures en tout genre - et les savoirs chauds faits de leurs expériences personnelles.

Chacune a travaillé son propre texte et toutes ensemble elles ont tricoté les deux heures qu'elles livrent sur scène avec enthousiasme. A l'heure de leur propre ménopause, elles y ont puisé une énergie nouvelle. « J'en parle comme d'un rituel d'accompagnement – dit Axelle – ça m'a permis de ne pas être seule avec cette histoire-là. » « C'est un travail de chœur ; on a créé une vraie sororité – dit de son côté Odile – Moi, en tout cas, ça m'a fait beaucoup de bien ! »

« Notre société n'est pas tendre avec les femmes (...) ;

il y a des cultures qui sont plus douces, moins violentes. »

sacresvieilles1Etre ensemble, faire du collectif. Voilà de quoi elles ont eu besoin au sortir du covid et de ses confinements. Le projet des Sacrées Vieilles a parfaitement répondu à leurs envies, leur permettant de se dire chacune avec son passé, son enfance et son adolescence, sa découverte du sexe et de son corps. « Notre société n'est pas tendre avec les femmes en général et avec les femmes âgées en particulier – souligne Axelle – il y a des cultures qui sont plus douces, moins violentes. » Sur scène, elle se réjouit d'apporter une « note poétique et positive » en évoquant le Japon, ce pays où la ménopause s'appelle « second printemps ».

La ménopause est « une construction sociale » rappellent les conférencières et le mot lui-même ne date que du 19ème siècle. La vie des femmes de plus de cinquante ans ne se limite pas à cette fatalité : l'arrêt des règles. Et quand les règles s'arrêtent, il reste encore tant à vivre. Les Sacrées Vieilles ont bien choisi leur moment ; les livres et réflexions sur le sujet se multiplient ces dernières années.

Le Planning Familial d'Ille-et-Vilaine a décidé lui aussi de porter cette question « des femmes matures » et de participer à « briser les stéréotypes et les tabous (..) pour faire avancer la cause des femmes ». Une volonté exprimée lors de la conférence des Sacrées Vieilles par le planning et ses partenaires, notamment l'association Histoire du Féminisme à Rennes et le CIDFF 35. Pour Axelle, Odile et les autres parler de la ménopause est « une forme d'engagement ». Les femmes ménopausées revendiquent leur droit au sexe et à l'amour ; le droit d'être visibles également !

Geneviève ROY