C'est l'histoire d'une rencontre qui tient à quelques mots, à quelques pages. L'an dernier Breizh Femmes organisait son premier concours de nouvelles. Coralie Brunot qui s'était remise à écrire depuis peu après un long temps consacré à la musique et au chant, tente sa chance.
Elle envoie deux textes dont un intitulé Dolorès. Ce texte ne sera pas primé ; il ne répond pas tout à fait aux consignes du règlement. Mais il retient l'attention des membres du jury qui y voient une belle évocation de la descente aux enfers d'une femme, victime d'emprise psychologique et de violences conjugales.
Le texte est mis de côté ; on songe à le ressortir au mois de novembre pour interpeller sur cette cruelle question des violences faites aux femmes. Et le mois de novembre arrivé, on se retrouve avec Coralie Brunot autour d'une tasse de thé...
Dans la vraie vie, Coralie est professeure de chant. Et l'art qu'elle maîtrise est donc celui de la musique. Mais depuis très longtemps déjà, elle écrit ; d'abord des poèmes, puis des nouvelles. Quand on lui demande ce qui a primé pour elle, il lui est bien difficile de répondre.
« J'écris depuis que j'ai sept ans – dit-elle – j'ai écrit des milliers de pages. Mais en même temps, j'ai toujours aimé la musique. Je n'ai pas pu en faire quand j'étais petite, mais je lisais beaucoup... Les Fantômettes, Les Clubs des Cinq, c'était au moins un ou deux chaque mercredi après-midi et autant le samedi et le dimanche ; j'étais une avide de lecture. » Et comme l'écriture c'est « plus facile » que la musique et que « ça coûte moins cher » la petite Coralie commence à noircir des pages de cahiers.
« Je ne me rendais pas compte
que je faisais quelque chose
de complètement fou ! »
Et puis la vie suit son cours et après des études de Lettres, Coralie devient institutrice. « J'ai adoré ce métier que j'ai fait pendant vingt ans – reconnaît-elle – Mais c'est un métier exigeant et je ne pensais pas pouvoir le faire jusqu'à la retraite. » Et sa passion pour la musique est toujours là. Ou plutôt pour le chant ; « j'ai toujours été touchée par les voix » dit-elle. Elle y voit l'incarnation de ses deux passions, « l'alliance entre la musique et les mots ».
« Il y a eu des hasards » résume Coralie pour parler de son parcours. Celui qui un jour fait qu'elle se retrouve privée de sa prof de chant qui vient de quitter Rennes. Celui qui la conduit jusqu'à Pontivy où une autre professeure lui ouvre sa porte. « Le niveau d'exigence a monté, et moi – dit Coralie – j'ai pris du plaisir à continuer. » Mais il arrive un moment où cette passion prend un peu trop de place dans sa vie de « mère célibataire avec un travail à temps plein et des études à 150 kilomètres de Rennes ». Aujourd'hui, elle s'étonne d'avoir réussi à tenir le coup à cette époque. « Il fallait quand même être très très motivée – s'amuse-t-elle – Je ne me rendais pas compte que je faisais quelque chose de complètement fou ! »
« Je m'ennuierais sans les gens
même si des fois
je rêve d'une île déserte ! »
Le dernier des hasards c'est un « pépin de santé » que Coralie évoque pudiquement : « je me suis dit : je vais réaliser un de mes rêves ; on ne sait jamais, la vie ça peut s'arrêter ! » Et en 2005, elle démissionne et crée Ezgourd'Mirettes, sa compagnie de théâtre musical.
Depuis deux ans, la compagnie est un peu en sommeil. Coralie se concentre sur les cours qu'elle dispense désormais aux enfants jusqu'aux retraités et même à quelques « rockeurs de la scène rennaise ».
« Le boulot d'artiste, on ne peut pas manger avec – commente-t-elle – l'enseignement permet d'avoir des revenus réguliers. Et puis ça tombe bien : j'adore enseigner ! Je crois que j'aime beaucoup l'être humain ; je l'observe dans mon rôle de professeure de chant et ça me fascine. Je m'ennuierais sans les gens, même si des fois je rêve d'une île déserte ! »
Quand elle ne chante pas, Coralie recommence à écrire. « J'ai arrêté un long moment. Le chant a pris la place. Mais le besoin est revenu. » Le besoin d'écrire des choses « très personnelles » d'abord sous la forme qu'elle privilégie : la poésie. Et puis, comme elle se définit comme « une bavarde qui aime bien s'intéresser aux gens » et leur prête volontiers une oreille attentive voire empathique, très rapidement elle met ses propres mots sur ce que d'autres lui confient.
« J'ai senti l'émotion ;
c'était presque gênant
et en même temps jubilatoire ! »
« Ça peut m'arriver de parler de moi – dit-elle – mais peu importe que ce soit moi ou une autre femme. » D'ailleurs les textes de Coralie sont courts, juste des mots pour dire des émotions. « Je ne décris rien - dit-elle encore – Quand je parle d'une femme, on ne sait pas comment elle est, où elle vit, etc. parce que ça peut être n'importe quelle femme. »
Ce qui compte ce sont les sujets que l'inspirent. Les rencontres et les confidences ; l'actualité aussi. Et puis, la violence – toutes les violences – et les injustices parce que dit-elle, « ça me mets en colère et ça me fait mal ! » Celle qui avoue en riant « j'adore la musique qui fait pleurer » se dit touchée quand ses mots émeuvent. « La première fois que j'ai lu un texte en public lors d'un atelier d'écriture – raconte-t-elle – j'ai senti l'émotion des gens. C'était presque gênant. Et en même temps, il y avait quelque chose de jubilatoire ! »
Coralie a mis longtemps à oser montrer ses textes. Mais elle croit aujourd'hui qu'ils sont pour elles une forme d'engagement. « Je suis militante – dit-elle – défendre des idées, j'ai fait ça quand j'étais plus jeune. Aujourd'hui, je ne me vois plus là-dedans, mais je n'ai pas envie de rester à ne rien faire. Alors, si mes textes peuvent toucher, trouver la petite faille pour aller là où les chiffres et les grands discours n'ont rien fait, ils ont peut-être cette raison d'être ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Coralie Brunot participe chaque année aux journées internationales des droits des femmes à Rennes en mars avec la chorale Kamaïeu. Elle sera l'invitée de Breizh Femmes le mardi 29 novembre à la librairie Planète Io à Rennes où sa nouvelle « Dolorès » sera lue par la comédienne Chloé Sonnier avant un échange avec le public. Elle a publié un recueil de poèmes intitulé « Huit diptyques pour les femmes ».