Maria et Monica ont plusieurs points communs. Elles viennent du Mexique et vivent et travaillent à Rennes. Le projet qui les unit est un cercle de femmes un peu particulier.
Créé voilà près de deux ans par quatre amies mexicaines, il a pour objectifs à travers des réunions mensuelles de permettre l'intégration de femmes étrangères nouvellement – ou pas – arrivées en France et de les accompagner dans leurs projets professionnels.
Une seule condition : parler espagnol !
Maria Jaimes est arrivée en France il y a dix ans. Il s'agissait juste alors pour elle de faire un stage de six mois. Séduite par la ville de Rennes où elle termine ses études de statistiques, la jeune femme après quelques détours dans le reste de la France revient s'installer, parce que, dit-elle « la Bretagne me manquait ».
Pourtant, l'intégration n'a pas toujours été facile. « C'était très compliqué parce que je ne parlais pas la langue, je n'avais pas les codes » témoigne-t-elle. La France, elle l'a justement choisie pour y apprendre à parler le français et puis, on lui avait dit que « les chiffres sont un langage universel ! » Cependant, elle se rend compte que maîtriser l'anglais et l'espagnol ne suffit pas pour se faire une place en Bretagne. Elle se sent un peu seule.
L'apprentissage de la langue n'est pas aisé non plus. « Au début – se souvient-elle aujourd'hui – j'avais peur de parler ; j'ai mis plusieurs mois pour commencer à interagir avec les gens ». Et puis « quelques belles rencontres » plus tard, elle se sent tellement bien qu'elle renonce à rentrer dans son pays, cherche – et trouve – du travail ici et demande la nationalité. « C'était une démarche importante pour moi – dit-elle – c'était la fermeture d'un cycle, je me sentais vraiment intégrée à part entière. Depuis 2014, j'ai la double nationalité. »
« On s'est rendu compte
qu'on vivait toutes les mêmes choses »
Aujourd'hui, Maria a « construit [sa] vie » ; elle travaille dans une compagnie d'assurance pour laquelle elle fait des statistiques et s'est découvert une passion : la danse aérienne. Une activité qui a bouleversé son existence puisqu'elle est devenue professeure de danse et revendique désormais « un double métier ».
Sur son parcours, Maria a rencontré d'autres jeunes femmes. Notamment Zinnya, mexicaine aussi, et quelques autres toutes un peu perdues dans un pays dont elles ne maîtrisaient pas la langue. A l'initiative de Zinnya, elles sont quatre amies qui décident en 2017 de créer une association. « On s'est rendu compte qu'on vivait toutes les mêmes choses : le manque de la famille, les difficultés à entrer en contact avec les gens. On a décidé d'aider les personnes qui arrivent ».
Monica Fernandez, arrivée du Mexique voilà quatre ans, a rejoint le groupe. « Je venais faire mon Master – raconte-t-elle – puis c'est la qualité de la vie en France qui m'a donné envie de rester. J'ai connu Zinnya dans une soirée mexicaine et elle m'a invitée à venir aux réunions. » D'abord simple participante, la jeune ingénieure informaticienne « experte en réseaux sociaux » est aujourd'hui en charge de la communication et gère la plate-forme qui recense les cours de français et toute la documentation nécessaire à celles qui arrivent. « Les quatre objectifs de l'association sont la recherche d'emploi, le projet professionnel, l'entrepreneuriat et le leader-ship » détaille-t-elle.
Les jeunes femmes accueillies viennent du Mexique, bien sûr, mais aussi de République Dominicaine, d'Argentine, de Colombie, du Vénézuela... Une fois par mois, elles se retrouvent pour s'entraider à rédiger un CV, partager une expérience, aider celles qui souhaitent créer leur propre entreprise à approfondir leur projet. « Il y a aussi parfois des étudiantes qui ne viennent que pour un semestre – précise Maria – on s'adapte ; l'important est d'être là pour se réconforter, créer un réseau. »
« Ce n'était pas difficile
parce que j'étais une femme
mais parce que j'étais étrangère »
Si seules les femmes sont admises dans leur petit cercle, c'est d'abord, s'amuse Maria dans un rire, « parce qu'on est des femmes ! » et que dit-elle « on a une certaine force entre nous ».
Plus sérieusement, Maria et Monica admettent qu'en général, les femmes « osent moins » et que rencontrer « d'autres femmes étrangères qui ont construit quelque chose, qui ont leur propre entreprise ou un boulot, qui ont dépassé la barrière de la langue, c'est encourageant pour elles ».
« Je ne me suis jamais dit que c'était difficile pour moi parce que j'étais une femme – dit encore Maria – mais parce que j'étais une étrangère. » Souvent elle s'est entendu dire : « vous avez le bon profil, mais avez-vous un permis de travail ? Si on vous recrute, ça va être compliqué pour nous » ; et les employeurs éventuels préféraient choisir un-e autre candidat-e plutôt que de faire les démarches nécessaires avec elle. Des expériences qu'elle juge « démotivantes ».
Aujourd'hui, Maria est à la fois animatrice et bénéficiaire de l'association. « J'ai mon projet – dit-elle – je veux créer mon école de danse et les filles vont aussi m'aider ; dans les moments de doute, je peux parler avec elles et ça me fait avancer ». Et de s'empresser d'ajouter : « ça ne veut pas dire qu'après je sortirai du groupe. Il n'y a pas un moment où on se dit : "c'est bon, j'ai fini !" Même celles qui sont reparties dans leurs pays ou qui ne viennent plus aux réunions gardent le contact ! »
Geneviève ROY