« Arrêtez de vous excuser d'être là » ; « vous n'êtes pas un poids, vous êtes une richesse ! » ; « vous ne venez pas quémander quelque chose mais vous êtes venues offrir quelque chose à vos pays d'accueil ! »

Davy Castel ne manquait pas d'enthousiasme ni de conviction pour s'adresser aux migrantes à l'invitation de l'association Déclic Femmes, lundi soir à la MIR.

Et c'était un réel bonheur d'entendre (enfin !) parler de migration en termes positifs.

Le chercheur de l'université d'Amiens a rappelé les spécificités de la migration féminine (plus de 50% des migrations totales) mais aussi ses préconisations pour un meilleur accueil et une intégration plus émancipatrice.

 

 

declicfemmes

 

Cette année encore, l'association Déclic Femmes s'est inscrite dans la programmation des journées des droits des femmes à Rennes pour mieux mettre en lumière les problématiques liées à la migration.

Entre projection vidéo et témoignages de migrantes, le chercheur Davy Castel a rappelé les points clés de la migration féminine. Les femmes, a-t-il insisté, représentent désormais plus de la moitié des personnes migrantes, or, « on continue à penser que c'est un monde d'hommes ». Une vision faussée qui engendre une réelle méconnaissance de la réalité.

Contrairement à l'image que l'on peut avoir, « les migrantes sont généralement ni les moins qualifiées ni les moins démunies des femmes des pays d'origine » et elles arrivent avec « une volonté d'indépendance économique » mais aussi « des motivations sociales que l'on pourrait qualifier de féministes » ; le temps du regroupement familial est loin !

castelPourtant, et son propos était parfaitement illustré par les témoignages des femmes présentes, on ne reconnaît souvent ni leurs diplômes ni leurs expériences professionnelles passées. « Paradoxalement, lorsqu'on regarde les emplois occupés par les migrantes en France - a détaillé le chercheur - on constate qu'elles sont cantonnées aux emplois domestiques, traditionnellement considérés comme féminins ». Et donc, dévalorisés.

« Soyez le petit caillou dans la chaussure »

« La migration féminine n'est que paradoxe » a souligné Davy Castel, démontrant que ces femmes en recherche d'émancipation se trouvent souvent piégées contribuant malgré elles non seulement à leur propre domination mais aussi au « maintien des inégalités de sexes dans le pays d'accueil ». Avec humour, il ajoute : « la bonne fait ce que madame ne fait plus et monsieur peut continuer à ne pas s'impliquer dans les tâches domestiques ! »

La situation dépeinte par Davy Castel comme « un énorme gâchis en termes de mobilisation des compétences réelles des migrantes » ne lui semble heureusement pas inéluctable. Il souligne en particulier le rôle essentiel des associations notamment comme « interface qui permettent de maintenir un lien essentiel avec le pays d'origine tout en développant des liens avec le pays d'accueil ». Mais il insiste aussi sur l'importance de « ne pas parler au nom des migrantes mais bien de leur donner la possibilité de parler en leur nom propre ».

Pour le chercheur, il est essentiel que les migrants et en particulier les migrantes puissent « se rassembler dans des collectifs » afin d'agir en direction de la société civile pour changer les mentalités et des pouvoirs publics pour faire évoluer les politiques. « Pour davantage d'émancipation, soyez le petit caillou dans la chaussure » conseille-t-il rappelant que les droits des femmes n'ont été conquis qu'au prix de revendications insistantes et qu'il en sera de même des droits des migrant-e-s.

« L'accueil des migrant-e-s n'est pas un coût mais un investissement »

« Les migrants n'ont pas besoin de davantage de contrôle – s'emporte Davy Castel faisant allusion aux récentes politiques gouvernementales – ils ont besoin de davantage de respect.» S'il salue le travail considérable des associations et notamment celui de Déclic Femmes à Rennes, il considère que l'état ne devrait pas faire d'économie en se déchargeant ainsi sur les bénévoles.

fatima« L'accueil des migrant-e-s n'est pas un coût mais un investissement » martèle-t-il estimant que chaque migrant-e devrait se voir offrir un accompagnement individuel et des cours de français systématiques et gratuits mais aussi que les politiques migratoires devraient intégrer la question du genre car dit-il « les besoins des femmes ne sont pas les mêmes que ceux des hommes » rappelant au passage que les migrantes subissent une double discrimination liée à la fois à leur genre et à leur origine.

« Lorsque vous échappez à la xénophobie, vous subissez le sexisme et lorsque vous échappez au sexisme vous subissez la xénophobie » dit-il encore dressant un portrait peu attractif de la France mais que les migrantes présentes, confrontées à la recherche d'emploi notamment, semblent parfaitement (re)connaître !

Geneviève ROY