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Elle fait semblant de penser que ses deux années à la tête du barreau de Rennes n'ont pas eu vraiment de conséquences.

Catherine Glon, deuxième femme de l'histoire locale à avoir occupé la fonction de bâtonnière, dit en tout cas ne pas avoir « approché la fonction » en tant que femme mais bien en tant qu'avocate.

« Je ne me suis pas demandé si comme femme j'allais apporter des choses différentes » dit celle qui reconnaît pourtant à mi-mots que « peut-être des choses ont pu avancer »...

 

Elle est connue depuis longtemps pour son franc-parler et ses engagements. Catherine Glon, seule femme avocate pénaliste à son début de carrière n'a jamais caché ses convictions. Et c'est bien avec cette réputation qu'elle a été élue bâtonnière en 2022. Au terme de ses deux ans de mandat, achevé fin 2024, elle dresse un bilan positif. Si dit-elle, elle « n'a pas appris grand chose sur le monde de la justice » elle ne peut s'empêcher de penser que sa « personnalité un peu atypique » a sans doute contribué à « faire avancer l'image des avocates ».

« Je ne regarde pas beaucoup dans le rétroviseur » déclare Catherine Glon. Ce qui la fait avancer c'est plutôt le travail qu'il reste à faire. Ses engagements passés sont connus : CIDFF, Planning Familial, Aides, SOS Amitié... et ses liens avec les associations locales se tricotent depuis longtemps. « On est toujours les mêmes aux mêmes endroits – reconnaît-elle – d'une manière ou d'une autre on se rencontre sur la même préoccupation d'humanité ».

Et c'est cette volonté d'exercer son métier avec humanité qui a toujours mené Catherine Glon là où elle sentait être sa place. Aujourd'hui, bien sûr, elle ne peut plus comme à ses débuts dans les années 80, prétendre être la seule femme pénaliste du barreau de Rennes. Mais elle note tout de même que ça ne doit pas être si naturel pour le grand public et les médias puisque dernièrement encore le quotidien régional consacrait un « très long article » à deux de ses jeunes consœurs devenues pénalistes. « C'est bien – dit-elle – que ça suscite encore un étonnement ; deux hommes pénalistes n'auraient pas eu un tel article ! Sans doute - ajoute-t-elle – faut-il se féliciter de cette visibilité mais peut-être faut-il s'en inquiéter en même temps ! »

« La société gère sa propre culpabilité

à avoir ignoré trop longtemps

les violences faites aux femmes et aux enfants »

Les femmes représentent 62% des 1000 avocat.e.s du barreau de Rennes, à peine plus que la moyenne nationale. Mais, prévient l'ancienne bâtonnière, ça ne signifie pas que l'égalité existe entre les femmes et les hommes ni en termes de niveaux de responsabilité, ni en termes de rémunération.

Si du côté de la loi, des lois, l'égalité est bien là c'est dans les faits que l'avocate souhaiterait que les moyens soient plus présents. Il manque selon elle des « dispositifs de contrôle effectifs de l'égalité ». « C'est très difficile de prouver une discrimination dont on a été victime - dit encore Catherine Glon – il faudrait que davantage de contrôles s'imposent aux administrations, aux institutions, à la justice elle-même d'ailleurs ».

Les moyens, c'est bien là que tout se joue. Or, estime-t-elle, « la justice a toujours été la parente pauvre du budget national ». Aujourd'hui, déplore-t-elle la grande majorité des hommes incarcérés au centre pénitencier de Vezin le sont pour des violences intrafamiliales.

« La société gère sa propre culpabilité à avoir ignoré trop longtemps les violences faites aux femmes et les violences faites aux enfants – détaille Catherine Glon - Aujourd'hui, on assiste au retour de balancier et la seule réponse est de rendre la punition le plus visible possible pour satisfaire l'opinion publique. Mais ça ne sert à rien. On ne devient pas violent par hasard ; d'autres pays comme le Québec ou les pays du nord de l'Europe savent mettre plus de moyens pour des accompagnements à longs termes, des lieux de parole, des thérapies de groupes, etc. Nous, on est toujours en retard mais c'est sans doute aussi une question de culture ! On est silencieux pendant des années sur des choses que tout le monde connaît puis quand on décide de réagir le seul logiciel de pensée qui domine c'est la réponse par la prison ; il y a très peu de solutions alternatives ! »

« J'appartiens à une génération

où le féminisme était complètement nécessaire.

C'est un marqueur de ma personnalité »

Femme de convictions, Catherine Glon défend la place centrale de l'école car pour elle, l'éducation est bien la clef de l'égalité et que tout ne peut pas reposer sur les familles, souvent démunies. L'éducation au respect de l'autre, à la non violence sont aussi importantes que d'apprendre à compter. « Quand on grandit avec ces convictions-là - dit-elle - c'est beaucoup plus facile ensuite tout au long de sa vie de les mettre en œuvre ! »

En sa qualité de bâtonnière, elle a sûrement fait pencher sa balance. Pas étonnant d'avoir vu le barreau de Rennes devenir partenaire de quelques événements marquants notamment sur la laïcité ou lors des journées du mois de mars sur les droits des femmes ou du mois de novembre sur la lutte contre les violences faites aux femmes tout comme tenant un stand au village associatif de la Marche des Fiertés.

« J'ai toujours été passionnée par tout ce qui incarne la vulnérabilité, l'exclusion, la défense de celles et ceux qui en ont le plus besoin et ça inclut les femmes inévitablement » défend Catherine Glon qui ajoute : « j'appartiens à une génération où le féminisme était complètement nécessaire. C'est un marqueur de ma personnalité. Peut-être qu'il y a eu une petite impulsion de ma part pour faire des choses ces dernières années mais en tout cas, tout le monde était d'accord ! »

Son credo : ne jamais céder, ne jamais renoncer. « Il ne faut jamais se relâcher – insiste-t-elle – peut-être que c'est fatigant mais c'est aussi un moteur et c'est finalement plus gratifiant que fatigant ! »

Geneviève ROY