Elle a rejoint les bancs de l'Assemblée nationale en 2012. Députée PS d'Ille et Vilaine et présidente du conseil supérieur de l'adoption, Marie-Anne Chapdelaine concentre ses différents combats autour d'une idée force : la justice sociale.
Témoignage.
Un engagement dès l'adolescence
« J'ai adhéré très tôt au Parti Socialiste. C'était en 1978 ; j'avais 16 ans. J'avais déjà chevillé en moi certaines valeurs notamment concernant les droits de l'homme, les libertés publiques, etc. On allait fermer un internat dans le lycée où j'étais et je me suis engagée.
J'ai connu mes premières manifestations ; mes premières confrontations aux forces de l'ordre, aussi. Puis, j'ai choisi assez rapidement de me former. Je ne voulais pas en rester au « je suis contre tout ». Ensuite la vie passe. J'ai entamé, je crois, une belle carrière professionnelle ; j'ai eu quatre enfants. Et tout naturellement, je me suis retrouvée en congé parental. Avec une carrière qui s'arrête et sans savoir si après je retrouverais quelque chose.
A 16 ans, je ne me voyais pas élue un jour. J'avais même une image assez négative des femmes et des hommes politiques dont je pensais qu'ils étaient amenés à beaucoup de compromissions. Puis, on « grandit » et les choses changent. Je me suis un peu plus intéressée à l'économie, au monde de l'entreprise ; j'ai fait toute ma carrière dans le privé.
En 2001, quand arrivent les élections municipales, ma famille est installée à Rennes depuis un certain temps et je décide de m'engager aux côtés d'Edmond Hervé. Je deviens conseillère municipale chargée d'un dossier qui me plaît tout de suite, celui de l'intégration et de l'égalité des droits. Arrive 2008 et de nouvelles élections municipales. Là je suis adjointe au maire toujours en charge des mêmes dossiers. J'ai mûri mon engagement. Il y a des gens qui commencent à être lâchés sur le bord de la route ; ça m'interpelle. »
Un rêve : abroger les lois sur la parité
« J'ai toujours vécu dans les quartiers populaires et je continue à y vivre ; donc, je vois ce qui se passe. Et quand en septembre 2011, j'apprends que la circonscription correspondant au quartier où je milite, dont je suis élue, est ce qu'on appelle au PS « réservée femme », je décide de poser ma candidature pour les élections législatives. Ca n'a pas été facile ; la campagne a même été très dure parfois car les hommes ne laissent pas leur place comme ça, et j'ai eu un adversaire dissident du PS pour qui j'avais auparavant fait moi-même campagne. Les listes « chabada », c'est-à-dire un homme/une femme, ont énormément apporté dans les conseils municipaux. Mais moi, je rêve du jour où on pourra les abroger parce qu'alors, la parité sera gagnée. Peut-être qu'on aura des listes avec 52% de femmes ou même 60% parce qu'elles auront envie d'y aller et qu'elles seront compétentes ; et d'autres listes avec 48% de femmes. Il faut que tout ce qu'on met en place aujourd'hui pour la parité ne serve qu'à une chose : qu'on arrête de se poser ces questions-là. Et qu'un jour se soit tellement naturel que les lois deviennent obsolètes. Bref, moi, j'ai tout de même été élue avec 66,63% des voix sur une circonscription qui a énormément d'atouts mais aussi quelques problématiques dures puisque c'est là qu'est installée l'usine PSA de Rennes. Je découvre depuis un monde politique un peu différent. »
De l'hémicycle à la circonscription
« Quand on est député, ce n'est pas la même chose qu'être élu local. Mais ce que je ne sais pas, je l'apprendrai et pour moi, l'important est d'avoir des valeurs et la niaque ! Au début on ne réalise pas vraiment ce que ça veut dire être député. Le soir des élections, bien sûr, on fait la fête, il y a la ferveur des militants, etc. Puis, il y a aussi des moments d'émotion, des gens qui venaient me féliciter alors que je n'aurais jamais cru qu'ils voteraient pour moi. Mais c'est surtout en arrivant dans l'hémicycle qu'on se dit : ben, voilà, j'y suis, je suis au cœur du dispositif ! Et puis, sitôt constaté que l'endroit est beaucoup plus petit qu'on pensait, on se retrouve dans le bain. Et notamment, pour moi, ça a été l'affaire PSA tout de suite ! Aujourd'hui, je partage donc mon temps entre Rennes et Paris. Mais quand je reviens chaque jeudi sur ma circonscription ce sont mes moments de pur bonheur. Je continue à aller dans les associations, les repas de quartier, sur le marché.
Moi, je ne me suis jamais cachée. J'avais un drapeau. Je suis socialiste et je défendais les 60 engagements de François Hollande. Je crois beaucoup au dialogue. A l'Assemblée, nous avons des groupes de travail ; c'est là que doit avoir lieu le dialogue. Si on est pas d'accord, si on grogne, c'est là que ça doit se passer. Après, il faut expliquer aux gens. Certains trouvent que ça ne va pas assez vite ou pas assez loin. Mais, sur le terrain, on est le représentant de ce qui a été voté. Et je crois qu'avec pédagogie, avec du sourire et de la courtoisie, on arrive toujours à s'expliquer. On peut s'engueuler parfois mais le lendemain on va prendre un café ensemble et puis voilà ! Je reste conseillère municipale et c'est important pour moi de conserver ce mandat qui me permet d'avoir une prise avec cette ville que j'aime. En 2008, je me suis engagée avec enthousiasme derrière Daniel Delaveau et je pense qu'il reste encore plein de choses à faire et je veux être là ! »
La justice sociale et la famille
« A 16 ans, on s'engage sur des coups de cœur ; quand on en a 50, on pense un peu différemment, c'est normal ! Quand on est élu il faut savoir pourquoi on le fait. Moi, je l'ai fait pour apporter ces valeurs qui m'avaient portée tout au long de ma vie pour les mettre au pot commun d'une équipe municipale. Ce qui m'importe le plus c'est la justice sociale, ne laisser personne au bord de la route. C'est important de se préoccuper du plus démuni parce que quand tu te préoccupes du plus démuni c'est pour le bien de tout le monde. Tout ce qui concerne la justice sociale et la famille seront toujours des combats que j'aurai envie de mener. Mais il y a plein de choses qui m'intéressent aussi comme le droit de la presse par exemple parce que je trouve que la liberté d'expression est trop souvent bafouée. Pour le conseil supérieur de l'adoption, c'est moi qui ai posé ma candidature parce que c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. On a rendu un avis sur l'ouverture de l'adoption suite à la loi sur le mariage pour tous. C'était un des engagements de François Hollande et moi je n'ai pas d'état d'âme là-dessus. Je pense que la loi sur le mariage pour tous va permettre de sécuriser les enfants parce que les deux parents auront les mêmes droits. Ce que j'appelle le parent « social » va pouvoir reconnaître l'enfant du parent biologique. Il y a déjà eu des avancées avec la délégation d'autorité parentale mais elle est révocable en cas de séparation ou de décès. Il fallait aller plus loin. »
Une bonne organisation au quotidien
« Je ne sais pas si mes enfants sont fiers de moi, en tout cas, ils ont une certaine conscience politique. Pour eux, il y a des choses naturelles comme les combats en faveur des droits de l'homme. Je me suis beaucoup occupée de la lutte contre les discriminations, donc là-dessus ils ont de bons réflexes. Aujourd'hui, les deux aînés sont grands ; les deux autres sont encore à la maison. Ca nécessite une bonne organisation, mais ils ont eu l'habitude d'avoir des parents en déplacements professionnels. Je pense que de temps en temps, ils râlent parce que je ne suis pas là mais que souvent ça leur laisse un peu plus de liberté et que ça leur va bien. Chacun évolue ; il m'appartient juste en tant que maman de veiller à ce que tout ça ne soit pas préjudiciable pour eux. Mais nous ne sommes pas liés à nos enfants comme ils ne sont pas liés à nous ; ils sont des êtres humains et nous aussi ! »
Propos recueillis par Geneviève ROY