Le projet Les Belles Combattantes de l'association Yadlavie est un peu un point final à une aventure de près de cinq ans.
Karine Nicolleau, photographe et réalisatrice, parle avec enthousiasme de toutes ces personnes rencontrées à travers la succession d'expositions et de films où elle s'intéresse aux malades du cancer.
Avec ce dernier chapitre, elle veut montrer « des parcours gagnants » et présenter des femmes qui, entre rire et larmes, parviennent à s'affirmer et se reconstruire, ce qu'elle appelle « l'amorce d'une nouvelle vie ».
Les Belles Combattantes ce sont à la fois un film de trente minutes et une exposition. Les deux parlent – et surtout écoutent parler – des femmes qui ont traversé la longue épreuve d'un cancer du sein. Mais la réalisatrice se défend : « ce n'est ni un film, ni une expo sur le cancer ! »
Lors de ses précédents tournages, au centre hospitalier St-Grégoire pour le projet « Je ne suis pas le cancer » ou auprès des sportives des associations Les Riposteuses ou les Roz Eskell qu'elle a suivies jusqu'en Chine, Karine Nicolleau a été surprise d'entendre les femmes répéter : « c'est grâce au cancer ». Comme si la maladie en changeant leurs corps avait aussi changé leur vie.
« C'est vraiment ça qui nous a donné envie de donner la parole à ces femmes » explique-t-elle aujourd'hui en compagnie de la chargée de projet de l'association, Marie Lejeune – On s'est aperçu que beaucoup nous disaient : sans le cancer je n'aurais jamais fait ça, je n'aurais pas osé, etc. Aujourd'hui, j'ai changé de travail, j'ai envie d'entreprendre plus de choses. Finalement, l'une d'elles nous a même avoué : je me sens dix fois plus vivante maintenant ! »
C'est cet aspect positif qu'elles ont voulu montrer. « Le film aurait pu s'appeler « grâce au cancer » - disent-elles encore – parce que ce qu'il dit c'est que malgré les parcours difficiles, quand les traitements sont terminés, il y a de la vie, et une vie bien plus forte et plus riche qu'avant ! »
Des larmes et des éclats de rire, des souffrances et des questions
Pour monter leur exposition, Karine et Marie, ont proposé à toutes les femmes qui le souhaitaient une séance photo dans leur studio. Accompagnées d'une socio-esthéticienne, elles ont reçu des femmes invitées par la Ligue contre le Cancer, par les associations sportives ou venues seules, parce qu'elles avaient entendu parler du projet.
La plupart sont arrivées intimidées, n'ayant jamais posées devant un-e professionnel-le de l'image. L'une d'elles n'avait rien dit à son mari, une autre est venue accompagnées de ses filles, beaucoup n'avaient pas encore apprivoisé leur nouveau corps et hésitaient à se regarder dans un miroir.
« Toutes sont reparties avec le sourire » insiste Karine Nicolleau, fières de montrer les photos qu'elles ont elles-mêmes sélectionnées pour l'exposition. Les quatre heures passées dans le cocon du studio photo, chouchoutées par l'esthéticienne qui leur prodiguait ses conseils, leur ont permis de lâcher prise, « comme si elles avaient posé un poids ».
Il y a eu des larmes et des éclats de rire, des femmes qui ne se connaissaient pas mais se retrouvaient unies par les mêmes souffrances et les mêmes questions. « On ne demandait rien – rappellent Marie et Karine – mais elles avaient besoin de dire. »
Parce qu'avec la guérison, c'est aussi l'arrêt des suivis thérapeutiques et les proches qui ont envie d'oublier et de passer à autre chose. Alors qu'elles – expliquent les photographes – n'en ont pas complètement fini, « pour tout le monde, elles sont guéries, mais elles, elles se sentent différentes, elles ne se reconnaissent pas ».
Des « parcours gagnants » qui n'effacent pas tout
Comme les autres projets de Yadlavie, les Belles Combattantes présente à la fois des photos et des paroles. « C'est ce mélange qui nous intéresse » dit Karine Nicolleau qui a demandé à chaque femme photographiée d'écrire un petit texte. Le résultat est surprenant, si les photos montrent des « images positives de femmes qui rigolent » les textes à côté sont selon Marie Lejeune « une énumération de termes scientifiques qui font peur » ; c'est de leur parcours médical que ces femmes avaient envie de parler. « Ce n'est pas parce qu'elles ont rebondi que tout le reste a été effacé » dit encore la photographe.
Si ce ne sont pas les mêmes femmes que l'on retrouve dans l'exposition photos et dans le film des Belles Combattantes, le message reste le même. « On montre l'après – expliquent les réalisatrices – on a pris la décision au montage de ne pas parler de santé, mais de montrer des parcours gagnants. »
En suivant Sonia Rostagni sur les plateaux de théâtre ou les Roz'Eskell découvrant la Chine, le film se veut un support de débat non pas sur la maladie mais bien sur l'émancipation des femmes et leur réappropriation de leur vie quand tout s'est réorganisé que se soit au niveau social ou professionnel comme au niveau familial.
Le cancer, comme une nouvelle chance ? Difficile peut-être à entendre et pourtant. « Elles ont dit : grâce au cancer – insiste Karine Nicolleau – à aucun moment elles nous ont dit : à cause du cancer. C'est complètement différent ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Exposition Les Belles Combattantes du 4 mars au 12 avril à la Maison des Associations, cours des Alliés.
Projection du film suivie d'une table ronde intitulée « femme chimiotée, femme envers et contre tout » le 14 mars à 18h en présence de Sonia Rostagni, comédienne, de Maryse Taëron, responsable syndicale et de Anne Patault, vice-présidente de la région Bretagne, chargée de l'égalité.