Les clichés ont la vie dure et on s'imagine volontiers qu'en Afrique, au 21ème siècle, les femmes continuent à se transmettre les choses essentielles de la vie de génération en génération.
Ce n'est pas tout à fait l'avis d'Aïda Ahmed Tidjane. Avec sa sœur, cette Nigérienne est en train de créer une application pour smartphone destinée à accompagner les jeunes femmes dans leur grossesse et les soins au nouveau-né.
Cet automne, elle est venue se former à Dinard dans le cadre des échanges "Talents du monde".
Son entreprise n'est encore qu'en cours de création à Niamey où sa sœur vient de trouver un local. « Pour l'instant, c'est surtout un projet » reconnaît Aïda. Pourtant depuis le début de l'année 2016 les choses avancent très vite pour les deux jeunes Nigériennes. Aïda vient de quitter la Bretagne après six semaines passées à Dinard. Une formation mise en place par la Fondation Solacroup Hébert en partenariat avec huit pays d'Afrique de l'Ouest membres de l'UEMOA.
« Je suis venue pour apprendre » dit modestement celle qui détient déjà un Master en gestion administrative des entreprises. De son côté, sa sœur, ingénieure en informatique est restée au pays pour poursuivre la conception de l'application numérique qui est au cœur du projet. Leur entreprise, Aïda la définit comme une « société à caractère social dans le domaine de la santé ». Il s'agit de mettre sur le marché une « application numérique pour le bien-être de la femme enceinte et de l'enfant » et un réseau de « marraines » pour accompagner le programme.
Des jeunes femmes démunies face à leur grossesse
L'idée trouve son origine dans « une histoire personnelle » explique Aïda qui estime que les jeunes femmes d'aujourd'hui, vivant dans les grandes villes de l'Afrique de l'Ouest et en particulier du Niger, manquent d'informations concernant leurs grossesses.
« Chez nous, quand une femme tombe enceinte, elle ne comprend pas ce qui lui arrive et elle ne sait pas s'occuper du nouveau-né » analyse Aïda, elle-même démunie à ce moment-là. « Tout le monde est occupé – dit-elle encore – Ma sœur a pratiquement eu la même histoire que moi. Notre maman travaille donc elle n'a pas de temps pour nous ». Et les deux sœurs ont connu la même chose : à la naissance de leurs enfants, elles ont dû abandonner leur emploi pour s'occuper des bébés.
Un manque d'accompagnement, des crèches pas assez nombreuses et très chères, des nourrices qui ne sont pas suffisamment formées... La jeune femme énumère tous les obstacles rencontrées par les jeunes mères au Niger. « Maintenant – précise-t-elle - les femmes n'aiment pas trop avoir d'enfant parce qu'elles savent que leur vie professionnelle ne pourra plus évoluer après ». D'où l'idée de leur simplifier la vie avec une application numérique dans un pays hyper connecté.
Un monde numérique et des « vraies » marraines
« On vit dans un monde numérique à Niamey » s'enthousiasme Aïda. Si les choses sont bien différentes à la campagne, son projet vise d'abord les femmes de la capitale puis celles des grandes villes du pays. Des femmes souvent jeunes lors de leur première grossesse – dix-huit ou dix-neuf ans la plupart du temps – qui ont besoin d'être accompagnées pour ne pas trop « flipper » !
Et c'est le second objectif de la jeune entreprise d'Aïda : développer un réseau de « marraines ». Les femmes recherchées devront être un peu âgées, déjà expérimentées et munies d'un « bon niveau scolaire » afin de suivre une formation dispensée en partenariat avec des cliniques, maternités et sages-femmes. L'application téléchargée sur le smartphone permettra aux jeunes femmes de connaître la date probable de l'accouchement, de programmer les consultations prénatales et postnatales ou encore de ne pas oublier les vaccinations des enfants, mais le contact humain n'est pas totalement mis de côté. Une nouvelle façon d'envisager la transmission en Afrique !
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : le programme « Talents du Monde » est animé par des chef-fe-s d'entreprises et des expert-e-s. Depuis 2010, plus de 180 jeunes entrepreneur-e-s ouest-africains ont pu en bénéficier dans le cadre du château de Dinard, siège de la Fondation Solacroup Hébert. Les pays concernés en Afrique sont le Niger, le Bénin, le Togo, le Mali, le Sénégal, le Bukina Faso, la Côte d'Ivoire et la Guinée-Bissau.