Elle assure avec enthousiasme vouloir « porter ce livre comme si c'était le [s]ien ». Pourtant, Jessie Magana insiste sur le fait qu'elle n'est pas « l'autrice principale » de Red Flags en amour.

C'est avec Anne Latuille, thérapeute en psycho-traumatologie, qu'elle a défini sous forme d'un abécédaire les mots clefs destinés à « esquiver les relations toxiques » ; un petit guide pour apprendre à repérer les comportements problématiques dès les premiers rendez-vous.

Jessie redflags

 

26 mots, 26 entrées différentes, de A comme addictions à Z comme zéro initiative en passant par le F de forcing, le J de jugement ou encore le X de xénophobe. Ce petit guide sorti en février, est selon Jessie Magana « un livre pour soi mais qu'on peut aussi offrir ». En tant qu'autrice jeunesse, spécialisée dans la lutte contre le sexisme, elle a rejoint Anne Latuille sur un projet déjà en cours. Elle se réjouit aujourd'hui d'une « collaboration fructueuse dans la bienveillance et le respect de l'espace de chacune » qui fait de ce guide « un objet fini dans lequel chacune se reconnaît ».

Redflags01« Mon apport – dit-elle – a été d'élargir à tous les âges et notamment aux plus jeunes ». L'objectif : accompagner celles et ceux, jeunes ou moins jeunes, qui démarrent leur vie amoureuse ou une nouvelle relation, et les mettre en garde contre les relations toxiques. Changement brusque d'humeur, jugements lapidaires, injonctions de toutes sortes... les « red flags » définis ici ne sont autres que des signes qui doivent alerter si on souhaite construire une relation égalitaire et harmonieuse.

Un peu comme une grande sœur

qui donnerait des conseils

Parce qu'il s'adresse avant tout à un public de 15/30 ans le vocabulaire a été choisi avec précision et s'accompagne d'illustrations « marrantes » signées Maya Orhan. « On voulait être dans les codes de cette génération » explique Jessie Magana qui reconnaît volontiers que les gens plus âgés auront peut-être du mal à s'y retrouver dans un lexique puisé sur les réseaux sociaux.

C'est à partir de ses propres expériences (parfois douloureuses) qu'Anne Latuille s'est lancée dans ce projet. « Il y a quelques années – écrit-elle en avant propos - je suis tombée dans le panneau, et me suis embarquée dans une histoire profondément toxique pour moi. Toxique au point que ma santé en a été affectée. » C'est ce qu'elle veut aujourd'hui éviter à d'autres un peu comme une grande sœur qui donnerait des conseils. Les définitions s'accompagnent en fin d'ouvrage de petits exercices pratiques et d'une bibliographie.

« On va faire tout un travail aussi auprès des professeur.e.s documentalistes et des référent.e.s égalité dans les établissements » ajoute Jessie Magana qui connaît bien le milieu scolaire où elle intervient régulièrement. C'est aussi de cette expérience-là qu'elle s'est servie pour apporter au texte d'Anne Latuille des précisions destinées aux plus jeunes mais aussi des exemples concrets recueillis sur le terrain.

Derrière une relation de personne à personne,

le poids de la société

« Notre envie – dit encore Jessie Magana – est de souhaiter à toutes les personnes qui auront ce livre entre les mains de belles relations. Je me suis beaucoup attachée à montrer que les mécanismes d'une relation toxique sont des mécanismes de domination. On ne parle pas seulement d'une relation qui s'instaure de personne à personne, c'est toute la société qui est là, en arrière-plan ».

redflag21Une occasion pour elle de défendre ses convictions en matière d'égalité femmes/hommes et de dire aux plus jeunes, les garçons notamment, le poids d'une société fondée sur le patriarcat.

« On s'adresse plus aux filles puisqu'elles sont davantage victimes de relations toxiques, la toxicité étant très liée au système patriarcal – détaille Jessie Magana – mais on veut aussi montrer que les garçons sont prisonniers de ces schémas. Et je pense que c'est intéressant de l'offrir aux garçons en leur disant qu'ils peuvent être victimes de ces relations toxiques mais qu'ils peuvent aussi en être porteurs parce qu'on leur a appris que dans une relation, c'est l'homme qui doit dominer ! » Et que les remarques sexistes font partie de « ce continuum qui peut aller jusqu'à la violence ».

Les deux autrices savent qu'elles s'adressent à des personnes en construction qui ont besoin de renforcer leur estime de soi. Leur préoccupation est bien de leur dire : apprenez d'abord à vous connaître. « Quand on sait quelles sont ses limites, quand on sait comment on se projette dans une relation, ce qu'on en attend, on risque moins de tomber sur des personnes toxiques » défend Jessie Magana.

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
Red flags en amour, petit guide pour esquiver les relations toxiques de Anne Latuille, avec Jessie Magana aux éditions Syros