Jessie Magana, en café-citoyen à l'Antipode à Rennes, à l'occasion des journées des droits des femmes, a ouvert le débat sur le thème des jouets.

Pour elle, le sexisme qu'on observe dans l'attribution des jouets, donc des rôles, dès le plus jeune âge trouve ses origines dans notre société d'hyper consommation mais a surtout des conséquences pour les enfants, si les parents ne veillent pas.

 Jessiemagana

 

Diaporama à l'appui, Jessie Magana, auteure notamment de l'ouvrage « Comment parler de l'égalité filles/garçons aux enfants » illustre ses propos sur l'évolution des jeux et des jouets. Si aujourd'hui, les catalogues de Noël comme les rayons des magasins se divisent en deux couleurs, Jessie Magana rappelle que c'est une façon assez récente d'envisager le monde. « Autrefois – dit-elle – c'était même l'inverse puisque le bleu étant la couleur de la Vierge Marie, il était réservé aux petites filles alors que le rose, couleur dégradée du rouge, était réservé aux garçons. »

Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, les poupées s'habillent en rose et qu'au rayon peluche, on trouve les mêmes oursons présentés en rose et en bleu. « Si vous avez d'abord un petit garçon, puis une petite fille ensuite – analyse Jessie Magana – vous n'allez pas garder le même ours bleu ; vous en achetez un deuxième ! » Elle y voit une manœuvre commerciale pour inciter à « consommer toujours plus alors qu'on aurait tellement besoin de sobriété ! »

En rose, c'est plus cher !

Mais les conséquences sont bien plus importantes et insidieuses encore. Elle relève en particulier l'hypersexualisation des genres. S'appuyant sur l'illustrissime Charlotte aux Fraises, Jessie Magana montre comment en quelques années, on est passé d'un bébé aux joues rondes à une jeune fille aux grands yeux écarquillés et au corps longiligne ! Une tendance qu'on observe non seulement dans les jouets mais aussi dans les dessins animés, les livres pour enfants et jusqu'aux vêtements.

jouetssexistesAutre conséquence relevée par Jessie Magana : la valorisation des rôles masculins. Il est beaucoup plus facile encore aujourd'hui pour une petite fille de jouer avec un jouet dit de garçon que l'inverse. Et les fabricants de jouets l'ont bien compris puisqu'ils déclinent certains de leurs produits en version féminine. L'indémodable Mécano par exemple propose désormais deux coffrets, l'un bleu pour les garçons et l'autre rose pour les filles. Petit problème : le rose est plus cher ! « La norme étant le masculin – explique Jessie Magana – le nouvel emballage à destination des filles occasionne un surcoût qui se répercute à la vente ! »

Optimiste, Jessie Magana souligne malgré tout une prise de conscience à plusieurs niveaux. Outre les associations, telles que Mix-Cité, qui sensibilisent régulièrement au sexisme des jouets, certains magasins commencent à modifier leurs comportements, notamment à l'occasion des catalogues de Noël. Et l'on peut voir parfois des petits garçons jouant avec une poussette. On notera aussi l'essor des jouets mixtes : jeux de construction, de société, etc.

Avant deux ans, un espace de neutralité

L'enjeu est de taille pour Jessie Magana qui rappelle que les jouets sont aussi l'opportunité pour les enfants d'apprendre à mettre en valeur certaines de leurs qualités. Et que ces qualités apprises par le jeu – celle de savoir résoudre un problème grâce à un coffret scientifique ou celle de savoir communiquer en douceur avec son poupon, par exemple – induisent des compétences différentes, que l'on retrouve au moment de l'orientation professionnelle.

« Avant deux ans, un enfant ne sait pas s'il est garçon ou fille – insiste Jessie Magana – laissons lui cet espace de neutralité et essayons de ne rien imposer. Notre rôle d'adulte est d'interroger les normes dans lesquelles les enfants en grandissant ont besoin de s'identifier, et c'est aussi de soutenir les enfants qui ont envie d'être un peu différents. Je n'ai pas de recettes toutes faites, c'est au quotidien de l'écoute, de l'éducation positive et du dialogue avec les enfants. »

Ce que ne viendra pas contredire cette maman qui témoigne dans l'assistance ; « mon petit garçon – dit-elle – faisait des dessins de toutes les couleurs ; depuis qu'il va à l'école, il dit : le rose, c'est pour les filles ! »

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :

Les mots indispensables pour parler du sexisme – Jessie Magana et Alexandre Messager – éditions Syros – 2014

Comment parler de l'égalité filles-garçons aux enfants – Jessie Magana – éditions Le Baron Perché – 2014

Contre les jouets sexistes – ouvrage collectif – éditions de l'Echappée - 2007