Si Marie-Christine Courtès n'est pas Bretonne de naissance, ses liens avec la région sont très forts depuis plus de vingt ans. Journaliste et reporter d'images, c'est en effet les chaînes de télévision bretonnes qui l'accueillent quand elle fait le choix de quitter son Sud-Ouest natal.
Et c'est tout naturellement qu'elle se retrouve soutenue par un producteur rennais, Vivement Lundi, pour son premier court-métrage d'animation.
Une nouvelle aventure qui l'emmène jusque sous les feux des projecteurs à la soirée des Césars 2016.
Marie-Christine Courtès a vu le jour dans le Lot, et depuis, elle a eu plusieurs vies. Jeune journaliste, elle arrive en Bretagne en 1993, signant un CDD à Brest pour France 3 Iroise, bientôt suivi d'autres engagements à Rennes, Lorient ou encore Saint-Brieuc. Puis, elle part à l'étranger, en Asie du Sud-Est notamment où elle travaille pour une agence américaine en particulier au Cambodge. Dans une deuxième vie, elle devient réalisatrice de documentaires. Elle entame aujourd'hui une troisième étape : la réalisation de courts-métrages d'animation.
Des non-dits qui s'expriment par le corps
Ne nous y trompons pas ; la journaliste se cache toujours derrière le travail de Marie-Christine. Son film Sous tes doigts, sorti en 2015 et déjà largement primé, n'est pas pure fiction. Au contraire, grâce aux techniques de l'animation, ces treize minutes sont le prolongement d'un documentaire réalisé voilà dix ans. A l'époque, grâce à une amie Vietnamienne, Marie-Christine découvre et filme les derniers habitants du camp de Sainte-Livrade sur Lot, lieu destiné à l'hébergement de rapatriés d'Indochine, pour la plupart des femmes accompagnées de leurs enfants nés de pères Français.
Emue par le destin de ces femmes, Marie-Christine s'interroge : pourquoi les hommes français ont-ils abandonné ces femmes et leurs enfants à la fin de la guerre ? Pourtant, elle n'ose pas alors poser la question. Mais rêve déjà d'une suite qui mêlerait l'animation et les documents d'archives. Accompagnée par la société de production Vivement Lundi avec laquelle elle a pris l'habitude de travailler, la jeune femme suit son idée. Ce qu'elle veut c'est « aller creuser ce non-dit et voir comment cet héritage – ou ce non héritage – peut se transmettre aux générations suivantes. » Et parce qu'elle ne connaît pas les mots pour dire « ce silence », elle choisit de faire un film muet où tout s'exprime « par les corps, par les gestes. »
Pour réfléchir à la transmission intergénérationnelle
Si le choix du film d'animation peut surprendre pour traiter un sujet plutôt sombre et difficile, Marie-Christine y voit justement une « possibilité de narration plus riche qui permet de passer d'une époque à une autre et de faire revivre l'Indochine » tout en se laissant le loisir « de créer un univers onirique quand il y a besoin. »
Et comme elle n'est pas dessinatrice, elle fait appel à d'autres talents et notamment à l'illustratrice Ludivine Berthouloux, directrice artistique du projet. D'ailleurs, elle insiste sur ce travail d'équipe ; « si on regarde le générique – dit-elle – on est quasiment une vingtaine à avoir travaillé sur le film. »
Sorti l'an dernier, Sous tes doigts a déjà circulé dans plusieurs festivals et a notamment été projeté en août au cœur même de l'ancien camp de Sainte-Livrade aujourd'hui transformé en lieu de mémoire. Visionné pour la première fois par des acteurs et actrices de cette histoire, il a servi de base à une journée de réflexion sur la transmission intergénérationnelle. « J'avais un peu peur de voir comment cette histoire qui est taboue serait reçue par les gens de la communauté – explique la réalisatrice – mais c'était super et si le film peut servir de support pour des discussions, j'en suis ravie. »
Parce que tout le monde hérite d'une histoire
C'est bien de transmission en effet qu'il est question dans l'histoire de cette adolescente qui découvre le passé de sa grand-mère venue de l'Indochine coloniale en 1956 avec son enfant et qui se retrouve exilée dans ce camp de transit. Une histoire qui selon Marie-Christine peut parler à chacun et chacune. « Je n'ai pas eu personnellement de liens avec le Vietnam ou l'Indochine ni avec le camp – explique-t-telle – mais je pense que dans toutes les familles, il y a des histoires un peu compliquées et qu'on hérite toujours de l'histoire de ses parents, de ses grands-parents, voire d'une histoire plus ancienne. » Ce qui compte pour elle, c'est « de savoir ce qu'on en fait. » « On peut - dit-elle encore - en faire des films, comme moi ; on peut danser ; ou tout rejeter ! »
La nouvelle vie de Marie-Christine Courtès ne s'arrête pas au succès déjà impressionnant qu'a reçu son premier court-métrage d'animation. Elle se poursuit sous les lumières de la Nuit des Césars le 26 février prochain où le film est nommé dans la catégorie des courts-métrages d'animation. « Bien sûr que je vais y aller – s'enthousiasme Marie-Christine dans un rire – Nous allons y aller toutes les deux, Ludivine et moi, avec les producteurs et c'est déjà une belle aventure pour nous d'être arrivées jusque là ! » Elle s'imagine déjà « dans ce théâtre du Châtelet avec tous ces gens du cinéma ». « Ça va être rigolo – s'amuse-t-elle – on va être comme deux petites souris là-dedans ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Le film Sous tes doigts sera diffusé sur France 2 dans l'émission Histoires Courtes le 28 février à minuit.
Il sera également projeté à Vannes à l'occasion des Quinzièmes Rencontres du cinéma européen du 2 au 8 mars au cinéma Cinéville Garenne
On peut le visionner sur Internet pendant quelques jours, ensuite, un DVD sera mis en vente par Vivement Lundi.