Prendre le droit

C'est un sentiment de colère et une bonne dose de découragement qui ont motivé les militantes de l'association Prendre le Droit.

Elles ne veulent plus disent-elles « écoper le patriarcat à la petite cuillère » 

Après dix ans d'existence à Rennes et de nombreuses femmes accompagnées dans leurs démarches judiciaires, elles jettent l'éponge.

 

Ce n'est pas un échec, explique Gabrielle, une des cinq dernières membres actives de l'association Prendre le Droit parce que « au moins cette aventure a eu lieu, elle a permis à de nombreuses femmes de mieux connaître le droit, de s'émanciper à travers cette action militante et à beaucoup d'autres femmes d'être aidées. »

Pourtant, ce mois de mars 2025 verra donc la disparition d'une association rennaise et ce n'est jamais une bonne nouvelle. Prendre le Droit, avec son sous-titre « féministes pour un monde sans viols » était le chaînon indispensable entre les femmes victimes et la justice. « Nous avons – écrivent les militantes dans leur déclaration de cessation d'activité – pris le train de ce système judiciaire injuste aux côtés des victimes (…) ; nous avons constaté que la justice au-delà de ne pas rendre justice constituait la plupart du temps une double peine pour les victimes ».

Des procédures longues, humiliantes, et des classements sans suite

« Les femmes victimes ne sont pas habitées par une soif de vengeance – détaille Gabrielle – elles veulent juste une chose : que leur agresseur ne recommence pas et qu'elles soient, elles, reconnues par une institution pour ce qu'elles ont vécu. » Par les trop nombreux classements sans suite dans les affaires de viol, les femmes victimes ont l'impression qu'on leur dit simplement : tout ça n'a pas eu lieu.

pancarte manifL'association, qui se bat depuis 2013 aux côtés des victimes, souffre dit Gabrielle d'une « sorte de schizophrénie » en accompagnant les femmes dans ce système tout en se disant qu'il est dangereux pour elles. « On ne peut plus composer avec ça » dit-elle encore citant ces nombreuses femmes, écrasées par l'institution judiciaire, qui regrettent d'avoir porté plainte. « Si j'avais su que ça allait être aussi lent, aussi humiliant, je n'y serais jamais allée » disent-elles.

Certaines attendent plusieurs années avant de recevoir des nouvelles de leur plainte. Alors que les classements sans suite à répétition – environ 90% des cas - semblent envoyer aux auteurs de viols un message d'impunité.

Trouver des alternatives, des formes de réparation pour les victimes

Découragées, les militantes de Prendre le Droit le sont d'autant plus que leur tâche n'est pas facile. Beaucoup d'entre elles ne tiennent pas face aux récits de violence et peu à peu les effectifs de bénévoles se sont considérablement réduits. « C’est difficile – défend Gabrielle – et parfois être exposées à tous ces récits fait ressurgir des traumatismes personnels ».

« Le gouvernement, derrière de la communication sur une soit-disant priorité nationale, se repose beaucoup sur l'énergie des associations - déplore la militante – même si on a vu certaines choses s'améliorer en dix ans, notamment l'accueil dans les commissariats, les moyens ne sont pas du tout donnés, les enquêtes ne sont pas faites... La temporalité de la justice, les mots qui sont posés, la suspicion sur le récit des femmes, c'est encore ça qui prédomine. » Il faudrait trouver des solutions alternatives à la justice, des formes de réparation pour que les femmes victimes se sentent entendues et reconnues.

« Tant qu'on ne traitera pas les violences sexuelles sur les femmes et les enfants comme le problème de santé publique numéro 1 dans le monde, rien ne bougera » écrivent encore les militantes, bien décidées à poursuivre leurs actions dans d'autres associations ou collectifs et persuadées qu'il ne faut pas laisser le droit aux seules mains des spécialistes.

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
Le 13 mars, à Rennes, Prendre le Droit propose un dernier rendez-vous lors d'un atelier-formation sur la diffamation.