Malgré la pluie fine et les températures hivernales, ce mercredi après-midi 17 janvier, elles s'étaient mobilisées devant la Cité Judiciaire de Rennes. Un énième rassemblement pour dire le ras le bol de toutes celles que la Justice ne semble pas vouloir entendre, parfois même pas écouter.
L'association Prendre le Droit, active en Bretagne depuis dix ans, revient sur le devant de la scène après un temps de pause. Ce premier rendez-vous en annonce d'autres tout aussi festifs ; parce que l'une des porte-parole l'exprime au nom du groupe : « l'action dans l'espace public procure de la joie car elle est collective et que c'est ensemble qu'on peut faire quelque chose de positif des violences que les femmes subissent ! »
De la colère dans la voix mais une certaine joie dans les slogans et les chansons entonnées entre Palais de Justice et Commissariat Principal.
Une femme sur sept est victime d'un viol ou d'une agression sexuelle au cours de sa vie. Dans 95% des cas les agresseurs sont des hommes et dans 80% des cas ce sont des proches de la victime. Alors que depuis des années on invite les femmes à porter plainte, le constat est là : 80% des plaintes sont classées sans suite et seulement 1% aboutissent à une condamnation de l'agresseur. « Arrêtez de faire croire aux victimes qu'elles doivent parler si vous ne les écoutez pas » dénonce l'association Prendre le Droit qui tient ces chiffres directement du ministère de la Justice.
Et malgré les campagnes de sensibilisation et les priorités gouvernementales, les choses avancent peu. Celles qui ont le courage de porter plainte se sentent jugées lors des interrogatoires où l'on persiste à leur demander si elles avaient bu et comment elles étaient habillées au moment des faits. Pour s'entendre dire le plus souvent dès la fin du dépôt de plainte qu'il n'y aura sans doute aucune suite...
L'association rennaise a ainsi accompagnée une femme qui n'a pas eu de nouvelle de sa plainte pendant sept ans ; quand elle a demandé des explications, on lui a répondu que l'enquête était en cours ! « Les temps d'enquête sont longs mais pour autant ils sont sommaires ! » s'indignent les militantes de Prendre le Droit qui précisent : « quand un système judiciaire, politique, sociétal, envoie le message aux agresseurs qu'il ne leur arrivera rien, ils n'ont aucune raison d'arrêter ! »
« On a besoin de trouver d'autres formes
pour agir et faire entendre nos messages »
« Les militantes sont usées – disent-elles encore – d'écoper le patriarcat à la petite cuillère ». Une raison qui explique sans doute la pause que l'association s'est autorisée depuis le printemps 2023. « Accompagner des personnes victimes de violences ça confronte beaucoup à son propre parcours donc ce n'est pas anodin et ça peut conduire à une sorte d'épuisement – reconnaît l'une des militantes - on a eu besoin de trouver d'autres formes pour agir, pour faire entendre nos messages ».
Pour « créer plus de collectif » l'association suspend donc ses accompagnements individuels et va initier d'autres formes d'actions. Des événements dans l'espace public pour rendre l'association plus visible, des publications de textes et de témoignages sur le web, mais aussi des ateliers proposés aux femmes victimes. L'association compte beaucoup sur la pair-aidance, c'est-à-dire une entraide entre victimes au-delà même des structures associatives. Le premier atelier aura lieu le 3 février et portera sur le dépôt de plainte.
Dans ces nouvelles formes, les objectifs de l'association restent les mêmes : apporter des informations juridiques, accompagner les démarches auprès de la police et/ou de la justice mais sans influencer les femmes qui restent autonomes dans leur prise de décision. D'ailleurs la grande majorité des accompagnements actuels se passe par échanges de mails. Et qu'importe la saison. On ne doit pas se mobiliser seulement le 25 novembre et le 8 mars, rappellent les militantes de Prendre le Droit, « se rassembler en plein hiver, c'est bien aussi pour dénoncer les violences et la justice patriarcale et critiquer le loi qui est injuste et perpétue le violarcat et l'impunité des agresseurs ! »
Geneviève ROY
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