Plenel

Edwy Plenel, fondateur du média en ligne Médiapart, était à Rennes le 23 novembre dernier. Parrain de Médiaparks, le journal des collégien-ne-s de Rosa Parks, collège de Villejean, il est venu célébrer les dix ans de Médiapart avec les habitant-e-s du quartier.

Présent le matin à la conférence de rédaction des élèves, il a passé l'après-midi à la Maison de Quartier où se sont succédé temps d'ateliers sur la presse, dédicace de son dernier livre et échanges avec les médias locaux présents notamment la radio C-Lab ou le journal l'Hypocrite.

Avant la table ronde « médias et démocratie » Breizh Femmes a pu, avec l'Imprimerie Nocturne, s'entretenir avec lui sur les questions d'égalité femmes/hommes et la place des femmes à Médiapart.

 

 

Quelle est la place des femmes journalistes dans la rédaction de Médiapart ?

Médiapart est une entreprise paritaire que ce soit au niveau des effectifs ou dans le comité de direction. Pourtant, même si nous défendons l'égalité des droits il y a toujours des choses à faire ! Il s'est passé cet été un événement que j'ai trouvé formidable : les femmes de Médiapart ont décidé de faire une assemblée des femmes ; elles se sont réunies entre elles pour travaillé sur la façon dont Médiapart parle des femmes (leur place dans les reportages, le nombre de témoins cités, etc.) et ça n'a pas manqué, il y avait plutôt des hommes ; elles ont aussi minuté les temps de parole dans les réunions internes et pointé notamment qui coupe la parole, les hommes évidemment ! Elles ont ensuite élaboré un texte pour rappeler qu'on doit être au rendez-vous des idéaux qu'on défend ! C'est désormais un document de référence qui oblige Médiapart à avancer. Dans la foulée, des journalistes ont fait une autre assemblée sur la représentation de la diversité dans notre équipe... elle est beaucoup plus forte dans les autres secteurs de l'entreprise, à l'informatique, à l'administration, au marketing, etc. dans la rédaction, il y a encore des progrès à faire. Donc, c'est le combat de l'égalité, ce moteur formidable de l'émancipation !

Dans le traitement rédactionnel, attribuez-vous un volume défini à ces questions-là ?

Ce n'est pas un volume précis puisqu'il n'y a pas de formatage sur un journal numérique ! Et que nous avons aussi le participatif. Nous accompagnons les mouvements de la société d'où le fait que l'appel de #NousToutes pour la manifestation du 24 novembre était sur Médiapart lundi dernier. Médiapart a été aussi pionnier sur ce terrain, on oublie mais un an et demi avant #Metoo, c'est nous qui avons sorti la première grosse affaire sur ces questions de harcèlement sexuel et sexiste au cœur du monde politique, c'est l'affaire Beaupin.
Une enquête, à partir de nos révélations, a montré que les faits étaient avérés mais qu'ils étaient prescrits. Monsieur Beaupin nous poursuit quand même et en février prochain, aura lieu le premier grand procès sur des informations de presse, avec dix femmes témoins qui disent cette banalité dans le monde politique comme dans le monde de l'entreprise, où au fond le rapport de désir ou d'envie sexuelle se passe du consentement des femmes, où les hommes n'entendent pas que si c'est silence ça veut pas dire « oui » pour autant et que si c'est « non » c'est « non » !
Plenel2Votre question est intéressante parce que justement les femmes de Médiapart m'ont fait un reproche récemment en disant : « tu as fait des éditoriaux sur beaucoup de questions démocratiques, internationales, sociales, politiques, et curieusement, tu n'en as pas écrit là-dessus comme si c'était à nous de le faire ! » Ça me fait réfléchir... Pour moi, #Metoo, c'est une révolution qui oblige les hommes à se remettre en cause.

Que pensez-vous de l'écriture inclusive ? L'avez-vous adoptée à Médiapart ?

L'écriture inclusive n'est pas une obligation à Médiapart mais ça fait partie de notre pratique : beaucoup de journalistes l'emploient ; dans les mails internes aussi nous l'utilisons. Peut-être que nous n'en aurions pas besoin si on arrivait à comprendre qu'il n'y a pas de masculin et de féminin mais qu'il y a du neutre et de l'égalité. L'écriture inclusive est une forme de « affirmative action », mais c'est très étonnant que ce mot anglo-saxon qui veut dire une « action affirmative » pour mettre en avant la pluralité du peuple, dans les universités, dans la représentation politique, etc. se traduit en France par « discrimination positive » ! Comme si une discrimination pouvait être positive ! Ça dit bien cette réticence au pluriel qui est aussi le pluriel du peuple, le pluriel des régions, le pluriel des cultures... Et c'est pour ça que pour moi, les combats de l'égalité ne sont pas dissociables les uns des autres ; si on se bat pour l'égalité des femmes on se bat aussi contre les discriminations liées à l'origine, à la croyance religieuse, aux cultures, etc. Ce combat pour l'égalité c'est un bloc !

Propos recueillis par Geneviève ROY