Imprégnée de philosophie Toltèque, la chanteuse Billy Ze Kick, de son vrai nom Nathalie Cousin, vient de produire elle-même son nouvel album « Artémis révélation » qu'elle qualifie d'album « mystique ».
Celle qui se définit comme une « artiste de l'esprit » veut y défendre la condition des femmes dans un monde qu'elle juge de plus en plus hostile.
Née rebelle, elle veut distribuer de l'énergie positive même si elle estime que c'est plus facile aujourd'hui de « vendre des grillages ou des serrures » que de vendre sa musique !
Nous l'appellerons Nathalie car c'est ainsi qu'elle parle d'elle. Mais son nom de scène, elle le tient d'un personnage de Jean Vautrin, une petite fille rebelle et un peu provocatrice : Billy Ze Kick. Et si ce nom vous dit quelque chose c'est parce qu'en 1994 la France entière a dansé sur sa voix. « Le tube de l'été, le scandale de l'automne » résume sobrement Nathalie refusant de s'attarder sur le passé. Scandale, il y eut en effet quand la France, de retour de vacances, comprit que finalement c'étaient des champignons hallucinogènes qui lui avaient seriné tout l'été : « Mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi ! » « C'est ce que j'appelais les chroniques de la marginalité ordinaire – se souvient la chanteuse dans un rire – je parlais gentiment de choses qui étaient interdites. » Aujourd'hui, à presque 50 ans, elle n'a rien perdu de son impertinence et sort un nouvel album aux relents psychédéliques. Avec sa chasseresse divine et après dix ans de silence, et une maternité, Nathalie-Billy qui se définit comme une auteurE-compositricE-interprêtE dans un monde d'hommes a décidé de prendre sa carrière en main.
« J'envoie de l'énergie au féminin »
Après les champignons hallucinogènes, il y eut un peu moins d'albums vendus et pour la Sarthoise devenue Rennaise le début de la précarisation. Il y eut aussi une fille, Kalie, à qui elle dédie son nouvel album. « J'ai vu à quel point il était difficile d'être dans la création et dans la reproduction - analyse Nathalie – dans ce monde de la musique où 10% seulement des métiers sont occupés par des femmes ! » Treize ans plus tard, elle repart à la conquête des scènes, bars et autres festivals.
Entre temps, Nathalie n'a pas fait que pouponner. Elle a aussi assouvi sa quête spirituelle. « J'étais attirée par les champignons hallucinogènes mais il fallait y trouver un sens, sinon c'est de la défonce et c'est nul » dit celle qui s'est alors tournée vers les croyances toltèques. Un travail sur elle-même qui lui a permis d'envisager sa vie autrement. « Aujourd'hui – dit-elle – je ne gagne pas énormément d'argent mais ma vie est intéressante. Je sais ce que je veux et je suis en harmonie. Je me suis toujours positionnée dans la liberté. Or, si tu n'es pas politiquement correcte ou fémininement correcte, tu es forcément une rebelle. Mais j'arrive à 50 ans. Quand on est féministe on est toujours sur la défensive et c'est fatigant. » Alors elle a choisi d'être positive et veut sur scène, « envoyer de l'énergie au féminin ».
« J'ai voulu aller à la rencontre du féminin »
« Je me suis dit : tu es une artiste, ton travail est de témoigner ». C'est ainsi que Nathalie a envisagé son album, écrit avec beaucoup de patience puis mixé et produit par ses soins dans son studio personnel du quartier de Bréquigny. Heurtée par les dérives planétaires elle dénonce en vrac la « déferlante de la pornographie » et le « nouvel ordre mondial » tout en s'arrêtant sur le sort des femmes qu'elles soient chinoises, indiennes, pakistanaises ou afghanes. « Je me suis pris tout ça dans la figure – dit-elle – et j'ai voulu aller à la rencontre du féminin ». Pour ça, elle organise pendant plusieurs années des « cercles de femmes » où circule le bâton de la parole. Une nouvelle source d'inspiration d'où naîtront des textes sur la domination masculine ou encore « Immonde inceste » au titre éloquent. « C'est le témoignage de quelqu'un qui a refusé d'être nommée comme auteure » explique l'artiste qui reconnaît aussi le clin d'œil au « Lemon incest » de Serge Gainsbourg mais du « côté petite fille » !
« Je suis une femme et je ne suis pas une victime ; j'ai l'impression d'appartenir à un no femme land » écrit Billy Ze Kick dans « Le roi est mort » où elle se transforme en « killeuse du bois joli » luttant contre le patriarcat.
Pour Nathalie, l'égalité est l'affaire de tous. « Il faut – dit-elle – guetter nos croyances, les regarder en face et les transformer. » Car en chacune de nous veille ce qu'elle appelle le « petit patriarche intérieur » celui qui réduit les femmes au silence en présence des hommes. « Le frein est souvent à l'intérieur des femmes – dit-elle encore – il est interdit de trop réussir, de gagner trop d'argent, d'être vieille, etc. »
« Alors, j'ai pris les commandes »
Dans son studio de Bréquigny, Nathalie-Billy s'est formée aux logiciels pour produire elle-même sa musique. « Je suis devenue ma propre technicienne, ma propre productrice – dit-elle – parce que les gars [avec qui elle travaillait auparavant – ndlr ] je ne pouvais plus compter sur eux. Ils m'ont dit : prends en charge ton projet. Et je pense qu'ils m'ont rendu service. »
Grâce à eux, elle n'est plus une « femme sans main ». Sirotant son thé à la menthe, Nathalie parle d'une légende « très présente dans la psychanalyse » d'une fille de meunier que son père a vendu pour la mettre à la disposition de l'homme au début de l'ère industrielle. « Elle n'a pas besoin de mains, elle pourrait piquer le boulot des mecs - dit-elle – Moi, je me retrouvais comme ça ; le gars s'occupait de l'ordinateur et moi j'étais hyper frustrée. Alors j'ai pris les commandes ! »
Aujourd'hui, elle maîtrise tout, y compris la communication, et dit s'en porter mieux. « C'est une aventure avec tout ce que ça comporte comme risques mais aussi comme enthousiasme ; pour moi, la galère ce serait de faire un boulot que je n'aime pas. » Elle mesure pourtant la difficulté de se vendre dans une société qu'elle regarde d'un œil très critique. « On nous parle de démocratie mais tout le monde est sous médocs et on a de moins en moins de liberté. On est surveillés par des caméras et on s'enferme chez nous avec des grillages et des serrures. C'est sûr qu'il vaut mieux vendre des alarmes que des disques en ce moment ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : Billy Ze Kick sera le 21mars au café de la Bascule, 2 rue de la Bascule et le 4 avril sur la scène du Marquis de Sade rue de Paris à Rennes. On peut suivre son actualité sur son site et sa page facebook.
Voir aussi le flashmob réalisé avec des jeunes du quartier Bréquigny à Rennes