A quelques jours du premier tour des élections municipales, 17,1% seulement de femmes sont têtes de listes en France; à Rennes, elle sont trois. Caroline Ollivro, professeur d'histoire-géographie dans un collège, est la candidate de Rennes-Bretagne-Europe.
Après Nathalie Appéré, elle répond à son tour à trois questions sur sa pratique de la politique.
Trois questions à Caroline Ollivro, candidate aux élections municipales à Rennes.
Vous évoluez dans un monde majoritairement masculin, celui de la politique ; être une femme est-ce un atout ou un handicap ?
Je pense que ce n'est ni un atout ni un handicap. Je n'envisage pas du tout ma candidature comme cela. Dans le fonctionnement de ma campagne et dans ma participation à la campagne avec les autres concurrents et les journalistes, je pense qu'on est traité à égalité. En revanche il peut y avoir, notamment sur les réseaux sociaux, des attaques personnelles qu'on ne ferait pas à un candidat masculin ; il n'y a pas de grossièretés ni de propos sexistes envers un homme. Si moi ça ne me touche pas parce que je me suis aguerrie en faisant de la politique depuis 2008, ça peut toucher d'autres personnes de mon entourage et ça c'est très pénible. Certains me diront : c'est le jeu ; moi je dis : ce n'est pas le jeu, pas ce type d'attaques ! Que ça existe encore en 2014, c'est dommage. Et ça peut effectivement brider certaines femmes dans leur volonté de s'engager.
Ce qui bride aussi les femmes, c'est le fait que la plupart d'entre nous, nous avons une activité professionnelle, que souvent nous sommes des mères de famille (moi, j'ai cinq enfants de 9 à 25 ans) et que même si on va de plus en plus vers un partage des tâches familiales ou ménagères lorsqu'on a un conjoint, on voit bien qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire !
Vous briguez le poste de maire de Rennes ; si vous étiez élue, ce serait la première fois qu'une femme occuperait ce poste-là, qu'est-ce que ça changerait pour les Rennais et les Rennaises ? Est-ce que ça modifierait la façon de faire de la politique localement ?
Oui, je pense, ne serait-ce qu'en termes de complémentarité des visions. Même si la parité existe, on voit bien que les femmes maires en France sont peu nombreuses tout comme les présidentes de conseil régional ou de conseil général. Disons que les hautes fonctions sont peu occupées par des femmes. Je pense que c'est dommage pour l'avenir d'une ville, puisque nous parlons des élections municipales, que les hauts postes ne soient pas occupés par des femmes également ; il ne s'agit pas de mettre plus de femmes que d'hommes, mais d'avoir une répartition équitable des fonctions importantes.
Je tiens beaucoup à la complémentarité des visions ; une femme a une vision qui complète mais qui souvent est peut-être plus sensible parfois même plus sensée que la vision d'un homme parce que justement la femme dans sa vie personnelle et professionnelle touche à tout ; on doit avoir toutes les compétences, toutes les qualités et zéro défaut ! C'est ce qu'on nous demande d'avoir ! Et bien, laissons-nous justement la chance de pouvoir montrer de quoi nous sommes capables. Et aussi laissons-nous le temps et soyons patients autant avec les femmes qu'avec les hommes. Je constate qu'en politique notamment, les femmes comme les hommes lorsqu'ils ont ou lorsqu'elles ont affaire à une femme sont beaucoup plus demandeurs et impatients. La femme n'a pas tellement droit à l'erreur sinon on lui dit : il aurait mieux valu rester chez vous !
Donc, une vision féminine notamment en matière de culture, de social mais aussi en matière d'économie et d'emploi ; par exemple moi je m'intéresse beaucoup à tous les métiers qui concernent la domotique pour le maintien des personnes âgées autonomes et des personnes à mobilité réduite chez elles.
Ce serait différent dans la pratique du pouvoir aussi ; on est peut-être un petit peu plus diplomates, moins impatientes, plus attentives à ne pas froisser les gens, plus à l'écoute.
Nous venons de vivre le 8 mars, la journée internationale des droits des femmes, qu'est-ce que ça représente pour vous ? Et qu'avez-vous fait de particulier ce jour-là ?
Ce jour-là j'ai fait la même chose qu'un autre jour ; comme je suis en vacances et que mon temps est compté, j'en ai profité pour tracter énormément, pour boiter et m'occuper aussi d'un de mes enfants qui est tombé malade ce jour-là et c'était assez important ; donc, j'ai eu une préoccupation à la fois de candidate et de maman !
Ce 8 mars, qu'est-ce que ça représente pour moi ? Une douleur !
Au sens où ce type de journée ne devrait pas exister et si elle existe c'est parce qu'il y a un déséquilibre dans les rapports hommes/femmes, dans la vision aussi que les femmes comme les hommes ont de la femme.
C'est vrai que ce sera une véritable joie pour moi lorsque nous n'aurons plus besoin de faire une journée de la femme, par exemple, mais je pense aussi aux droits de l'enfant ; s'il y a une journée pour les droits de l'enfant c'est parce que nombre d'entre eux sont bafoués dans le monde. Le fait qu'on ait besoin de faire cette journée du 8 mars alors que nous sommes en nombre supérieur aux hommes dans le monde, c'est assez préoccupant en tout cas aujourd'hui encore !
Et le travail est à faire tous les jours. On progresse malgré tout ; on voit des femmes qui accèdent à des postes importants en tout cas en politique moins malheureusement dans le milieu de l'entreprise où les femmes qui ont des postes à hautes responsabilités sont peu nombreuses et parfois moins bien payées que les hommes à diplôme égal ; c'est stupéfiant ! En Europe, la France fait partie des pays les plus en retard en la matière alors qu'elle est la patrie des droits de l'homme et du citoyen ; et j'ai en tête l'action qu'avait menée en son temps Olympe de Gouges en écrivant une déclaration des droits de la femme et de la citoyenne et qui l'a payé de sa vie, ; voilà où on en est encore aujourd'hui même si on ne perd pas la tête pour autant !
Propos recueillis par Geneviève ROY
Le Haut Conseil à l'égalité fait le point sur la présence des femmes sur les listes électorales : entre progrès et résistances.