Parce qu'elle est consciente que c'est son « virage » et qu'il lui faut le prendre maintenant, elle a décidé de suivre une formation. A quarante-quatre ans, Kristina Le Manchet veut réaliser un rêve de jeunesse et devenir conseillère en économie sociale et familiale.
Depuis six ans, elle enchaîne les petits boulots précaires et doit élever seule ses deux filles adolescentes. Une situation dans laquelle beaucoup de femmes peuvent se reconnaître.
Pour sa formation, Pôle Emploi ne lui propose aucun soutien. Devant les dépenses occasionnées, elle a suivi les conseils de ses ami-e-s et fait appel à la générosité de chacun-e grâce à une cagnotte ouverte en ligne.
C'est un petit peu difficile à formuler pour elle, mais Kristina est bel et bien en train de « mendier » pour financer son année de formation. A la rentrée scolaire, sa fille aînée sera interne dans un lycée rennais ; la seconde l'accompagnera à Lorient où elle entrera en classe de quatrième. Et Kristina, elle, préparera son BTS. Une formation qui une fois les différentes aides reçues – notamment celle de la Région Bretagne - lui coûte encore 1500€ sans compter l'hébergement du lundi au vendredi. Le week-end, la petite famille se retrouvera dans la maison actuellement louée à une trentaine de kilomètres de Rennes. Inutile de déménager puisque l'an prochain, Kristina poursuivra sa formation à Rennes.
« C'est difficile d'être une maman seule,
de ne jamais passer le relais »
Depuis quelques semaines, les ami-e-s, la famille, les voisins, tout son réseau s'est mobilisé sur Leetchi pour lui apporter un soutien qui lui a déjà permis de couvrir le reliquat des frais de formation. Reste désormais à financer une année de loyer ; à Lorient, la moindre chambre meublée qu'elle partagera avec sa fille va lui coûter environ 300€ chaque mois.
Aucune révolte, aucune amertume chez Kristina. « Je n'ai pas de colère en moi – dit-elle – c'est difficile d'être une maman seule, mais j'assume mes enfants même si c'est compliqué de ne jamais passer le relais. » Elle le reconnaît, elle a mis sa carrière entre parenthèse pendant longtemps pour pouvoir « éduquer [ses] filles » et comme beaucoup de femmes arrivées à la quarantaine, elle en paie le prix aujourd'hui. « Maintenant, il faut que je me bataille pour notre avenir - dit-elle encore - On est un trio ; c'est important que moi aussi, je m'épanouisse et que je me réalise ! »
« Ce n'est pas évident de mendier – confie Kristina – mais je sais que c'est mon virage et qu'il faut que je le prenne sinon je vais rester dans la précarité et je vais encore plus fragiliser mes filles et me fragiliser moi-même ! » Alors elle en est certaine, cette formation qui correspond à de lointaines envies de jeune fille, il faut qu'elle l'entreprenne !
« J'avais besoin de m'essayer
pour me sentir plus légitime »
Finis pour elle les petits boulots qui la maintiennent à flot depuis des années : habilleuse de théâtre, créatrice de chapeaux, assistante de vie scolaire... autant de situations « éphémères » dont elle ne veut plus. Ses différentes rencontres depuis quelques mois dans des structures sociales lui ont confirmé que son choix est le bon. « Je vois des professionnel-le-s, je fais des stages - énumère-t-elle – j'essaie de me faire un réseau parce que je suis bien consciente que la formation ne suffit pas. Mais plus je rencontre de professionnel-le-s et plus je me dis que je ne me suis pas trompée, c'est vraiment ce qui me correspond ».
Kristina ne regrette pas finalement d'avoir attendu vingt ans pour se lancer dans une formation. « Pour pouvoir transmettre il faut avoir des compétences – dit-elle avec sagesse – dans la première partie de ma vie, j'ai essayé de développer des compétences et maintenant, je peux les transmettre. J'avais besoin d'abord de m'essayer pour avoir plus confiance et me sentir plus légitime. » Elle pense également que ses propres expériences, y compris les plus douloureuses, pourront lui servir sur le terrain. « Je serai peut-être plus capable de conseiller ou d'informer – estime-t-elle – en tout cas, je saurai donner de l'énergie pour ne rien lâcher ! »
La jeune femme est déterminée. Elle tente une dernière carte, celle d'une fondation conseillée par le CIDFF 35 qui pourrait lui accorder une aide financière. Ensuite, elle sait qu'elle pourra compter sur les encouragements de ses filles avec lesquelles elle « communique énormément », mais aussi qu'elle devra s'accrocher. Dès le 3 juillet, elle se retrouvera sur les bancs de l'école. « Il va falloir travailler, c'est un passage obligé – dit-elle – mais mes expériences accumulées, ça me donne un coup de pied aux fesses pour réagir ! »
Geneviève ROY
Si vous souhaitez soutenir Kristina, il reste une dizaine de jours pour alimenter la cagnotte en cliquant sur ce lien.