Cécilia est Bolivienne. Quand elle est arrivée en France en juillet 2012, elle ne parlait pas du tout le français. Elle avait suivi son mari rencontré en Bolivie et avec qui elle avait décidé de fonder une famille de ce côté-ci du monde.
« C'était mon choix – raconte la jeune femme – et j'étais très contente d'être avec quelqu'un que j'aime mais j'ai laissé mon histoire, ma famille et je suis arrivée avec juste une valise ! »
Comme toutes les autres femmes étrangères venues témoigner à l'invitation de l'association Déclic Femmes dans le cadre des journées des droits des femmes à Rennes, Cécilia avait un objectif : apprendre la langue française, le sésame pour commencer à chercher du travail.
Les femmes qu'accueille l'association rennaise Déclic Femmes viennent d'horizons très divers et connaissent des situations de toute sorte. Certaines sont seules, d'autres accompagnées d'un mari, parfois d'enfants. Certaines n'ont jamais pu faire d'études dans leur pays d'origine, d'autres sont très diplômées.
La soirée proposée le 9 mars à la Maison Internationale de Rennes avait pour objet de parler d'insertion professionnelle et de mettre en avant des témoignages de femmes plutôt jeunes bien décidées à trouver un emploi en France.
« Ça ne reste pas ; ma tête est fatiguée »
Cécilia la Bolivienne a suivi son mari Français. Vanessa l'Espagnole accompagne son compagnon, Espagnol également, chercheur à l'Université. Asnia, étudiante en pharmacie en Afghanistan est arrivée en France pour se marier à un compatriote alors que toute sa famille s'est établie aux Etats-Unis. Briza est venue du Mexique pour faire une école de commerce et envisage de travailler en France. Christine a fui l'Arménie avec son mari malade qui souhaitait échapper à un enrôlement obligatoire dans l'armée de son pays. Faridah sait coudre à la machine et aimerait en faire son métier. Larissa a quitté la Tchétchénie avec ses trois enfants, son mari étant mort à la guerre. A Paris, on ne lui proposait qu'une minuscule chambre d'hôtel, alors elle a essayé la Bretagne...
Autant de femmes, autant de parcours différents, de vies, de souffrances aussi. Et Déclic Femmes annonce fièrement avoir accueilli depuis sa création plus de soixante-dix nationalités différentes !
Pour les femmes les plus âgées et les moins éduquées dans leur pays d'origine, trouver une place dans la société française peut relever de l'épreuve insurmontable. Maire-Noëlle Delaporte, la présidente de l'association, les évoque avec une certaine tendresse. « Elles sont assidues aux cours de français – dit-elle – mais elles disent : ça ne reste pas ; ma tête est trop fatiguée ! » Si elles souffrent de ne pouvoir communiquer notamment avec les professeurs de leurs enfants scolarisés, elles avouent aussi qu'une fois rentrées chez elles, plus question pour elles de parler une autre langue que celle du pays d'origine !
« Ça commence toujours par un entretien »
Pour Cécilia, jeune femme éduquée qui est arrivée en France avec en poche un bac + 3 dans l'administration et cinq ans d'expérience professionnelle, c'est bien en effet la question de la langue qui est centrale. « Pour commencer à chercher un travail ici, c'est indispensable de bien parler le français – témoigne-t-elle – parce que ça commence toujours par un entretien et que si on n'arrive pas à tout bien comprendre, on ne nous donne pas une deuxième chance ! »
La jeune femme qui a trouvé un emploi depuis quelques mois sait aussi l'importance des réseaux. « Quand on vient d'arriver – dit-elle encore – on ne connaît personne. Moi, j'ai eu la chance d'être reçue en entretien par une personne étrangère qui avait vécu la même chose voilà quelques années et qui a compris ma situation. J'avais beau avoir un CV et une expérience de cinq ans, ici, ce n'était pas suffisant. Le fait de ne pas avoir d'expérience en France, ça voulait dire que je n'avais pas d'expérience du tout ! Mais cette personne m'a donné l'opportunité de montrer de quoi j'étais capable ! »
« Au bout du chemin, un petit soleil »
Et pour maîtriser la langue, Cécilia comme beaucoup d'autres femmes a d'abord participé aux cours donnés par les bénévoles de Déclic Femmes puis elle a suivi une formation plus longue. Mais à travers son témoignage, elle tient aussi à souligner l'importance des relations avec des Français bien sûr mais aussi avec d'autres femmes étrangères dans la même situation.
« Il ne faut jamais baisser les bras – dit-elle à l'intention de toutes celles qui pourraient se décourager – si on ne trouve pas d'associations ou pas de Français avec qui parler, il y a toujours des livres qu'on peut regarder chez soi. Et même quand on trouve du travail, il reste des difficultés, mais il faut penser qu'à la fin du chemin, il y a toujours un petit soleil ! »
Le soleil des femmes migrantes accueillies par Déclic Femmes, ce sont aussi les moments partagés, les sorties organisées, les belles rencontres qui se transforment souvent en amitié. « Je les admire beaucoup – dit encore la présidente Marie-Noëlle Delaporte – pour leur persévérance et leur assiduité aux cours. »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : Declic Femmes a réalisé un film de 15 mn pour donner la parole aux femmes migrantes. Projeté lors de la soirée du 9 mars, ce film est accessible sur le site de l'association.