Jocelyne

 « Je suis toujours sur mes gardes, je ne suis jamais tranquille ».

Par ces quelques mots Jocelyne Adriant-Mebtoul résume un peu ce qui fait la vie d'une militante féministe. Cette sourde angoisse qui dit que les choses ne sont jamais gagnées.

Ses nombreux engagements au service des droits des femmes, et notamment à l'échelle internationale, lui ont appris qu'il n'y a « rien de définitif ».

Alors elle ne baisse pas les bras et profite même du moment de sa retraite professionnelle pour s'investir encore davantage dans la vie associative.

 

Jocelyne Adriant-Mebtoul est une Bretonne d'adoption. Aujourd'hui, à l'heure de la retraite et alors que ses engagements la retiennent moins souvent à Paris, elle a fait le choix de se partager entre la capitale à laquelle elle reste attachée et son « petit paradis » des Côtes d'Armor. « Je ne suis pas naïve – reconnaît-elle – je sais bien qu'il y a des affreux en Bretagne comme ailleurs, mais j'ai le sentiment qu'ici, on regarde encore les autres et on prend le temps d'être humains ».

Elle apprécie la dynamique associative bretonne qui met le collectif au cœur des actions et se réjouit de vivre en bord de mer. « A certains moments j'aime bien l'agitation un peu fébrile de Paris – confie-t-elle – mais j'aime le calme et la sérénité de la Bretagne, la bienveillance des gens, et même, le temps breton ! » Un amour qu'elle tient de son père, originaire de Champagne où elle-même est née, mais qui « adorait la Bretagne » où il amena souvent sa famille en vacances.

 

« Le masculin l'emporte sur le féminin :

l'élément déclencheur »

 

Jeune femme, les premières prises de conscience féministes de Jocelyne sont liées au MLAC (mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception) mais aussi à ce sentiment d'injustice qui la tenaille quand on lui répète que « le masculin l'emporte toujours sur le féminin ». Celle qui deviendra professeure de lettres trouve ça « culotté » ! C'est peut-être ça,dit-elle aujourd'hui, « l'élément déclencheur ».

Elle est ensuite journaliste puis dans une troisième partie de carrière, Jocelyne se retrouve dans des cabinets ministériels voire présidentiels. Au ministère de la Francophonie, elle travaille avec Yamina Benguigui et Najat Vallaud-Belkacem alors ministre des Droits des Femmes et organise le premier Forum Mondial des Femmes Francophones. Une façon pour elle de faire le lien entre travail et engagement et de s'intéresser de très près au sort des femmes à l'échelle internationale.

Elle devient ensuite déléguée générale aux relations internationales de la ville de Paris où elle se bat pour obtenir que chaque déplacement de la maire de Paris à l'étranger s'assortisse d'une rencontre spécifique avec les femmes du pays hôte. Sa spécialité est désormais reconnue : la défense des droits humains et en particulier des droits des femmes.

 

« Les droits des femmes

ne s'arrêtent pas aux frontières »

 

Côté associatif, Jocelyne milite au sein de la CLEF, la coordination française pour le lobby européen des femmes, dont elle est présidente de 2018 à 2022, rejoint l'équipe du média en ligne 50/50 et fonde sa propre association Femmes du Monde et Réciproquement.

Au Haut Conseil à l'Egalité dont elle est membre depuis cinq ans, elle occupe actuellement la co-présidence de la Commission Internationale qui se charge d'évaluer les politiques publiques internationales et notamment européennes en matière d'égalité. Elle est aussi membre du comité d'orientation d'ONU Femmes France.

« Je pense – dit-elle – que les droits des femmes ne s'arrêtent pas aux frontières. C'est vrai que la situation des Afghanes n'est pas la même que celle des Suédoises mais le continuum des violences existe partout. L'invisibilité des femmes existe partout ; des femmes au pouvoir il y en a très peu et quand elles y sont ce sont les arbres qui cachent une forêt d'hommes derrière. Nous vivons dans une culture patriarcale planétaire ! »

 

 

« Les droits des femmes

sont le baromètre des sociétés »

 

Toujours aussi motivée, Jocelyne veut désormais mettre son énergie au service de son association et proposer des conférences sur l'état des droits des femmes dans le monde. Mais pas seulement. C'est aussi à un projet de podcasts qu'elle travaille pour montrer « des femmes engagées dans le monde entier et donner la parole à celles qui ne peuvent s'exprimer ». Les enregistrements sont prêts ; elle cherche le moyen de les diffuser et annonce déjà avec enthousiasme : « ce sont des paroles importantes ; il y a des pépites là-dedans ! »

L'état du monde n'est pas réjouissant, estime Jocelyne Adriant-Mebtoul qui s'inquiète du recul des démocraties. « On constate – explique-t-elle – une progression constante des régimes autoritaires qui représentent aujourd'hui 46% des pays dans le monde et qui ont triplé en trente ans ! » Pour elle, c'est un très mauvais signe pour les femmes. « Je pense – dit-elle encore – que les droits des femmes sont le baromètre des sociétés ; on a intérêt à redoubler de vigilance. »

Il lui faut bien pourtant constater que les sociétés, elles, avancent et que le féminisme « a meilleure presse qu'autrefois » mais elle redoute qu'il s'agisse d'un simple effet de mode. Les jeunes, pense-t-elle également, s'engagent plus qu'avant mais de façon plus globale, notamment autour des questions liées à l'environnement. Pourtant, elle reste confiante, tout est interdépendant. Et il en restera sûrement quelque chose. « Quand on s'implique, on le reste définitivement. On ne sort pas indemne du féminisme, les personnes qui ont pris conscience de ce combat auront cette conscience à vie et elles transmettront quelque chose ! »

Geneviève ROY