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En cette rentrée universitaire, c'est près de 900 étudiant-e-s qui rejoignent les quatre sites bretons de l'Ecole Supérieure Européenne d'Art de Bretagne.

Le regroupement des écoles de Brest, Quimper, Lorient et Rennes, opéré en 2010, fait de l'EESAB la plus grande école d'art de France.

Pour Danièle Yvergniaux, directrice générale, cette unité régionale est une chance ; « quand on dit Bretagne, on rencontre un écho à l'étranger » défend-elle. D'ailleurs, la situation géographique est aussi source d'inspiration pour les élèves notamment grâce au projet B.O.A.T.

 

C'est l'obligation d'appliquer la réforme européenne de l'enseignement supérieur qui a permis en Bretagne la naissance de l'EESAB. Fin 2010, cette structure unique remplace les quatre écoles supérieures des Beaux-Arts de Rennes, Quimper, Brest et Lorient. Une direction générale, basée à Rennes, coordonne les quatre directions départementales. Auparavant directrice de l'école de Quimper, Danièle Yvergniaux, originaire des Côtes d'Armor, est depuis avril 2016 en charge de la direction générale et témoigne de l'évolution de l'enseignement des arts. Si la réforme était destinée à entrer dans le système LMD, elle n'a pas seulement modifié les appellations des diplômes. Elle en a aussi structuré le contenu pédagogique, devenu plus théorique avec notamment l'introduction d'un mémoire de fin d'études. La directrice insiste également sur une « plus grande attention portée à l'insertion professionnelle des étudiant-e-s et une volonté d'affirmer sa place sur le territoire européen. »

Des élèves à majorité féminine

La réforme a été l'occasion d'accentuer une tendance : celle du renouveau des responsables. « Le métier a considérablement évolué vers une dimension beaucoup plus administrative » explique celle qui fut autrefois directrice d'un centre d'art contemporain, mais jamais artiste elle-même. Finie l'époque des artistes-enseignants qui devenaient avec l'âge directeurs des écoles. « On s'occupait alors surtout de pédagogie et d'art » estime Danièle Yvergniaux, alors qu'aujourd'hui, on lui demande d'être responsable pénalement, mais aussi responsable du budget et des ressources humaines ou encore des partenariats. « Il est difficile – dit-elle – de faire cohabiter une pratique artistique personnelle et la direction d'un établissement. Les artistes sont des acteurs extrêmement précieux dans les écoles, mais pour diriger il nous faut des profils de managers ! » Un poste, selon elle, « très stratégique ».

Des exigences nouvelles qui ont aussi contribué à la féminisation de la fonction. « On est quasiment à parité » se réjouit Danièle Yvergniaux au vu des différentes directions des écoles françaises. « Avant la réforme – dit-elle encore – c'était une très grande majorité d'hommes à la fois dans l'enseignement et dans les directions ; avec des femmes directrices, les recrutements sont aussi souvent plus féminins... »

EESAB2Du côté des étudiant-e-s, les filles sont majoritaires. Et, dit Danièle Yvergniaux « ça fait longtemps que c'est comme ça ». Elle pointe d'ailleurs la difficulté qui pouvait exister quand les étudiantes n'avaient pour vis-à-vis que des professeurs masculins, souvent « à forte personnalité » et parfois dénigrant des pratiques reconnues comme plus féminines. Avoir de plus en plus de femmes dans les équipes pédagogiques fait évoluer les choses, et la directrice de l'EESAB s'en félicite, elle qui regrette le manque de « confiance en soi et de capacité à s'affirmer des filles ».

Si, selon elle, de plus en plus de filles cherchent à s'imposer dans le domaine des arts, elle déplore « le poids de l'éducation, le poids de l'assignation aux schémas féminins toujours présents. Les garçons – dit-elle - ont moins de doutes et ils sont plus facilement reconnus par les enseignant-e-s. »

Une couleur régionale en Bretagne

C'est en étant elle-même membre d'un jury de diplômes que Danièle Yvergniaux a eu envie de diriger une école d'art. « Ce sont des études difficiles, mais passionnantes ; souvent les jeunes viennent chercher chez nous quelque chose de différent du système scolaire qu'ils ont connu jusque là – dit-elle – Je trouve génial que des lieux comme ces écoles existent pour eux ; et il faut absolument qu'ils continuent à exister ! » De son côté, elle a, dit-elle « assez vite compris qu' [elle] ne serait jamais douée » et qu'elle préférait « accompagner les artistes » ce qu'elle a fait pendant vingt ans, puis ensuite assurer leur formation.

Si l'école se revendique européenne, elle a bien une couleur originale ; et on n'enseigne pas tout à fait l'art de la même façon en Bretagne. « On ne veut pas être régionalistes – précise Danièle Yvergniaux – mais la Bretagne est un territoire exceptionnel pour les artistes. » Pour singulariser l'école, l'EESAB a mis en place le projet B.O.A.T., un ancien chalutier transformé en lieu de vie et de travail pour les étudiant-e-s qui le souhaitent.

EESAB3« Ce projet a émergé parce que nous sommes en Bretagne – explique la directrice de l'école – c'est une évidence qu'il nous faut interroger la mer dans toutes ses dimensions comme territoire d'expérimentation pour les artistes. » A bord, sur les quais, dans les ports ou au large, se succèdent les ateliers de travail, sous la direction de Nicolas Floc'h, lui-même artiste spécialiste du milieu marin.

Des jeunes autonomes aux compétences multiples

A l'ère du numérique, les pratiques se diversifient aussi dans les écoles d'art comme ailleurs. « Sans laisser tomber les pratiques traditionnelles comme la lithographie, la gravure, le dessin ou la peinture, on a maintenant intégré la photo, la vidéo ou la modélisation 3D – explique Danièle Yvergniaux – la pédagogie est fondée sur le projet personnel de l'élève ; il faut qu'il puisse aller chercher dans les ateliers ce qui lui convient et que ce choix soit le plus ouvert possible pendant cinq ans. »

Mais, attention, rappelle-t-elle, c'est un apprentissage exigeant ! « On ne forme pas à des métiers. On forme à la création dans toute ses dimensions ; design, communication, enseignement, photographie, etc. les débouchés sont multiples. Mais c'est d'abord un choix de vie avant d'être un choix de carrière. Quand on s'engage dans l'art, ce n'est pas seulement 35 heures par semaine ; ça habite l'ensemble de la vie et tout tourne autour de ça ! » Elle qui se « nourrie » depuis toujours des œuvres d'art s'enthousiasme encore devant les artistes ; « c'est quand même formidable – dit-elle – de vouer toute sa vie à produire des objets ou des images qui ne servent à rien mais qui en même temps servent beaucoup ! »

Si pour Danièle Yvergniaux, il est essentiel que les écoles d'art se préoccupent désormais de l'insertion professionnelle des étudiant-e-s, cette question-là ne l'angoisse pas. Elle estime qu'en sortant de l'EESAB, notamment, ils et elles seront formé-e-s à de nombreuses techniques et savoirs-faire, auront développé de nombreuses compétences et auront surtout appris à être autonomes. « On leur apprend la débrouillardise - plaide-t-elle – ce qui n'est pas forcément le cas à l'université ».

Geneviève ROY

Pour aller plus loin :
Exposition des diplômé-e-s 2017 de l'EESAB à l'Hôtel Pasteur à Rennes du 23 au 30 septembre
Exposition de Nicolas Floc'h au FRAC de Rennes jusqu'au 26 novembre.