C'est une histoire qui commence mal et se termine par « il était une fois ». C'est l'histoire du printemps 2020, de ce temps hors du temps qui a figé la France dans son grand confinement. C'est l'histoire de quelques femmes assommées par l'annonce de cet enfermement collectif et pourtant solitaire, par la peur de l'agenda vide, par l'angoisse d'un monde qui s'écroule et d'un mal qui circule.
C'est bientôt un livre pour retrouver leurs paroles et leurs images, leurs doutes et leurs espoirs, leurs mots « intimes et en même temps engagés ».
Pour clore le mois de mars consacré aux droits des femmes à Rennes, l'association Femmes Entre Elles partageait dimanche après-midi par écran interposé « il était une fois le premier confinement » un projet d'écriture initié voilà un an pour « garder le lien » entre les adhérentes.
D'ordinaire, l'association Femmes Entre Elles (elles ont coutume de s'appeler les FEE ou peut-être les fées) s'inscrit chaque année dans la programmation de Rennes Métropole en organisant la venue d'une invitée. En cette année particulière, elles avaient choisi de se livrer plus intimement. « C'est nous - ont-elles prévenu – qui nous exprimons, qui nous mettons sur le devant de la scène grâce à l'atelier d'écriture mis en place durant le premier confinement. »
Association de femmes lesbiennes dont la vocation est « de créer de la convivialité et d'éviter l'isolement » mais aussi de « donner de la visibilité à l'identité lesbienne dans un programme d'activités culturelles et militantes », FEE s’enorgueillit d'avoir été au printemps 2020 « une des premières associations réactives » en proposant des activités à distance. Apéros virtuels, permanence téléphonique, ateliers de lecture... tout a été pensé pour maintenir le lien, jusqu'à un atelier d'écriture qui a vu le jour à ce moment-là et pour lequel une quinzaine de femmes se sont montrées assidues.
Comme « un mouvement de résistance »
De semaine en semaine, alors que les agendas de ces femmes actives restaient fermés et que le télé-travail n'offrait qu'un « sentiment de vide », des textes ont pu être élaborés et partagés . « On regardait les informations d'un œil étonné – se souvient Véronique, l'animatrice de l'atelier – quelque chose était en train de se passer et je pensais qu'on allait vivre une expérience extraordinaire. L'atelier sur zoom est né comme un moyen de continuer à se voir, à échanger sur nos sentiments, nos mouvements d'humeur, nos envies. »
Pour elle et ses amies, confinées du nord au sud du département d'Ille-et-Vilaine, voire plus éloignées encore, cet atelier est comme « un mouvement de résistance ». Les textes aujourd'hui partagés et bientôt édités dans un livre à paraître prochainement disent les rêves, les solitudes, les colères aussi parfois. « Il nous faut réinventer le combat - écrit ainsi Béatrice se souvenant d'un autre printemps, en 1968 – est-ce que nous allons nous battre contre l'argent, le pouvoir, la misère morale et intellectuelle qui nous entoure mondialement ? Il est là notre confinement journalier hors pandémie ; est-ce que volonté, courage et responsabilité de chacun vont éclore de ce temps ? »
Des mots qui disent aussi la solidarité, celle du groupe et celle de la société découvrant « ces femmes merveilles » devenues indispensables, ces « fées du quotidien » bienveillantes, nourricières, soignantes, etc.
A l'heure de la sortie du confinement, les mots disent encore les espoirs d'une vie tout autre sans attestation pour « faire craquer la chrysalide » ou se « coucher dans un fatras d'herbes hautes et de fleurs sauvages » au-delà du kilomètre autorisé. Une vie nouvelle, fondée sur de meilleures bases. « Il ne faut pas que j'oublie de continuer à faire des bouquets avec les fleurs des champs – écrit Florence – il ne faut pas que j'oublie d'apprendre les noms des arbres et celui des oiseaux » ; comme une nostalgie de cette vie certes confinée mais finalement tournée vers l'essentiel : le silence et la paix intérieure. Une paix qui n'aurait peut-être pas été possible pour ces femmes sans le lien virtuel offert par l'association.
Geneviève ROY
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