« Pour mes cinquante ans, je veux dire : ça c'est fait, je passe à autre chose ! »
Quand Géraldine Giboire évoque sa participation éventuelle au Raid Amazone, c'est plus qu'une sportive qui envisage une prochaine compétition.
Elle en avait rêvé dans sa jeunesse mais avait fini par y renoncer, vaincue par la maladie. Quatre ans après la fin de ses traitements, elle sait que le cancer du sein n'est pas définitivement derrière elle. Pourtant, elle se sent prête à quitter la pratique sportive adaptée pour retrouver les joies de la compétition.
Devenue vice-présidente de l'association Cap Ouest, elle entend continuer à changer le regard sur la maladie notamment grâce aux actions des Roz Eskell, ces rameuses pas comme les autres qui préparent leur prochain déplacement.
Après Venise voilà deux ans, c'est désormais pour la Chine que les Rennaises s'apprêtent à prendre leurs billets d'avion.
« On ne sortira jamais vraiment de la maladie » confie Géraldine Giboire. Si elle ne parvient toujours pas à dire qu'elle est « en rémission » de son cancer du sein, il lui arrive pourtant d'oublier sa maladie ; mais, dit-elle « c'est le corps et les cicatrices » qui lui rappellent. Ce corps qui fut à la fois son ennemi et son allié au cours de toutes ces années.
Sans minimiser la gravité de la maladie, sans cacher les moments difficiles au cours des traitements ni même les récidives de certaines de ses amies - « c'est triste, hein, le cancer, tout le monde nous regarde avec des yeux de cocker ! » - Géraldine sait qu'elle a eu une certaine chance. Celle de rencontrer l'association Cap Ouest dont elle est devenue vice-présidente. Avec sa fondatrice Cécile Ben David, elle a découvert le sport santé et notamment la pratique du dragon boat, discipline recommandée aux femmes atteintes de cancer du sein.
« Les gens ont toujours un peu peur de la maladie,
alors, on parle de sport »
Annie Philippe, de son côté, avoue avoir eu du mal à dire qu'elle était malade mais aujourd'hui, en période de reconstruction, ce qui l'aide toujours c'est ce groupe de rameuses dont elle fait partie, les Roz Eskell ; ce que Géraldine appelle ses « petites béquilles ». Les deux femmes reconnaissent que vu de l'extérieur « ça peut faire peur » et que certaines malades restent dubitatives craignant « qu'on ne parle que de ça ». Tout au contraire, l'équipage des Roz Eskell semble pour elles un lieu de respiration. « On rit ensemble parce qu'on arrive à avoir du recul – dit encore Géraldine – et on n'a pas besoin de se parler avec les mots ; on comprend dans les yeux si l'une va moins bien, si elle est plus fragile ».
Avec les Roz, elles veulent « changer le regard sur la maladie » et montrer que « la vie ne s'arrête pas au cancer ». Pari réussi voilà deux ans avec la participation de l'équipage rennais à la Vogalonga à Venise. « On était une vraie bande de collégiennes » se souvient Annie à laquelle Géraldine répond : « on s'est vraiment éclatées ! » Et puis, pour elles, le dragon boat est le moyen idéal de communiquer sur leur maladie. « C'est plus facile – disent-elles – les gens ont toujours un peu peur de la maladie, alors, on parle d'abord de sport et après on peut aborder le reste ! »
Aujourd'hui, c'est une autre aventure qui attend les rameuses : la Chine. Avec le comité de jumelage Rennes-Jinan, elles s'apprêtent à partir pour la province du Shandong, elle-même jumelée avec la Bretagne. Là-bas, fin mai, elles participeront à une compétition et en rient déjà ; « on va être les dernières, on a aucun objectif à atteindre » plaisante Annie. Il s'agit pour elles de reprendre un « vieux projet » porté par une camarade disparue qui avait rêvé d'associer les trois associations dont elle faisait partie : le comité de jumelage, l'équipage des Roz Eskell et l'orchestre des jeunes de Bretagne qui aujourd'hui participe à la recherche de fonds pour financer le voyage. « Elle est décédée - dit sobrement Géraldine – mais on sait qu'elle aurait été contente et on aura une pensée pour elle à Jinan ! »
« Une vingtaine de filles habillées en rose à Jinan,
ça va déménager ! »
Outre l'aspect purement sportif, les rameuses de Rennes espèrent faire des rencontres en Chine, un pays qui découvre à la fois le cancer du sein et le sport santé. « Il n'y a pas beaucoup de tourisme européen dans cette province – s'amuse Géraldine – une vingtaine de filles habillées en rose, ça va déménager ! » Ce qu'elles souhaitent c'est présenter la démarche de Cap Ouest et apporter aux Chinois-es ce que la France a mis du temps à comprendre : l'importance de faire du sport pour maintenir ou récupérer sa santé. La fondatrice de l'association sera là aussi pour aller à la rencontre de ses confrères et consœurs médecins ; « si on peut rencontrer des femmes comme nous et que les médecins peuvent échanger et entamer de vraies relations, on aura tout gagné » résume Géraldine qui conclue : « c'est un défi... et une belle histoire ! »
Le défi, Géraldine se l'est lancé à elle-même également. « Pour moi, la Chine, c'est la fin de quelque chose - dit-elle - Il y aura toujours les examens, les risques de récidives, on ne sera plus jamais les mêmes, mais au niveau du sport, j'en sors et je peux me dire que je vais refaire du sport autrement. C'est un peu un défi de sortie ! »
Aujourd'hui, Géraldine rame, court, a repris le tennis et est en train de réaliser un vieux rêve. « J'en avais rêvé avant d'être malade – dit-elle – J'ai cru que le rêve s'envolait et puis voilà qu'il revient. Maintenant je me dis : il faut que j'y aille avant d'être vieille ! » Alors après la Chine avec les Roz Eskell, elle espère pouvoir s'envoler pour le Cambodge avec le Raid Amazone. « Partir avec des filles qui avaient eu un cancer du sein comme moi, je trouvais que ça faisait sens » dit elle évoquant les autres Seintes Nitouches, ces copines rameuses de la nouvelle équipe de Saint-Malo, les Pink Malova'a.
« Sur les photos,
on n'est pas en train de pleurer ! »
Pour la première fois la compétition 100% féminine pourrait accueillir une équipe entière de femmes malades. Pendant une semaine, elles devront enchaîner de nombreuses disciplines (course à pied, vélo, canoë kayak, course d'orientation, etc.) et participer à un projet humanitaire, le tout au profit d'une association. En l'occurrence les Seintes Nitouches ont choisi de se battre pour Cap Ouest, « une façon de prolonger » ce qu'elles ont reçu. « Je ne sais pas ce que je vais chercher au Cambodge – dit encore Géraldine – mais j'ai besoin d'aller là-bas. » Pour concrétiser ce rêve, il lui faut encore trouver quelques partenaires financiers mais elle y croit.
Si Annie insiste sur l'importance de toutes ces actions pour « donner de l'espoir à celles et ceux qui sont malades », les deux femmes n'oublient pas non plus leurs propres familles. « Je vais aussi chercher la fierté de mes enfants et de mon mari qui sont derrière en train de m'applaudir » dit Géraldine, tandis que Annie souligne l'intérêt des photos et des films rapportés de Venise.
Cette fois encore les photographes de l'association Yadlavie accompagneront les rameuses en Chine. « On a besoin d'inscrire ce qu'on fait, d'ancrer les défis qu'on se lance » explique Géraldine. Même si parfois, regarder les albums et notamment les sourires « de certaines » peut rendre nostalgiques, les deux femmes ont à cœur de mettre en avant l'aspect positif de leur association. « Sur les photos, on n'est pas en train de pleurer » dit simplement Géraldine qui se réjouit de ces « traces de beaux moments partagés ».
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Il existe une quarantaine d'équipes de dragon boat en France à l'image des Roz Eskell de Rennes et des Pink Malova'a de Saint-Malo, notamment à Vannes, Dinan, Pontivy, Saint-Malo, Brest ou encore Nantes, Saumur, Angers, Caen, Granville, Le Mans... Toutes ces équipes se rencontrent régulièrement en compétition. Pour adhérer ou avoir des renseignements sur cette démarche, on peut contacter directement l'association Cap Ouest.
Le voyage des Roz Eskell en Chine se déroulera du 23 mai au 1er juin
Le Raid Amazone aura lieu du 1er au 11 décembre 2017
On peut aussi retrouver l'aventure des Roz Eskell à Venise sur le site de Yadlavie