Depuis le début de l'année (soit moins de deux mois) une vingtaine de femmes ont été victimes en France de féminicides. En d'autres mots, elles ont été tuées parce qu'elles étaient femmes. Assassinées par un conjoint ou un ex-conjoint.

Cette situation révolte Marion Plumet qui réalise chaque mois des collages sauvages pour la dénoncer.

Dans les rues de Brest son sinistre calendrier rappelle qu'une femme est tuée tous les trois jours environ. Au sein de l'association L'Cause , elle travaille, milite et accompagne d'autres femmes, victimes ou non de violences conjugales.

« Je crois que de toute façon en tant que femmes, on est toujours victimes de violences à un moment de sa vie, à un endroit ou un autre » estime celle qui a choisi d'axer tout son travail d'artiste sur cette question.

 

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Elles les a appelées « Nos Mortes ». Des petits morceaux de papier sur lesquels on peut voir une forme - « le triangle qui représente le sexe des femmes » - constituée de deux mains de femmes (mains de chair pour les vivantes, mains d'os pour les mortes). Ses collages s'exposent dans l'espace public de Brest depuis plusieurs années. Ils étaient à l'honneur voilà quelques semaines à Nantes.

« C'est mon travail, je ne l'ai pas choisi, c'est comme ça ! » résume un brin fataliste Marion Plumet. Tout son travail d'artiste porte sur les violences faites aux femmes et « c'est plus fort que moi - dit-elle – Les choses qui vont bien, ce n'est pas mon truc. J'aime les vivre mais je ne sais pas faire de l'art avec. » Surtout, elle pense qu'il est important d'être nombreux-ses à s'emparer de cette question pour « faire changer les choses ».

 

« L'espace public est un endroit (...)

qui reste à conquérir par les femmes »

 

Pour elle, l'aventure commence en 2012 quand elle arrive à l'association L'Cause, à la recherche de soutien pour monter une exposition contre le viol. Marion pose alors sa table à dessin dans cet espace fait par et pour les femmes. Elle y trouve un lieu de militance, « un endroit vraiment précieux où se croisent des femmes de milieux très différents, d'âges différents ».

Ensemble, elles organisent des manifestations et des marches blanches en hommages aux victimes de violences conjugales, mais aussi elles prennent du temps pour échanger, « créer de la solidarité, faire ensemble et du coup lutter ensemble aussi ! » La jeune femme insiste sur le côté entièrement bénévole de toutes les activités proposées qu'il s'agisse de monter une exposition ou de manger ensemble, de célébrer le 8 mars ou de regarder un film. « On est des femmes, quoi, c'est tout ! » s'amuse Marion.

MortesChaque mois, à trois ou quatre au maximum, elles choisissent un lieu public et organisent un « collage sauvage », une « action interdite mais qui nous tient à cœur » dit encore Marion. « C'est très important pour nous d'être dans l'espace public parce que dans les galeries tout le monde n'ose pas y entrer - explique l'artiste – et l'espace public est un endroit encore trop souvent réservé aux hommes qui reste à conquérir par les femmes. » Parce que les femmes meurent dans tous les milieux sociaux, des « quartiers les plus abandonnés aux centres-villes les plus dorés », l'équipe change de quartier à chaque fois.

 

« Je suis alors passée

d'un travail cathartique à un travail militant »

 

Marion2Récemment, à Nantes, en parallèle d'une exposition de Marion, la municipalité a mis un mur à disposition (photo ci-contre) pour reproduire ces collages de façon autorisée cette fois-ci. « Je suis très monomaniaque au niveau des thèmes » explique avec humour Marion Plumet qui consacre tout son travail aux violences faites aux femmes : « silence on viole » illustre le parcours d'une femme après un viol ; « les combattantes » aborde le vocabulaire employé pour parler du corps des femmes ; « femmes emportées » s'arrête sur la situation des migrantes.

« C'est lié à mon parcours personnel » explique Marion, victime d'un viol dans son adolescence, qui poursuit : « J'ai porté plainte et j'ai eu un parcours judiciaire très compliqué qui a influencé dix ans de ma vie. Cette histoire m'avait complètement monopolisée et je me suis rendu compte un jour que ce que je croyais être quelque chose de très personnel était juste ultra banal et que les femmes victimes de viols autour de moi étaient très nombreuses. Je suis alors passée d'un travail plutôt cathartique où j'avais juste besoin de parler de mon expérience à un travail plus militant. »

Pour elle, c'est clair, l'alliée des femmes c'est la parole. « Plus on rendra visible cette question plus on aura de chance de faire disparaître les violences – avance-t-elle – la grande force du patriarcat et des hommes violents, c'est le silence ! » C'est pour ça qu'à la Maison pour Toutes de Brest, les femmes s'expriment... Elles collent et L'Cause(nt) !

Geneviève ROY

Pour aller plus loin : visiter le site de Marion Plumet et celui de L'Cause