« La contraception peut être vécue comme quelque chose d'intime et de personnel mais c'est également une question très politique » estime Lydie Porée, présidente du Planning Familial 35.
Une dualité sphère publique/sphère privée justement au centre des animations proposées à Rennes autour du 8 mars. Pour fêter ses soixante ans, le Planning a choisi un angle original, parler de contraception oui, mais pour une fois, du côté des hommes.
Le 11 mars dernier, c'est l'association Ardecom – association pour la recherche et le développement de la contraception masculine - et notamment l'antenne du Finistère qui est venue pour aider un public, à forte proportion masculine, à répondre à la question : où (en) sont les hommes ?
La contraception masculine est simple, efficace et peu coûteuse. Pourtant aujourd'hui en France très peu d'hommes y ont recours. Qu'est-ce qui les freine ?
Pour les membres de l'association Ardecom invités par le Planning Familial 35, si la situation n'a quasiment pas bougé en France depuis plus de trente ans, c'est d'abord par manque d'informations mais aussi d'une certaine crainte de la part des hommes « beaucoup plus demandeurs de sécurité ».
« Un moment donné,
il faut que les hommes prennent des risques »
En Angleterre où les médecins ont l'obligation de diffuser des informations sur les différentes méthodes contraceptives, 20% d'hommes ont subi une vasectomie. Dix fois plus qu'en France (0,2%) où les médecins restent réticents y compris lorsqu'un patient leur en fait la demande expresse. « J'avais fait la demande il y a dix ans et on m'avait dit que j'étais trop jeune » témoigne un Finistérien aujourd'hui opéré. Pourtant, la loi est claire : la seule contrainte est d'être majeur au moment de l'intervention. Par ailleurs, la vasectomie est réversible dans plus de 70% des cas et avant toute opération, un prélèvement de sperme est proposé pour congélation.
La contraception masculine, outre la vasectomie, est proposée sous forme hormonale ou thermique (le fameux « slip chauffant » confectionné nous apprend-on par les porteurs eux-mêmes). Toutes sont validées par l'OMS. Bien que la méthode hormonale ait été testée sur un panel de 1500 couples, on entend encore beaucoup de médecins dire qu'elle n'est pas sûre. Alors que rappelle Ardecom « ça fait soixante ans que des femmes dans le monde entier prennent des contraceptions hormonales après un test sur 200 femmes qui a duré quelques mois seulement ! »
En réalité, les hommes semblent attendre des méthodes qui existent déjà. « La contraception masculine existe, on la vit depuis près de quarante ans et ce n'est pas la peine d'attendre que d'autres solutions arrivent » disent encore les membres d'Ardecom qui s'agacent des articles récurrents notamment dans la presse féminine. « Tous les ans on peut lire qu'une molécule vient d'être découverte qui devrait permettre d'ici deux ou trois ans de proposer une contraception aux hommes ! (...) un moment donné, il faut qu'ils prennent un peu de risques, parce que les nanas, elles, elles prennent des risques depuis longtemps ! »
« Une démarche d'égalité hommes/femmes
et de partage des responsabilités »
Ce que prône en effet Ardecom, issue dans les années 70 de groupes de paroles d'hommes désireux d'interroger leur « formation de petits mâles », c'est une « démarche d'égalité et de partage des responsabilités. » Fondée sur l'envie de « baiser sans entrave » (on n'est pas loin de 1968!) et donc « sans caoutchouc », l'association s'est mise en veille avec l'arrivée du Sida et le retour du préservatif. Depuis trois ans, elle a « repris du service » portée par la sortie d'un livre et d'un documentaire mais reste toujours assez confidentielle.
Voilà quelques mois, un groupe de sept hommes s'est constitué dans le Finistère parce que disent-ils « il est temps que les hommes se mettent de la partie ». Chaque mois, ils proposent des rencontres pour parler de contraception bien sûr, mais surtout pour échanger sur tous les points sur lesquels ils estiment que les « hommes ont besoin de bouger et de prendre un peu plus de responsabilités ».
Un avis que semblent partager les femmes interrogées par le Planning Familial 35 dans les rues de Rennes et Saint-Malo ces dernières semaines. Elles aimeraient en effet pouvoir compter davantage sur leur conjoint pour la maîtrise de la fécondité au sein du couple. Et comme on l'avait compris au travers des témoignages recueillis par Ardecom, les hommes rencontrés sur ces mêmes trottoirs semblent beaucoup moins pressés de prendre leur part. La plupart avoue n'y avoir jamais réfléchi quant aux autres, ils se disent méfiants et attendent qu'on trouve enfin la bonne méthode !
Pour le Planning Familial 35 qui n'a reçu que 3% d'hommes au cours de ses 3400 et quelques visites médicales pour l'année 2015, leur parler d'une plus grande liberté dans leurs relations sexuelles serait peut-être le moyen de les voir devenir acteurs de la contraception. Et pourquoi pas une approche économique ? Les coûts des méthodes comme la vasectomie (à peine 90€) ou la contraception hormonale (environ 10€ par semaine) sont peu élevés. « Moralement on devrait aller vers la contraception masculine puisqu'elle est moins chère » fait remarquer un participant. Ou au contraire, peut-être peut-on penser que s'il y avait des intérêts financiers en jeu, ces méthodes seraient depuis longtemps largement répandues !
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : le site d'Ardecom