Le professeur reconnaît qu'il y avait une « certaine prise de risque » de sa part en proposant à ses élèves de travailler sur les thématiques du sexisme, du harcèlement et de l'homophobie/transphobie.
Mais pour Philippe Danty, c'est depuis quelques années un passage obligé avec ses classes de CAP Commerce : leur proposer un projet qui les engage.
Et à entendre Johanna, Djenabou, David et les autres, c'est plutôt un pari gagné !
A quelques semaines des vacances, c'est l'heure des bilans pour les lycéen-ne-s et leurs enseignant-e-s. L'occasion pour les classes de CAP Commerce du lycée professionnel Coetlogon de Rennes de présenter le fruit d'un long travail proposé par leur professeur de français. Les élèves de deuxième année ont travaillé sur une campagne publicitaire destinée à promouvoir leur épicerie pédagogique. Pendant ce temps-là, ceux et celles de première année s'engageaient sur, estime leur enseignant, des « sujets délicats ».
« La promesse du passage à l'image stimule les élèves »
Tout a commencé par des ateliers animés par Amnesty Rennes. Au programme quelques sujets que les élèves ont d'abord trouvé « tristes et anxiogènes » « Pour certains – précise encore Philippe Danty – ça pouvait même renvoyer à des choses difficiles. Après une première impression un peu mitigée, ils se sont finalement approprié les thèmes et ont eu vraiment envie de s'engager. »
La consigne est claire : choisir deux thèmes et réaliser d'une part une affiche et d'autre part un clip vidéo. « L'écriture d'un script stimule les élèves parce qu'il y a la promesse du passage à l'image » analyse Philippe Danty qui en fait l'expérience chaque année. Au final, ce sont donc cinq films de différents formats qui seront produits dont un journal télé sur le thème des droits des femmes et notamment des violences, un clip de sensibilisation au harcèlement de rue et l'interview d'une jeune femme transgenre.
Etonnament, la salle a beaucoup rit lors de la projection du clip sur le harcèlement. Le besoin de cacher un malaise, peut-être... Les élèves ont choisi d'en parler avec humour, « parce que c'était trop triste » dit Fatoumata tandis que Gédéon explique : « on a décidé d'inverser les rôles pour aborder ce sujet sans être trop sérieux » ; sur l'écran, c'est un garçon qui est harcelé par deux filles.
L'homophobie, la transphobie, des sujets que les adolescent-e-s ne connaissent pas vraiment. Ou selon leur professeur qu'ils abordent « avec une curiosité pas toujours très saine ». Grâce au témoignage devant la classe de Selene, cette « dimension un peu audacieuse » a finalement viré à « la belle rencontre ». « C'est quelqu'un d'extraordinaire – dit encore Philippe Danty – et il y a eu une belle écoute de la part des élèves ».
« On ne peut pas changer les gens, mais on peut faire plus attention »
Des élèves plutôt fier-e-s en fin de projection dans l'amphithéâtre du lycée. « Je garderai que du positif – s'enthousiasme Gédéon – c'est pas souvent qu'on fait des projets comme ça et ça permet d'avoir un autre point de vue. Avant, quand j'entendais parler de Gay Pride ou de choses comme ça, ça ne m'intéressait pas, maintenant ça a un peu changé ».
Johanna ne dit pas autre chose. Elle qui a présenté le JT avoue qu'elle regarde désormais les informations d'un autre œil. « Je me mets à la place de la journaliste parce qu'on a travaillé avec Gilles et qu'il nous a expliqué comment ça se passait ». Gilles Robin, comédien et réalisateur, c'est un peu la cheville ouvrière qui permet aux projets des adolescent-e-s de s'habiller de professionnalisme. Grâce à ses bons conseils, les vidéos réalisées pourront être utilisées à des fins pédagogiques par d'autres enseignant-e-s du lycée mais aussi pourquoi pas dans le réseau d'Amnesty Rennes.
Pour Johanna, Djenabou, Gédéon, David, Fatoumata et tou-te-s les autres élèves de la classe de CAP l'année se termine par une belle reconnaissance de leur engagement. Ils et elles savent déjà que quelque chose a changé dans leur façon de voir le monde. Même si ça reste encore un peu flou.
« On ne peut pas changer les gens - dit Johanna qui reconnaît avoir été choquée par ce qu'elle a découvert des violences faites aux femmes – mais on peut faire plus attention ». En tout cas, David, lui, pense que si ça ne change pas sa vie aujourd'hui, il s'en souviendra « dans l'avenir pour [se] dire qu'il ne faut pas faire ça ». Et tous et toutes ont retenu une leçon concernant le harcèlement : quand on est témoin, il faut intervenir !
Geneviève ROY