En ces beaux jours de printemps, Manon Langlois passe beaucoup de temps dans sa serre. Au programme : semis et rempotage.
Installée depuis trois ans dans le pays de Redon, elle a trouvé un territoire à la hauteur de ses rêves de sorcière des temps modernes.
Et c'est pour rester « dans la logique » de ce monde alternatif, qu'elle a choisi le financement participatif pour accroître sa production de plantes et de fleurs comestibles.
Une nouvelle serre ou... elle vous jette un sort !
Manon n'a pas le droit de dire qu'elle est herboriste. Tout simplement parce que le métier n'existe plus en France depuis qu'un certain Pétain l'a interdit en 1941. Pourtant, la trentenaire a suivi une formation et est diplômée d'une école belge. « La France – explique-t-elle – est le seul pays en Europe où le diplôme d'herboriste n'est pas reconnu ». Et malgré les combats menés par le Syndicat des Simples depuis des décennies, les lobbies pharmaceutiques restent trop puissants pour que leur monopole tombe.
Alors, dans ce pays de Redon qui l'a adoptée, à Sixt-sur-Aff, Manon est officiellement productrice de plantes aromatiques et médicinales. « J'ai le droit de vendre mes tisanes – dit-elle encore – mais pas d'expliquer quelles sont leurs vertus ni d'utiliser des termes médicaux comme par exemple de dire que l'aubépine est une plante sédative ». Une affaire assez subtile et même pour la jeune femme « vraiment stupide » ; d'autant plus ajoute-t-elle que la formation qu'elle a suivie est tournée vers le bien commun : « on est formé.e.s à utiliser les bonnes plantes et on nous apprend à ne pas nuire aux gens ! »
« On vit dans un monde individualiste,
dirigé par l'économie et les banques,
qui ne me correspond pas »
Pour cette « fille de la ville », la route n'était pas vraiment balisée. Et c'est un peu par hasard que voilà une dizaine d'années, Manon la Rennaise a découvert la culture des plantes. « Ce que j'ai trouvé incroyable – reconnaît-t-elle aujourd'hui – c'est que la nature nous offre tout. Je me suis rendu compte qu'on pouvait tout faire avec les plantes : se soigner, se nourrir, etc. C'est quelque chose qu'on a en nous mais qu'on a complètement oublié et j'ai eu envie d'approfondir et de réapprendre ces savoirs ancestraux. »
Après avoir validé sur le terrain ses premières impressions, elle se forme, obtient son diplôme et commence à travailler dans différents lieux avant de revenir s'installer dans ce coin de Bretagne qu'elle décrit avec beaucoup d'enthousiasme. « C'est un endroit assez préservé, très vert, très vallonné, avec beaucoup de cours d'eau et depuis quelques années tout un réseau alternatif qui s'est mis en place. Dans un peu toutes les communes, il y a des cafés associatifs, des chorales, des gens qui font du théâtre ou du cirque... ça bouge beaucoup ! »
C'est mue par cet esprit que Manon cherche comment augmenter sa capacité à produire notamment les fleurs comestibles qu'elle fournit à des restaurants locaux. « On vit dans un monde individualiste, dirigé par l'économie et les banques, qui ne me correspond pas » constate-t-elle. Pour elle, la solution sera donc le financement participatif en ligne, « un système de solidarité » qui lui parle davantage.
Depuis quelques semaines, elle a lancé une campagne destinée à l'achat d'une serre et plus si possible. Les premiers résultats vont au-delà de ses espérances ; « la serre va pouvoir être achetée et les sous commencent à monter pour le deuxième objectif qui est la mise en place d'un système d'irrigation ». Grâce aux dons promis et à ceux qui le seront dans les jours à venir, capucines, soucis, cosmos et autres bleuets n'ont pas fini d'embellir les assiettes des gourmets.
« Les sorcières n'étaient pas des femmes méchantes ;
reprenons nos droits,
reprenons notre pouvoir ! »
Etre sorcière du côté de Brocéliande, c'est pour Manon le bonheur de vivre « les mains dans la terre » et surtout « avec les saisons ». En automne et en hiver, la jeune femme concocte ses tisanes, fait ses « mélanges » et part à la recherche de lieux de vente ; « dès que les beaux jours reviennent, [elle] pointe le nez dehors » et se consacre au désherbage et aux semis.
L'image de la sorcière, Manon la revendique avec fougue. Une image devenue positive pour elle qui ne renie pas ses convictions féministes. « C'est un peu une revanche pour toutes ces femmes qui ont été humiliées, insultées, brûlées juste parce qu'elles avaient des connaissances – défend-elle – il faut montrer au monde que les sorcières n'étaient pas des femmes méchantes qui jetaient des sorts ; reprenons nos droits, reprenons notre pouvoir et laissons-le vivre ! »
Manon s'amuse à identifier toutes celles qui autour d'elle constituent cette petite communauté de sorcières gentilles. « Rien que dans ma commune – dit-elle – on est trois à cultiver des plantes ! » Une affaire de femmes, pense-t-elle ; comme tout ce qui a trait au soin ?
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Retrouver Manon sur sa page facebook "Un air de sorcière" et participer à sa campagne de financement
Acheter les tisanes de Manon à l'épicerie Papote à Cournon et bientôt au café-librairie l'Amante Verte à Sixt-sur-Aff où elle anime tout l'été des ateliers de fabrication de baume.
Se renseigner et/ou passer commande directement auprès d'elle à l'adresse mail :