C'est l'angle de la réparation que l'association rennaise ACZA avait choisi de mettre en avant à l'occasion de son événement annuel fin novembre.
Comme chaque année le gala Miss Africa clôturait la semaine d'animations proposées ; le samedi matin Martha Diomandé, fondatrice de l'association, animait un temps d'échange et de témoignages sur « les possibles reconstructions ».
Pour elle, la réparation n'est qu'une solution mais pas toujours la meilleure.
« A ACZA, on s'est positionnées sur le choix et la réparation c'est un choix ! » Pour Martha Diomandé, présidente de l'association rennaise, chaque femme a son histoire singulière et personne ne peut se prétendre « spécialiste » pour y apporter des réponses. « Un diplôme pour parler de l'excision, ça n'existe pas » s'amuse-t-elle mettant en avant l'expérience de terrain et l'accompagnement « au cas par cas ».
D'expériences, Martha ne manque pas. Et pas seulement en tant que femme excisée elle-même. Depuis quinze ans déjà elle agit en Côte d'Ivoire, son pays d'origine, et peut s'enorgueillir aujourd'hui d'y fédérer un réseau de plus de 500 femmes engagées dans différents villages. Chaque jour, c'est aussi par le biais de la ligne d'écoute d'ACZA que lui parviennent les témoignages de femmes concernées en Bretagne mais aussi sur tout le territoire national.
Se faire réparer, une solution parmi d'autres
A les écouter, à dialoguer avec elles, elle s'est convaincu que la réparation post excision n'est pas toujours la meilleure des solutions. Son rôle estime-t-elle est de « rassurer les femmes » sans leur cacher la vérité. Parfois elles attendront trop de cette réparation, notamment en termes de découverte du plaisir sexuel, et risquent fort d'être déçues. Claudie Robert, sage-femme engagée depuis longtemps aux côtés d'ACZA, confirme. « C'est de la mécanique pure, il n'y a aucune notion de plaisir là-dedans – dit-elle – le plaisir ça se passe dans la tête ! » Quand on a vécu des années et découvert sa vie de femme sans clitoris, il faudra ensuite du temps, parfois beaucoup de temps, pour apprendre à connaître et accepter ce « nouveau corps » après la reconstruction.
C'est aussi à ce moment-là que les bénévoles d'ACZA devront être présentes auprès des femmes pour un accompagnement personnalisé. « La réparation est une solution – dit encore Martha Diomandé – mais il ne faut pas que ça ajoute d'autres complications ». Avant de confier son corps aux chirurgiens, les femmes selon elle doivent bien réfléchir et savoir exactement pourquoi elles font ce choix. Parfois, le suivi d'un sexologue donnera plus de résultat qu'une opération chirurgicale. Parfois aussi, les femmes ont vraiment besoin de passer par l'étape de la reconstruction du clitoris pour se sentir entière et là aussi ACZA les accompagnera dans leurs démarches jusqu'à l'étape de la « rééducation ».
Savoir parler aux gens sans les juger
« Je suis une militante, pas une conférencière - insiste Martha – je suis là pour aider les femmes à mieux vivre avec leur excision. » Mais aussi pour protéger les plus jeunes. En Afrique, son association parraine des petites filles (300 environ à ce jour et une cinquantaine en attente) dont les parents s'engagent à ne jamais leur faire subir le rite traditionnel. En France, elle joue le rôle de médiation avec les familles qui envisageraient de remmener leurs filles au pays pour y subir l'ablation du clitoris. Elle peut parfois intervenir à la demande des enseignant.es notamment. Sa voix aura plus de chance d'être entendue.
La « manière de parler aux gens » est importante, défend-elle, « sans jugement, sans qu'ils se sentent agressés ». Une fois encore, c'est à chacun.e de faire ses choix en toute conscience qu'il s'agisse d'aller pratiquer l'excision en Afrique ou au contraire de se faire réparer en France. Si la réparation ne suffit pas toujours à résoudre les problèmes psychologiques des femmes excisées, elle ne sera pas non plus un sésame pour obtenir des papiers. Dans tous les cas, les choix doivent être éclairés.
Geneviève ROY