Quand le dernier bébé de la famille est né, vous avez bien remarqué qu'il avait les yeux de sa grand-mère et les fossettes de son père. Mais, son héritage ne s'arrête pas là.
« Un bébé n'arrive pas neuf du tout ! - estime Magali Caudal, psychothérapeute – il est même déjà très chargé ! » Et il se peut que des « nœuds émotionnels » hérités des générations passées l'empêchent un jour de s'épanouir, car dit-elle « les cellules gardent en mémoire les émotions. »
C'est le cas de certaines femmes pour qui des histoires du passé non résolues surgissent à l'heure de la première maternité. Les débusquer, en parler, chercher à les « réparer » permet de poursuivre sereinement son chemin.
Si les magazines font la part belle depuis quelques années à la psycho-généalogie, Magali Caudal, elle, préfère parler d'analyse transgénérationnelle. C'est en effet à cette discipline qu'elle s'est formée pour devenir l'une des rares thérapeutes rennais-e-s (deux semble-t-il en exercice actuellement) à proposer ce type de travail à leurs patient-e-s.
« Quand l'ovule et le spermatozoïde se rencontrent – explique la thérapeute – ce sont deux cellules qui ont déjà, elles-mêmes, une mémoire émotionnelle. » Entendez par là : toutes ces émotions non dites, ces deuils refoulés, bref, une histoire familiale parfois lourde à porter qui « reste présente dans le champ émotionnel. »
Par expérience, Magali Caudal sait qu'il s'agit souvent d'événements douloureux liés à la naissance ou à la conception d'un enfant : enfant mort-né, fausse couche ou IVG non assumée, enfant né d'un viol, etc. Et ce n'est sans doute pas un hasard si de nombreuses patientes viennent la consulter parce qu'elles n'arrivent pas à concevoir elles-mêmes un enfant ou qu'elles sentent une résistance en elles à l'idée d'être mère.
La vie, la mort, la sexualité
« Autrefois, on ne parlait pas des émotions » analyse encore Magali Caudal pour qui tout passe par là. Des événements importants qui n'ont pas « été parlés » restent dans l'inconscient avec les conséquences qu'on imagine. « Tout n'est pas transgénérationnel, non plus ! » se défend la jeune femme qui craint que sa discipline ne soit réduite à un effet de mode.
Pour autant, c'est bien dans l'histoire de ses patient-e-s qu'elle cherche des solutions aux problèmes d'aujourd'hui. Et, dit-elle, « si on ne trouve rien dans son histoire, depuis sa naissance, on va aller regarder dans le transgénérationnel » et la plupart du temps dans « la lignée des femmes » qu'il s'agisse du côté maternel ou du côté paternel. C'est alors à une véritable enquête de terrain qu'il faudra se livrer.
Si de nombreux freins qui bloquent notre vie trouvent leur source dans l'histoire familiale de chacun-e, Magali Caudal estime que « ce qui va rester dans l'inconscient familial et que les générations futures vont porter, c'est toujours en lien avec la vie, la mort et la sexualité. » En fait, s'amuse la jeune femme, « quand on parle de soi, on dit facilement, ma mère était déjà comme ça ; tout le monde fait de l'analyse transgénérationnelle sans se dire : je fais de la psycho-généalogie ! »
Le pouvoir de transformer sa vie
Rassurante, la thérapeute en est certaine : « il n'y a pas de destin immuable ! » Si des « choses » sont écrites au départ pour chacun et chacune dès la naissance, « l'humain a ce pouvoir de transformer, de créer sa vie ». Une fois découvert ce qui fait nœud, chacun-e doit « en fonction de ses valeurs, de son système de croyance, poser un acte symbolique qui va aider à la réparation. » Et ainsi, empêcher de transmettre à nouveau ce lourd fardeau.
Si 75% des patients de Magali Caudal sont des patientes et que nombre d'entre elles consultent en lien avec la maternité, des hommes franchissent aussi la porte de son cabinet. « Ils vont venir pour des problématiques de violences ou d'alcool – dit-elle – c'est en général ce qui se transmet dans les familles. » Savoir que si on a un « problème avec l'alcool » on peut le devoir à son père ou son grand-père, alcooliques eux-mêmes, ne suffit pas ; avec ses patients, Magali Caudal cherchera à savoir pourquoi le parent du début de la chaîne a commencé à boire en excès. « Ce qui se transmet dans l'alcool – dit-elle – c'est le manque émotionnel qui oblige à prendre de l'alcool. » C'est dit-elle encore « la cicatrice émotionnelle qu'on se transmet ! »
Une émotion, du vivant qui nous traverse
En fait, le maître-mot de toute cette histoire, c'est l'émotion. Enfouies dans les générations passées, les émotions peuvent aujourd'hui plus librement s'exprimer. Et pour la thérapeute, c'est une chance. « Il n'y a pas de belles ou de pas belles émotions – dit-elle – Une émotion, c'est du vivant ; c'est quelque chose qui nous traverse. Le problème n'est pas de vivre des choses douloureuses ; le problème c'est que ces choses ne soient pas parlées, pas accompagnées. »
Inventée dans les années 80 par la psychologue Anne Ancelin, l'analyse transgénérationnelle est en train, selon Magali Caudal, de révolutionner la psychanalyse, « monument intouchable » jusqu'alors.
Mais, partir à la découverte de son histoire familiale ne débouche pas nécessairement sur des secrets de famille ou des chagrins oubliés. Ainsi, Magali Caudal, qui a elle-même dû faire sa propre analyse au cours de sa formation a pu découvrir pourquoi certaines choses la passionnaient depuis de nombreuses années.
Celle qui vient de valider un diplôme universitaire et qui a travaillé sur « le développement psychoémotionnel du bébé » constate : « j'ai posé des questions à mes grands-mères sur leurs accouchements ; et j'ai découvert que ma grand-mère paternelle avait accouché trois fois sans garder un seul souvenir de ces naissances parce qu'elle avait été endormie dès le début du travail. J'ai compris pourquoi j'étais aussi attachée à l'accouchement respecté, physiologique, et opposée à la sur-médicalisation de la naissance. Je pense que c'est aussi pour réparer des choses dans ma lignée de femmes. » Et de conclure : « il n'y a pas que des choses tristes dans l'analyse transgénérationnelle ; ça permet aussi de comprendre des valeurs fortes et des engagements ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : Magali Caudal dispose d'un site et d'une page facebook où l'on trouvera toutes les informations concernant ses consultations et les stages de psycho-généalogie qu'elle propose.