« J'aimerais ne pas être devant vous pour parler des conditions d'accueil des migrant.e.s en Europe » affirme Fatimata Hamey-Warou. « Ça voudrait dire – poursuit-elle – que cette question-là n'existe pas, que tout est réglé ! »
Pourtant, elle vient de mettre ses autres activités un peu entre parenthèses afin de se consacrer au soutien du projet qu'un groupe de collégien.ne.s de Rennes a décidé de mener auprès de l'Union Européenne.
Leur ICE (Initiative Citoyenne Européenne) destinée à « garantir un accueil digne des migrants en Europe » vient d'être enregistrée par la Commission Européenne ; il leur reste un an pour obtenir le million de signatures qui permettra de peser pour un changement dans les lois qui régissent les migrations sur le sol européen.
« Des adolescent.e.s à qui nous devrions apprendre ces questions de dignité nous rappellent les valeurs d'humanisme qui sont le fondement même de la Communauté Européenne ». Derrière les mots de Fatimata Hamey-Warou, il y a l'indignation que l'Europe en soit encore à débattre de questions aussi fondamentales ; mais il y a surtout l'enthousiasme de voir ces jeunes français.e.s s'emparer de questions politiques. Elle reconnaît avoir hésité avant de répondre à la sollicitation de la MIR à rejoindre le groupe organisateur du projet, parce que dit-elle « je savais que la question de l'immigration en Europe est un sujet très complexe ».
Pourtant, elle a aussi pris conscience que sa propre expérience et ses compétences l'autorisaient à s'investir. « La dignité humaine, ça fait plus de vingt ans que je travaille là-dessus – dit-elle – je ne pouvais pas renier ce que je suis, alors, j'ai pensé que j'avais ma place dans le projet ».
« Il nous appartient, à nous adultes, d'être à la hauteur »
Elle-même migrante, elle a assuré pendant de nombreuses années l'accompagnement des étrangers au sein de l'Union des Associations Interculturelles de Rennes. Elle est fière aujourd'hui d'être la porte-parole de ces jeunes. Et c'est avec une certaine admiration qu'elle évoque la longue réflexion des collégien.ne.s en amont de l'ICE et leur force de conviction aujourd'hui quand ils et elles doivent prendre la parole en public.
« Avec leur professeur Ronan Chérel, ils ont travaillé sur quatre thématiques : la responsabilité, les droits, la dignité et la solidarité et c'est la dignité qui leur est apparue comme valeur centrale de notre humanité » décrit leur ambassadrice. Dans leur plaidoyer, les jeunes insistent sur le fait que « les migrants sont des humains avant d'être des migrants ».
Ces adolescent.e.s pour la plupart issu.e.s de familles migrantes constatent que « les délais d'attente pour obtenir l'asile (…) font que l'on reste étranger dans le pays où l'on vit et que l'on devient étranger du pays duquel on vient ». Leurs demandes sont élémentaires et concernent la nourriture, le logement, les soins, l'éducation et le travail ainsi qu'une « meilleure coopération entre les états ». « Ces enfants portent l'espoir de la dignité pour tous - assure Fatimata Hamey-Warou - il nous appartient, à nous adultes, d'être à la hauteur et de ne pas les décevoir ! »
« Je n'en dors plus ! C'est pesant, mais c'est noble ! »
Résultat d'un travail collectif coordonné par la MIR, le projet porté par des élèves de 3ème du collège Rosa Parks au cœur du quartier de Villejean avec l'appui de la Maison de Quartier et de nombreuses associations locales, mais aussi d'étudiant.e.s, a été validé par les Rennais.e.s au cours d'une votation regroupant une douzaine de propositions d'initiatives européennes. Avec le soutien de sept états membres : la France bien sûr, mais aussi la Grèce, l'Espagne, la Pologne, la Belgique, l'Allemagne et l'Italie, cette initiative a pris une dimension internationale. Ce sont maintenant un million de citoyen.ne.s européen.ne.s qui doivent apporter leur signature pour prolonger cette formidable mobilisation citoyenne.
Fatimata Hamey-Warou vient de faire le choix de mettre sur pause ses autres activités, en particulier le suivi de Mata, son association de solidarité internationale avec le Niger, dont elle confie provisoirement les clefs à d'autres bénévoles. « Il me faut des forces pour aller chercher le million de signatures ! » plaisante-t-elle. Car l'ICE est désormais sa première priorité ; « je n'en dors plus ; c'est pesant, mais c'est noble ! » confie-t-elle en riant, heureuse de représenter ces élèves et de les aider à défendre ainsi des convictions qui lui sont chères.
« Nous, les associations, nous travaillons sur les besoins mais ceux qui font changer les lois ce sont les politiques. Là, nous avons la chance et le pouvoir de changer les choses et nous sommes soutenus par les politiques c'est donc très important » affirme-t-elle rêvant déjà d'un Parlement des Citoyens qui pourrait un jour siéger au Parlement Européen et peser pour les prises de décisions. « Je suis fière en tant que rennaise de porter l'espoir des collégiens » estimant qu'il faut bien « des gens qui se mouillent ! » Fatimata Hamey-Warou veut bien être de ceux-là.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : signer pour soutenir l'ICE !