L'association est née le 8 mars 1988. Une date qui ne fut pas choisie au hasard selon Morgane Rey, danseuse, chorégraphe et porte-parole de la Compagnie Erébé Kouliballets.
Chaque printemps durant une quinzaine d'années, l'association a organisé le Festival Tout à Coup à Rennes. Puis, parce que c'était devenu « trop lourd à porter » elle y a renoncé.
Depuis trois ans, l'aventure a redémarré sur le quartier du Blosne en jumelage avec un quartier pauvre de Bamako au Mali.
Du 15 au 20 juin vont se succéder spectacles, ateliers de danse et de musique, expositions, lectures et salon de thé. Comme l'indique le sous-titre du festival, c'est « l'Afrique à votre porte » et les femmes du quartier y sont amplement conviées car le mot d'ordre pour cette édition 2015 est de « remettre du corps féminin dans l'espace public ».
La Compagnie Kouliballets repose sur l'association du même nom qui travaille autour de trois axes majeurs : la danse, la musique et la poésie. « Tout ça, animé par le voyage – explique Morgane Rey – avec un incessant aller-retour entre l'Europe et l'Afrique noire » en particulier le Bénin dont elle est originaire. Pour la chorégraphe les membres de l'association sont des « porteurs d'un ailleurs ». « Ce qui nous intéresse -dit-elle encore – c'est la différence, pas le consensus ! »
Depuis le début de son histoire, Kouliballets est lié aux femmes et à la féminité. « C'est une question récurrente pour nous – dit Morgane Rey – La féminité, le désir, l'amour et la mort sont les quatre thèmes qui reviennent tout le temps. »
Les femmes disparaissent de l'espace public
Cette année, le festival Tout à Coup veut mettre l'accent sur la place des femmes dans l'espace public. « J'habite et je travaille au Blosne – dit Morgane – et je trouve que le corps féminin disparaît peu à peu du quartier. On voit encore des vieilles femmes qui prennent l'air le soir, mais plus les filles avec des jupes super courtes ! Avant, il y avait une identité vestimentaire très forte et les femmes étaient dans la rue, elles sortaient le soir. Maintenant, c'est le désert ! »
« Ça m'inquiète -dit-elle encore – de voir l'espace public se vider de femmes comme moi qui affichent leur féminité et même d'une façon plus colorée, plus affirmée que moi, parce que finalement, je suis plutôt timide de ce côté-là ! »
Durant quelques jours, elle veut donner la place aux femmes « danseuses, professionnelles ou amateurs » et inviter « le maximum d'enfants à voir du corps féminin » pour favoriser les « bonnes habitudes ».
La danse comme héritage culturel
Les enfants, Morgane les connaît bien et participe justement à leur construction identitaire en donnant des cours de danse dans les écoles maternelles et élémentaires du quartier. « Quand on leur propose des ateliers de danse, qu'ils soient filles ou garçons, ils dansent » s'enthousiasme-t-elle racontant la « belle surprise » qu'elle a eu quand un petit de grande section est venu lui dire qu'il abandonnait le foot pour faire de la danse contemporaine le samedi matin.
« La mixité culturelle nous aide beaucoup » analyse l'artiste qui rappelle que dans les familles africaines, turques ou marocaines, « on danse beaucoup » et que par ailleurs les correspondances sont nombreuses entre la danse traditionnelle africaine et la danse bretonne. « C'est intéressant - remarque-t-elle – toutes ces femmes françaises qui pratiquent la danse africaine. Quand on est en cercle de dix-huit femmes en train de danser ensemble, ce n'est pas rien ! »
Une belle expérience que Morgane invite toutes les femmes du quartier, quel que soit leur âge, à venir partager durant le festival. Et qu'elle souhaite également mettre en avant dans le projet qu'elle prépare avec sa Compagnie. « L'année prochaine, notre pièce portera sur l'énergie vitale des femmes de cinquante ans » explique-t-elle dans un rire avant de préciser « on est trois danseuses chorégraphes de cinquante ans et on trouve qu'on a une pêche incroyable alors qu'on voudrait nous enterrer vivantes, nous faire changer de métier ! On danse depuis l'âge de dix ou douze ans, c'est pas maintenant qu'on va lâcher ! » Pour elle, c'est une façon personnelle d'être féministe : « la résistance, la pugnacité ».
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Festival Tout à Coup du 15 au 20 juin. Edition placée sous le signe de la rencontre entre Occident et Afrique avec notamment des artistes africains comme le peintre malien Mamafamata, le danseur ivoirien Brice Oulaï ou le peintre sud-africain Bruce Clarke.
Tous les spectacles, animations, ateliers, etc. sont gratuits y compris le salon de thé, lieu de convivialité mais aussi point de départ de nombreuses activités.
Plus d'informations et programme complet à retrouver sur le site de l'association Kouliballets.