Certains l'appellent la « dame de la rivière ».
Depuis le mois de septembre, Christine Barbedet a passé de longs moments dans ce cadre magnifique du Lavoir, assise au bord de l'eau.
En résidence artistique jusqu'en juillet à la MJC La Paillette à Rennes, elle y a collecté des objets qui lui parlent des autres et dans lesquels elle puise son inspiration, des objets écrit-elle qui « en disent long sur l'étrange et l'étranger qui nous habitent ».
Journaliste et artiste plasticienne, elle a mis la croyance – toutes les croyances – au cœur de ses travaux.
« Je ne conçois pas être quelque part, accrochée dans un lieu, sans qu'il y ait un lien avec le territoire et les habitants. Pour moi, le territoire est d'abord terre d'histoires et ça me permet non seulement de remettre en jeu mon travail mais aussi de mettre les personnes que je rencontre au travail. » Voilà comment Christine Barbedet définit à la fois son travail et sa résidence à la Paillette qui depuis l'automne dernier lui a permis de faire de nombreuses rencontres. Au fil de ces rencontres, ses créations ont donc évolué entre textes, photos ou encore fabrication de totems, le tout sera présenté à la Paillette le 21 juin à l'occasion de la fin de cette résidence.
Collés, assemblés, lavés de leurs histoires
Mais pour l'artiste, il s'agit avant tout de rencontres et d'échanges. « J'ai besoin – dit-elle – de me poser, de rencontrer, de prendre du temps ». Ces quelques mois vécus ici auront donc été d'abord organisés autour de rencontres. Et ces rencontres avec les habitants du quartier, avec des collégiens, avec les résidents de la maison de retraite voisine ou encore les bénéficiaires du Secours Catholique tout proche, ont trouvé leur prétexte dans le partage autour d'objets. Des objets qui pour elle, « content et racontent des histoires auxquelles on croit, des objets chargés de façon émotive et affective. » Et quand elle parle de croyances, elle pointe bien sûr les statues de la Vierge ou du Christ mais aussi nombre d'objets parfaitement païens, pantins, colombines ou autres sujets de collections qu'on retrouve dit-elle parfois dans les vides-greniers.
L'artiste à partir des objets collectés mais aussi des histoires racontées sur ces objets peut alors laisser parler son imagination et en faire autre chose. « Ce qui m'intéresse, c'est de les détourner - explique-t-elle – je les colle, je les assemble et je les lave de leur histoire avec une peinture grise ! »
« Donner la possibilité à un objet
de faire un nouveau cycle
avec une nouvelle personne
me paraît important. »
Et ces objets que disent-ils finalement ? « Les objets racontent des imaginaires – analyse Christine Barbedet – Moi, j'aime beaucoup voyager mais parfois, il ne faut pas aller très loin. Quand je prends un objet, je voyage. Ceux qu'on m'a confiés ne sont pas toujours des souvenirs. Ce sont parfois des objets récents : un cadeau offert par une fille à sa mère, un époux à sa femme, mais aussi des objets achetés. Comme ce chapeau acheté par un vieux monsieur à son arrivée à Rennes pour remplacer la casquette portée à la campagne. Il y a des objets transmis, des photos d'enfants, des objets de pacotille, sans valeur. Pour Juliette qui vient nourrir les canards du Lavoir, ce sont les ours en peluche qu'elle collectionne... Des choses en lien avec l'intime. »
L'artiste avait souhaité qu'on lui confie ces objets pour leur donner une deuxième vie. Certains ont montré des réticences, d'autres se sont pris au jeu. Enfermé dans un bocal avec le texte qui conte son histoire et la photo de la personne qui le donne, chaque objet est ainsi conservé jusqu'au 21 juin ; ce jour-là, chacun pourra repartir avec le bocal d'un autre participant. « Certaines personnes ont gardé leur objet – dit encore Christine Barbedet – mais d'autres ont choisi au contraire de me raconter l'histoire d'un objet qu'elles avaient envie de transmettre. Dans une société où on consomme beaucoup, donner la possibilité à un objet de faire un nouveau cycle avec une nouvelle personne me paraît important. »
Des distances avec le féminisme
Le Lavoir de la Paillette est lui-même un lieu qui conte et raconte. S'il est aujourd'hui au cœur de la MJC, il est aussi chargé d'une histoire plus ancienne. Christine Barbedet se dit très attachée à cet endroit et bien sûr, elle a souhaité que l'histoire des femmes qui ont vécu ici autrefois trouve sa place dans son travail. L'aboutissement est une performance, intitulée « Sacrées Bonnes Femmes », présentée à l'occasion des journées du 8 mars et reprise le 21 juin. Avec les femmes du chœur de chambre Vibrations et celles de la Compagnie de danse Mouvances, mais aussi grâce à l'investissement des ateliers artistiques de la MJC de la Paillette, Christine Barbedet a pu, à partir du témoignage de trois femmes - une orpheline, une jeune femme enfermée pour raisons judiciaires et une religieuse éducatrice – faire revivre le temps d'un spectacle la vie cachée de ce qui fut autrefois la maison de redressement du domaine Saint-Cyr.
« Je me dis que nous, les femmes,
nous avons certainement
une part de responsabilité ! »
Femmes et transmission, voilà un sujet tout trouvé pour Christine Barbedet. « J'ai envie – dit-elle – de travailler sur ce qu'on veut transmettre en tant que femmes notamment à nos fils. Je me pose beaucoup de questions sur le rôle que peuvent jouer les femmes dans l'éducation. Quand je vois les comportements machistes de certains jeunes hommes dans notre société je me dis que nous, les femmes, nous avons certainement une part de responsabilité aussi ! »
Mère de trois enfants, issue d'un milieu ouvrier avec une mère qui avait fait le choix de ne pas travailler pour élever ses enfants, Christine Barbedet dit s'être toujours posé la question de « la place de la femme en tant que femme, mère, amante et professionnelle ». « Est-on obligées – s'interroge-t-elle – de sacrifier sa carrière quand on est femme ? » Et de répondre : « ça a été une question très difficile pour moi ; j'ai choisi de travailler en free-lance pour pouvoir jongler avec toutes les composantes. »
Malgré quelques engagements de jeunesse, aujourd'hui, avec la cinquantaine, Christine Barbedet semble prendre des distances avec le féminisme. « Le mot féminisme m'a longtemps collé à la peau – dit-elle – On me disait : tu es féministe ; mais c'était négatif ! Dans mon travail, cela m'a même souvent joué des tours et je n'ai pas tellement envie de l'affirmer en tant que tel. Je pense être aussi efficace par mes écrits et mes créations de femme que dans un militantisme plus frontal. Ce n'est plus ma manière de m'exprimer. J'ai envie de passer de manière plus subtile ; je me refuse à prendre des armes revendicatives, même si je recherche les espaces où se frottent les certitudes » »
Geneviève ROY
Quelques rendez-vous :
Samedi 21 juin à partir de 12h, vernissage de l'ensemble des expositions suivi d'un déjeuner sur l'herbe puis de différentes animations dont à 15h la performance « Sacrées Bonnes Femmes », de 16h à 16h 45 une cérémonie du thé proposée par l'Institut Confucius de Bretagne et une démonstration de calligraphie chinoise. Renseignements et réservations (entrée libre) au 02 99 59 88 88.
L'exposition « Jardin de crôyances, fabrique d'images et de totems » ainsi que les portraits collectés sont au Lavoir jusqu'au 17 juillet du lundi au vendredi de 14h30 à 18h30.
L'exposition « Objets sur plateau, objets qui content des histoires de gens de spectacle » est au théâtre de la Paillette jusqu'au 17 juillet.