Elle était attendue depuis de nombreuses années ; début janvier des sages-femmes y ont commencé leurs consultations et on peut dire désormais que Rennes a sa première maison de naissance !
Si les locaux ne sont pas encore tout à fait terminés, le premier bébé devrait y naître fin mai. Pour Christiane David et la petite dizaine de sages-femmes engagées dans ce projet, c'est l'aboutissement d'un travail de longue haleine, soutenu par l'association Maisoùnaiton.
Le rêve devenu réalité a trouvé sa place à la clinique de la Sagesse où nous avons rencontré l'équipe.
Thé, café, petits gâteaux maison et chocolat. Pour la convivialité, elles n'ont rien oublié. Après treize ans de combat, les sages-femmes de la toute nouvelle maison de naissance de Rennes font preuve d'un enthousiasme contagieux quand elles parlent de leur nouveau bébé !
D'entrée de jeu, elles tiennent à préciser que cette nouvelle proposition faite aux femmes qui préparent la naissance d'un enfant ne peut en réalité pas vraiment s'appeler 'maison de naissance' au sens où l'entend la loi de 2013. En effet, il s'agit d'ordinaire de structures privées où travaillent des sages-femmes libérales.
Une situation dont les Rennaises ne voulaient pas. « Les cotations actuelles pour un accouchement avoisinent les 150€ par naissance ; impossible pour une sage-femme de vivre de cette activité ! » s'insurgent-elles ajoutant qu'il n'y a « pas d'autres professions aussi mal payées ! ». Les praticiennes se voient obligées de demander des dépassements d'honoraires non négligeables et de ce fait privent de nombreuses familles de cette opportunité.
Répondre à de nouveaux besoins
Ce qu'elles voulaient, elles, elles l'ont obtenu ; elles sont salariées et leurs services sont accessibles à tous les parents. « La philosophie est respectée – disent-elles – même si le salariat implique forcément des concessions ! » Par ailleurs, le partenariat était initié depuis longtemps avec la clinique mutualiste de la Sagesse, « une clinique particulière où la hiérarchie n'est pas pesante et où on a l'habitude de travailler en coopération ».
Christiane David, porte-parole du groupe insiste sur le fait que les soixante-dix sages-femmes de la clinique ont toutes accepté de participer à la préparation du dossier même celles qui n'avaient pas envie de s'y impliquer personnellement. Au final, huit d'entre elles – sans doute dix à terme – travaillent pour la maison de naissance où 300 bébés devraient naître chaque année.
Un projet qui rejoint une « mouvance sociétale » plus large de personnes qui cherchent une « façon décalée » de continuer à vivre. « Les patients ont changé ; ils veulent se renseigner eux-mêmes et être respectés » constatent Christiane, Hélène et les autres qui notent que la place du médecin dans le système médical est aussi en train d'évoluer. Les maisons de naissance répondent aux nouveaux besoins, comme les accouchements à domicile eux aussi de plus en plus prisés par les jeunes parents.
Accompagner les grossesses « en santé »
A la maison de naissance, les sages-femmes misent d'abord sur une relation de proximité. Il s'agit disent-elles « d'accompagner les couples dans un suivi global et personnalisé en tenant compte de leurs souhaits non seulement sur le plan médical mais aussi sur le plan humain » avec une équipe restreinte qui permet de « tisser un lien de confiance ». Ainsi, les femmes « se sentent plus écoutées et sans doute plus rassurées ». Une « sécurité affective » essentielle pour être sereine le jour venu et éviter les complications.
Bien évidemment, cette pratique ne concerne que ce qu'on appelle en France les « grossesses à bas risques ». Un vocabulaire qui agace un peu les professionnelles qui rappellent que c'est le cas de 85% des grossesses et lui préfèrent le terme utilisé par leurs consœurs québécoises : « les grossesses en santé » !
« On est une profession médicale complètement autonomes » aiment à redire les sages-femmes qui ont toujours eu dans leur mission le suivi médical des femmes enceintes. Lorsqu'elles dépistent d'éventuelles pathologies qui ne « sont plus de [leur] ressort », elles adressent les patientes aux médecins compétents. « C'est quelque chose de nouveau qui interpelle sur les pratiques de chacun-e – reconnaît Christiane David – on réfléchit ensemble et on réintroduit un processus dynamique dans des pratiques qui devenaient statiques. On est plus dans le processus que dans le protocole ! »
Surfer sur une reconnaissance tant attendue
Des réflexions en phase également avec les études qui montrent l'intérêt de revenir sur les excès hygiénistes du 20ème siècle. Et avec les priorités de l'OMS qui misent sur la prévention. Ainsi, les pays comme l'Angleterre où les sages-femmes assurent depuis longtemps les suivis de grossesses connaissent moins d'accouchements prématurés que la France. De même, on vient de découvrir que la première cause de mortalité des jeunes mères en France est le suicide dans l'année de naissance d'un enfant ; les sages-femmes défendent l'idée qu'un meilleur suivi post-partum pourrait prévenir ce risque.
Sage-femme, un métier d'avenir ? C'est en tout cas ce que pensent celles qui s'activent à la Sagesse autour d'un projet semble-t-il motivant. Un peu boudées pendant longtemps, elles se réjouissent d'une nouvelle reconnaissance dont elles commencent à bénéficier. Les fruits pensent-elles de leur longue grève entamée en octobre 2013.
« On a parlé de nous, on a eu une bonne visibilité et de plus en plus de femmes sont suivies par des sages-femmes libérales - disent-elles – et même le cursus d'études est en train de changer ! » Alors que les gynécologues diminuent – pour raison de départs en retraite non remplacés ou de désaffection des étudiant-e-s pour la discipline – et malgré des lobbies parfois très forts, elles sont en train de conquérir une place bien méritée dans le parcours de santé des femmes.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
Le 5 février, dans le cadre du festival Cinéthique de Pont-Péan, sera diffusé « Entre leurs mains », film documentaire sur l'accouchement naturel de Céline Darmayan. La projection sera suivie d'un débat avec l'équipe des sages-femmes de la maison de naissance de Rennes.