Du 16 au 20 juin, l'ARACT Bretagne organise comme ses homonymes des autres régions de France, la « Semaine de la Qualité de Vie au Travail » ; un événement qui chaque année permet de mobiliser tous les acteurs du monde du travail pour informer et témoigner notamment pour cette 11ème édition sur le thème de la conciliation des temps entre vie privée et vie professionnelle.
En Bretagne, c'est aussi l'occasion de présenter le bilan des « clusters de l'égalité » initié fin 2013.
Quelques questions à Hélène Plassoux, chargée de mission à l'ARACT Bretagne
Les conditions de travail sont-elles différentes
pour les femmes et les hommes ?
A l'ARACT quand on parle conditions de travail on ne parle pas seulement des risques au travail ; on ne mesure pas les taux de poussière, de bruits, etc. Notre approche vise plutôt l'organisation du travail, les conditions de l'exercice du travail. On est sollicité sur les questions de santé, bien sûr, mais aussi sur l'aménagement et/ou la réduction du temps de travail, la conciliation des temps, etc. Et aussi sur l'égalité professionnelle puisqu'on constate que les contraintes organisationnelles sont très différentes pour les hommes et pour les femmes. Pour les uns, il va surtout s'agir du travail de nuit, des nuisances liées au bruit ou à l'utilisation de produits chimiques. Pour les autres, les contraintes sont liées à un travail morcelé ou sur écran, à des gestes répétitifs, au contact avec le public, etc. Et même pour des fonctions identiques on voit nettement que les hommes et les femmes ne font pas le même travail ; il y a une répartition des tâches, une exposition différente aux facteurs de pénibilité, parfois en faveur des unes parfois en faveur des autres.
En matière d'égalité professionnelle, les entreprises ne sont que le reflet de la société. Si elles se posent les bonnes questions, elles constatent les différences, mais souvent elles ne s'en rendent même pas compte. Pour les petites entreprises, celles de moins de 300 salariés, les réglementations actuelles sont difficiles à mettre en œuvre. Nous sommes là pour les aider, trouver avec elles des approches innovantes comme nous venons de le faire avec les « clusters de l'égalité ». Parce qu'on peut toujours recruter des femmes, faire des contrats de mixité, etc. si les conditions ne sont pas là, les femmes ne vont pas rester dans l'entreprise. Par exemple, sur un chantier, s'il n'y a pas de toilettes, on aura beau embaucher une femme, il y a fort peu de chance pour qu'elle ait envie de rester.
A l'ARACT, nous ne parlons pas d'emploi mais de travail ! On communique beaucoup sur les écarts de salaires, mais les inégalités salariales ne sont qu'une partie des inégalités, on peut même dire qu'elles en sont le résultat, puisque les femmes n'occupent pas les mêmes emplois que les hommes. Occupons-nous plutôt des conditions de travail et répondons à cette question : comment faire pour que les femmes gagnent autant que les hommes ?
Pourquoi est-ce plus difficile de parler d'égalité professionnelle
aux petites entreprises ?
Parce qu'on ne peut pas considérer les choses de la même manière si on a quelques employés ou un effectif de 1000 personnes. Il y a un décalage entre ce que prévoient les textes et la connaissance qu'on a réellement des petites entreprises. Si on évoque les inégalités avec certains chefs d'entreprises ils ont l'impression qu'on les accuse de sexisme et ce n'est pas le cas. Il nous faut tout prendre en compte, les entreprises où ne travaillent que des hommes et celles où ne travaillent que des femmes. On ne peut pas aller chercher les hommes là où il n'y en a pas ! Mais, ça ne nous empêche pas d'améliorer les conditions de travail. La mixité des emplois reste difficile à mettre en place, notamment d'attirer les hommes dans les métiers de femmes, parce que ça demande de revaloriser les emplois. Des femmes dans des métiers d'hommes, finalement ce n'est pas trop coûteux ; c'est technique et ça demande juste à être accompagné. Mais des hommes dans des métiers de femmes il faut aller les chercher et ça coûte plus cher !
Entre 2001 et 2012, les accidents du travail ont globalement diminué de près de 14% . Or, s'ils ont baissé de 23,3% pour les hommes, ils augmentent de 20,3% pour les femmes.
Comment l'explique-t-on ?
Pendant longtemps, on a pensé les risques au travail en termes de port de charges lourdes. Et on a travaillé sur ces question-là. Or, les ergonomes savent aujourd'hui qu'une posture statique use beaucoup plus la santé. Et les femmes, notamment en Bretagne dans l'industrie agroalimentaire, occupent surtout des postes de conditionnement qui nécessitent des petits gestes fins et répétitifs. Les femmes ont aussi plus de contraintes domestiques donc elles peuvent être plus fatiguées parfois plus âgées aussi. Si on prend en compte les situations différenciées des hommes et des femmes ça permet de mieux prévenir les risques professionnels et d'être beaucoup plus pertinents dans les actions à mettre en place. Et on fait aussi progresser l'égalité professionnelle de façon plus efficace !
Mais pendant longtemps, on ne s'est pas préoccupé de tout ça. Les femmes dans les entreprises sont à des postes de travail qui n'ont pas été automatisés, améliorés, etc. parce qu'on a d'abord travaillé sur le port de charges lourdes et ça n'a pas trop bénéficié aux femmes pour lesquelles les risques ne sont pas visibles ; les caissières, par exemple, on a mis longtemps avant de comprendre qu'elles portent des charges très lourdes ; c'est moins visible que quelqu'un qui décharge un camion ! Mais elles portent beaucoup plus de kilos !
Les métiers d'aide à la personne passent pour des métiers féminins, pourtant porter une personne âgée c'est une charge ! Les clusters nous ont permis d'entendre des témoignages notamment de salariées d'EPHAD et d'agents de fabrication de fenêtres par exemple ; ils parlaient du poids des fenêtres et c'est à peu près le poids d'une personne âgée !
Si on regarde les accidents de trajet on peut faire le même constat. Entre 2001 et 2012, l'augmentation globale a été faible (+2,1%) mais si les chiffres baissent de 9% pour les hommes, ils augmentent de 15% pour les femmes.
Sait-on pourquoi ?
L'hypothèse pour cette augmentation est que les femmes travaillent davantage dans les métiers du service à la personne en raison notamment du vieillissement de la population. Elles ont quitté des métiers sédentaires pour des métiers où elles doivent se déplacer beaucoup.
Quels sont les temps forts en Bretagne
à l'occasion de la Semaine de la Qualité de Vie au Travail ?
Il y a plusieurs rendez-vous, notamment le 17 juin à Pontivy (56) et le 18 à Penmarc'h (29) mais ce sera principalement pour nous l'occasion de revenir sur notre action phare de l'année : les clusters de l'égalité. C'est une action qui s'inscrit dans le cadre des expérimentations du territoire d'excellence ; l'ARACT a proposé un dispositif d'accompagnement innovant pour les entreprises de moins de 300 salariés. Les entreprises ont été volontaires ; elles ont été invitées par la DIRECCTE qui les a informées. 21 entreprises ont donc été accompagnées entre décembre et fin mai, huit entreprises à Brest, sept à Saint-Brieuc et six à Rennes. ; on va présenter le bilan le 19 juin à Guingamp (22).
C'est la première fois qu'on mobilise autant de PME en Bretagne sur cette question-là et on est très satisfait du résultat. Nous avions quatre objectifs : avoir les outils et les méthodes pour faire un diagnostic, identifier les leviers d'action à mettre en place pour faire avancer l'égalité professionnelle, favoriser le dialogue social, enfin améliorer la performance de l'entreprise, les conditions de travail et la qualité du travail. Nous avons alterné les temps collectifs et les appuis individuels financés par la DRDFE et le Fonds social européen.
Pour les entreprises c'était un lourd investissement ; elles étaient représentées par des binômes : un représentant des salariés et un représentant de l'employeur. En plus, elles devaient mobiliser un groupe de travail dans l'entreprise pour avancer entre deux regroupements collectifs ; au total les actions auront concerné plus de 4000 salariés dont 82 personnes formées et sensibilisées à l'égalité professionnelle donc une action productive. Il y avait des aides-soignantes, des menuisiers, tous ont travaillé ensemble sur un même objectif ; c'est une belle expérience. Jeudi à Guingamp, nous allons présenter en avant-première le film qui a été réalisé et sur lequel les entreprises peuvent maintenant s'appuyer pour faire avancer l'égalité en leur sein.
Propos recueillis par Geneviève ROY