Elle le reconnaît volontiers, sa Bretagne lui manque. Pourtant c'est du côté de Bayonne que Hélène Noyer vit et travaille désormais. Pour la jeune rennaise, c'est l'envie de « bouger un peu » qui l'a emmenée vers le sud.
Aujourd'hui, elle y a trouvé sa place, seule femme magasinier cariste dans une grande enseigne de matériaux.
Une façon pour elle de militer pour l'égalité et la mixité professionnelle.
« Tous les jours, je suis sur ma petite machine à charger et décharger des camions, à servir les clients ou à préparer des commandes ». Pour Hélène Noyer, la manutention découverte un peu par hasard à un moment où il lui fallait « trouver du travail » est devenue un « vrai métier ».
Hélène est étudiante en psychologie à Rennes 2 lorsque « le côté nomade des Bretons » la rattrape et avec lui l'envie de changer de place. C'est d'abord Toulouse pendant quelques années puis la ville lui semblant « trop grande, trop impersonnelle », elle pose ses valises au Pays Basque et retrouve à Bayonne « un grand village et des gens avec qui créer du lien ». « Les falaises de Bretagne me manquent – avoue la trentenaire en riant – mais je suis bien ici ; la montagne, l'océan, les rivières, c'est plutôt appréciable et Bayonne est une ville magnifique ! » Pas question donc pour elle de rejoindre prochainement sa famille et ses ami-es resté-es en Bretagne.
« Je m'obstine à dire magasinière, mais le mot n'existe pas au féminin »
D'autant plus que depuis quelques mois, Hélène a signé un CDI dans un métier qui l'enthousiasme. Parce qu'elle devait gagner sa vie en arrivant à Toulouse, elle a découvert les jobs d'intérim « pas très gratifiants », l'usine et la manutention. Occupée en fin de chaîne à « filmer des palettes » elle regarde avec envie les collègues qui conduisent les trans-palettes. « Ça m'amusait vachement – dit-elle – alors je me suis dit pourquoi pas passer mes CACES ».
Une fois les certificats en poche, elle peut désormais aspirer à des emplois plus intéressants et mieux considérés. Un milieu certes assez masculin mais où les femmes commencent tout de même à se faire une place. Et c'est riche d'une certaine expérience qu'elle arrive à Bayonne et poursuit sa carrière de cariste. En octobre dernier, son agence d'intérim la place dans une grande enseigne nationale de matériaux de construction.
Si ses compétences de caristes sont rapidement repérées, il lui manque la connaissance des produits. Pourtant, lorsqu'un poste se libère, son agence d'intérim la soutient et début 2020, elle signe son CDI comme magasinier. « Je m'obstine à dire magasinière – insiste-t-elle – mais sur ma fiche de paie c'est « magasinier » ; le mot n'existe pas au féminin ! »
Le travail reste physique, malgré les engins de manutention ; il faut porter des poids, des parpaings aux sacs de 35kg de ciment ou de chaux. « Je me muscle, c'est bon, je n'ai pas besoin de faire du sport » sourit la jeune femme qui sait déjà qu'elle ne pourra pas faire ce travail de longues années parce que « [son] corps va fatiguer ».
« J'impacte bon nombre de personnes surprises de voir une nana bosser là »
En attendant, elle s'y donne à fond. Seule femme actuellement embauchée à ce poste-là sur l'ensemble des agences de son enseigne nationale, elle est consciente que c'était pour son employeur « un peu un pari d'engager une nana dans le milieu du bâtiment ».
« Je pense que ça leur a fait tout drôle au départ » dit celle qui imagine les réactions dubitatives devant « cet ovni féminin ». Pourtant, l'accueil qui lui est réservé est plutôt encourageant, même s'il est parfois un peu « paternaliste ». « Je n'ai pas eu de réflexions – dit-elle – juste un peu de réticence au début de la part de certains clients. Par contre, j'ai dû faire attention à l'image que je donnais pour éviter les mauvaises réactions et mettre les bouchées doubles pour apprendre très vite parce que je ne connaissais absolument rien à ce milieu. Je voulais prouver qu'une fille peut faire ce métier soit-disant masculin ; je n'avais pas droit à l'erreur ! »
Pour la jeune femme, militante engagée, réussir à ce poste était essentiel. « J'estime que c'est très militant – défend-elle – ne serait-ce que de permettre à des hommes de voir des femmes autrement que comme des poulettes qu'on se permet de siffler dans la rue. J'impacte bon nombre de personnes qui sont encore surprises de voir une nana bosser là ! » Ses atouts ? « Ma conviction que les femmes peuvent le faire, ma volonté et... ma grande gueule » assure-t-elle.
Si en plus, son témoignage peut aider « à baisser des barrières » et permettre à des filles de savoir « que c'est possible et que ce n'est pas réservé aux hommes », voilà Hélène ravie. « Moi, je ne me suis pas posé la question – dit-elle – j'ai eu envie de le faire et je l'ai fait ! »
Désormais, le job alimentaire est devenu un « vrai métier » qu'Hélène envisage de poursuivre. Peut-être pas de la même façon, tout le temps. Mais la logistique est un domaine qui lui plaît et elle se réjouit d'appartenir à « un énorme groupe donc avec des possibilités d'évolution ! »
Geneviève ROY
Photos : M. Klein-Roy/C.Mio