Quand elle entre en scène, Aurélie Budor n'est pas du genre à mettre ses convictions de côté.

Bien au contraire, celle qui situe son travail « entre le social et le théâtre » revendique clairement son appartenance à l'éducation populaire.

Qu'il s'agisse de rendre hommage à sa mère avec Juste une femme ou à son père dans son prochain spectacle, encore en phase d'écriture, qu'elle écrive elle-même ou qu'elle se réapproprie les textes et chansons d'autres femmes, elle reconnaît que ce qu'elle aime c'est naviguer « entre l'intime et le politique ».

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Aurélie Budor est originaire de Saint-Brieuc. Après des études de communication/journalisme à Lannion puis de conception de projets culturels en arts du spectacle à Metz, c'est près de Rennes qu'elle a posé ses valises. A 35 ans, elle est désormais revenue à sa première passion : le théâtre.

Elle n'a que huit ans lorsque sa mère l'inscrit dans son premier cours de théâtre. C'est une révélation, elle ne quittera plus les planches. « Toujours en amateur » dit-elle, y compris durant ses études où elle préside le club de théâtre de son IUT.

Parallèlement, la jeune femme s'est construit sa culture politique. Aussi, ses études terminées son passage par la médiation culturelle est il bref, laissant la place à son envie de mêler le social et la culture. Animation d'ateliers théâtre, coordination de festival – notamment Migrant'Scène avec la Cimade au sein de laquelle elle milite – intervention en milieu psychiatrique ou auprès de femmes victimes de violences... tous les terrains sont bons pour qu'Aurélie partage sa passion et propose des espaces d'expression. Le théâtre de l'Opprimé est son modèle.

Quand les femmes se rencontrent

En 2014, Aurélie commence à créer sa première pièce personnelle pour rendre hommage à sa mère décédée quelques années plus tôt. « Je voulais parler de la vieillesse – explique-t-elle – et plus particulièrement du corps des femmes qui vieillissent. » Elle sent également en elle, le besoin d'évoquer toutes les oppressions que subissent les femmes.

Féministe, elle devient « radicale », déménage dans un collectif de femmes et découvre des œuvres qui vont compter pour elle : les livres d'Annie Ernaux, les chansons d'Anne Sylvestre. Les deux autrices trouvent leur place dans son spectacle qu'elle décrit comme le fruit de « plein de belles rencontres ». Une amie art-thérapeute, Angèle Maleyre, l'accompagne dans la dramaturgie et la mise en scène.

aurelie2Depuis un an, Aurélie est intermittente du spectacle et accompagnée par le collectif la Grenade qui à Rennes épaule les femmes artistes dans la structuration de leurs projets. « Dans le spectacle vivant, les femmes gagnent en moyenne 18% de moins que les hommes à compétences égales et poste égal » déclare Aurélie qui estime que la Grenade lui permet de se former et de mutualiser réseaux et compétences avec d'autres femmes. « Le collectif me parle beaucoup - dit-elle – on est quand même plus fortes ensemble ! »

Quand les femmes se racontent

Ce que Aurélie a apprécié à la lecture des œuvres d'Annie Ernaux c'est sa façon « de parler des classes populaires, [sa] classe d'origine ». « Comme elle est transfuge de classe, comme moi – dit-elle – elle décrit avec justesse et finesse le quotidien de femmes qui me font penser à ma mère. » Elle affirme ainsi sa « volonté de situer [son] histoire dans un contexte plus global » et « son envie de parler au nom des classes prolétaires ».

Et parce que Juste une femme sait parler des femmes mais aussi parler aux femmes, le spectacle ne se termine jamais sans un temps d'échange avec le public. Autour des extraits de Une femme et de Une femme gelée mais aussi entre les trois chansons d'Anne Sylvestre qui viennent ponctuer ses propos, Aurélie Budor parle du rapport au corps, du travail domestique, de l'avortement... Les femmes écoutent puis se racontent à leur tour, surtout perçoit Aurélie lors des échanges en non mixité où parfois leurs témoignages dépassent largement les propos du spectacle. « Qu'elles aient vingt ans ou soixante ans, ça fait écho pratiquement à toutes les femmes à certains endroits du spectacle alors elles témoignent facilement. Je tire les ficelles et ça peut aller beaucoup plus loin que les thématiques que j'aborde, je peux aussi apporter des éléments objectifs, théoriques, etc. ».

Elle imagine parfois une suite à Juste une femme ; elle se dit que si elle écrivait la pièce aujourd'hui, elle serait différente, peut-être moins héténormée, qu'elle aurait aussi envie de parler de la lesbophobie. Elle sait qu'un jour elle en écrira une sur les violences faites aux femmes, inspirée notamment de son engagement au sein de l'association Prendre le droit.

justeunefemmeEn attendant, Aurélie est sur scène avec sa première pièce qui n'a pas fini de libérer la parole des spectatrices et elle prépare déjà son prochain seule en scène. Si elle n'en est quà la phase d'écriture et ne sait pas encore tout à fait combien de personnages seront présents – trois sans doute – elle sait pourquoi elle l'écrit. « La mort est toujours un sujet tabou – explique-t-elle – moi, j'ai perdu ma mère, j'ai perdu mon père qui est mort en septembre dernier ; j'avais besoin de parler de l'accompagnement en fin de vie, mais aussi du covid, du confinement et finalement de cette mort sociale ».

Une fois encore, Aurélie va tricoter l'intime et le politique parce qu'elle ressent le « besoin de dire que le vrai ennemi n'est peut-être pas le virus mais le service public en train de mourir, les lits d'hôpitaux supprimés, la politique plus proche du profit et de l'économie que de l'humain et du soin ». Finalement, encore une fois, elle veut parler de « ces classes un peu oubliées et jamais valorisées ».

Geneviève ROY

Le spectacle de Aurélie Budor, Juste une femme sera présenté au CRIDEV - avenue Janvier - le mardi 15 mars à 16h et sera suivi d'un temps d'échange avec le public dans le cadre des journées du mois de mars de Rennes Métropole