Très vite après une agression ou parfois des années plus tard, il y a toujours un moment où il est important de mettre des mots sur les actes.
C'est en tout cas la conviction de l'association En Parler qui accompagne les victimes de violences sexuelles en proposant des groupes de parole mais aussi d'autres activités collectives.
Les invitées du dernier rendez-vous Femmes en Chemin* organisé par Breizh Femmes, étaient Enora et Geneviève, coordinatrices de l'antenne rennaise de l'association.
On dit que ce qui n'est pas nommé n'existe pas vraiment. Le slogan de l'association le dit clairement il faut « En Parler pour que ça compte ». C'est ce que font Enora, Geneviève et les autres bénévoles de l'antenne rennaise. Chaque mois les groupes de parole sont portés par un binôme d'animatrices qui bien souvent sont d'abord arrivées à l'association comme participantes. Et si certaines histoires peuvent faire écho aux leurs, elles savent qu'à deux elles pourront plus facilement gérer la discussion du groupe et s'appuyer l'une sur l'autre.
On ne remplace pas une thérapie, insistent les femmes engagées à En Parler. Si les groupes de parole ont lieu « entre paires » c'est parce que c'est déjà assez difficile parfois de s'exprimer. « On se comprend sans se parler » explique Geneviève qui ajoute que « l'histoire d'à côté rappelle toujours quelque chose » à une victime.
L'intuition de Sandrine Rousseau, la fondatrice de l'association en 2017, se basait sur sa réflexion personnelle. Suite à son dépôt de plainte pour violences sexuelles, il n'y avait qu'avec les autres plaignantes qu'elle pouvait vraiment parler de ce qu'elle avait vécu.
« On peut tout poser là, il n'y aura pas de jugement »
Ces groupes de paires sont parfois le premier lieu où on ose parler. Certaines personnes se contenteront d'ailleurs au début d'écouter. Et puis, quand elles prendront la parole ce sera en sachant qu'elles peuvent « tout poser là et qu'il n'y aura pas de jugement ». Elles pourront ensuite aller plus loin, porter plainte ou pousser la porte du cabinet d'un.e thérapeute.
Parce qu'elle sait que la présence de thérapeutes est utile un moment ou un autre dans le parcours des victimes, l'équipe d'En Parler s'est constitué un réseau de partenaires pour pouvoir « orienter les personnes, en particulier les plus fragiles, les inciter à consulter ».
Les chemins de chacun.e sont des plus divers ; on peut venir à l'association en première démarche, avant même de porter plainte, on peut y arriver à la suite du dépôt de plainte ou sur la recommandation d'un.e psychologue ou d'un.e professionnel.le de santé. « On n'est pas des professionnel.les – détaille Enora – notre formation résulte de notre parcours et de nos lectures, on est complémentaires, on apporte autre chose, une autre porte. Et puis, on est passées par là et on sait ce qu'on attendait, nous, à ce moment-là des bénévoles. »
« On a parfois l'impression d'être entre copines »
A En Parler, pas d'engagement. On vient quand on se sent prêt.e, on parle si on en ressent le besoin et aussi souvent qu'on le veut. Des groupes de parole de quelques personnes – entre six et dix – sont organisés chaque mois, certaines personnes viennent régulièrement pendant des mois, d'autres juste une fois ou deux... On y raconte son histoire et on écoute celles des autres, mais on peut aussi échanger sur les démarches, trouver des conseils juridiques, etc. De nouvelles demandes arrivent chaque semaine et déjà plus de 200 personnes constituent la liste de diffusion de l'antenne rennaise.
Autour d'un thé, d'un café et de petits gâteaux, les personnes les plus avancées dans leur parcours soutiennent les autres et leur partagent leurs expériences. « On a parfois l'impression d'être entre copines » constate Geneviève.
Et comme les groupes changent mois après mois, « quand on vient plusieurs fois – insistent les coordinatrices – on entend énormément d'histoires, on rencontre des personnes de générations différentes et les échanges sont ultra riches ». Pas de limites d'âges en effet, les participant.es ont de 16 à 65 ans et leurs histoires peuvent être récentes ou beaucoup plus anciennes.
« La parole a toujours besoin d'être là, même quand on devient bénévoles »
Voilà un peu plus de six mois que l'antenne rennaise accueille également des hommes victimes de violences sexuelles et propose de choisir entre des groupes de femmes, d'hommes ou mixtes. Depuis peu, des groupes sont aussi organisés à destination des proches (parents, conjoint.es, ami.es) qui se sentent démunis face à une victime.
Outre les temps d'échanges verbaux, des « temps de socialisation » sont aussi proposés selon les centres d'intérêt des animatrices ; yoga, randonnée, ateliers de self-défense, sont autant d'endroits pour se retrouver et parfois parler plus facilement mais aussi reprendre confiance en soi, se réapproprier son corps, se sentir moins seul.e.
« La parole a toujours besoin d'être là ; on a beau être bénévoles, il nous arrive de retourner dans un groupe en tant que participantes » disent ensemble Enora et Geneviève. Ce que l'équipe d'En Parler tente de transmettre c'est que au-delà de l'agression on peut continuer à avancer, mais que « c'est toujours là, on y pense encore ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : on peut contacter l'association En Parler par mail –
On peut aussi rencontrer les bénévoles lors des Papothés chaque mois dans un café pour des discussions libres et une première prise de contact
* - Femmes en Chemin c'est un rendez-vous mensuel autour d'une femme au parcours inspirant ou d'une association de femmes. Après la pause de fin d'année, les rencontres reprendront chaque troisième jeudi du mois à 18h à partir du 19 janvier au salon de thé culturel place du Souvenir à Rennes.