Les femmes exerçant leur talent dans les musiques actuelles n'ont rien à envier à celles qui évoluent dans l'économie, la politique ou le monde des arts quel qu'il soit. Elles sont moins nombreuses que les hommes, moins bien payées, n'ont guère accès aux responsabilités et sont souvent victimes de stéréotypes sexistes.

C'est en tout cas ce qui ressortait de la seconde table ronde « Les femmes haussent le son » organisée à l'occasion des Transmusicales de Rennes.

Au-delà de ces constats, HF Bretagne à l'initiative de cette réflexion veut désormais passer à l'action. Acteur important de la scène rennaise, le Jardin Moderne est venu reconnaître ses limites mais aussi dire sa volonté de mieux faire .

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Marie Buscatto est sociologue et autrice d'un ouvrage sur la place des femmes dans le jazz. A l'invitation de HF Bretagne, elle était à Rennes début décembre à l'occasion des Transmusicales. En musique comme ailleurs, a-t-elle déclaré, « les hommes s'en sortent toujours mieux ! » Dans ce milieu déjà très difficile pour tout le monde « c'est encore plus dur pour les femmes ! » Et de pointer les obstacles, souvent cumulés, qui freinent les carrières féminines.

Très important pour toute profession, l'accès aux réseaux est essentiel en musique notamment pour les musiques actuelles, précise encore la sociologue, « où tout se joue par cooptation ». Dans un monde depuis longtemps majoritairement masculin, les femmes sont fréquemment victimes des stéréotypes, on a « du mal à les penser comme des professionnelles » que se soit sur scène où la séduction fait partie du jeu ou dans des rôles techniques où elles restent minoritaires et peu prises au sérieux.

« Non seulement, elles sont moins nombreuses, mais elles disparaissent encore plus vite » analyse encore Marie Buscatto qui ajoute : « les musiques actuelles ne sont pas différentes des autres domaines ; les femmes ont du mal à y entrer, ont du mal à s'y maintenir et encore plus de mal à se voir reconnaître dans le temps ! »

« Aux dernières victoires de la musique : que des hommes ! »

Mais le manque de femmes dans les musiques actuelles n'est pas une fatalité. La situation peut changer. Notamment, selon Marie Buscatto si on en modifie les règles qui comme ailleurs doivent « être protectrices ». Elle pense en particulier aux écoles où les filles doivent pouvoir non seulement apprendre à jouer d'un instrument mais aussi à gérer des relations et à entrer dans des réseaux ; elle cite également les studios qui se doivent d'offrir aux femmes « un espace dans lequel elles ne sont pas réduites au rôle de groupies ! »

Elle se réjouit également du développement d'événements collectifs organisés « parfois pour des raisons féministes mais parfois aussi pour des raisons strictement commerciales » et qui permettent aux groupes féminins de prendre confiance et de se faire connaître.

« Tout le monde est d'accord pour dire qu'il n'y a pas assez de femmes et que c'est un problème – s'exclame finalement Marie Buscatto – mais regardez les dernières victoires de la musique : il n'y avait que des hommes ! » Elle souligne en effet qu'une fois que le constat est là, il faut se donner les moyens d'un changement.

 

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La sociologue rejoint ainsi les préoccupations du mouvement HF Bretagne qui intitulait sa table ronde « du constat à l'action ». Et pour parler action, Guillaume Léchevin, directeur du Jardin Moderne, est venu expliquer comment son association avait choisi de s'engager sur la voie de l'égalité femmes/hommes.

« Sur 900 adhérent-e-s, 80% sont des hommes »

Le Jardin Moderne, à Rennes, ce sont cinq studios de répétition ouverts six jours sur sept en journée ou la nuit, mais aussi chaque année une quinzaine de concerts en organisation propre et trente-cinq environ portés par les adhérent-e-s de l'association. Depuis quelque temps une commission de travail sur l'égalité s'est mise en place avec comme premier objectif de faire un état des lieux. Ainsi quelques chiffres constatés semblent révélateurs. Sur les 900 adhérent-e-s 80% sont des hommes et sur les 800 musicien-ne-s qui utilisent les studios de répétition seulement 12% sont des femmes.

Des chiffres qui, s'ils coïncident selon Guillaume Léchevin « plus ou moins aux moyennes nationales » posent tout de même question à l'équipe de salarié-e-s et au Conseil d'administration du Jardin Moderne car dit-il avec lucidité « ça nous renvoie une image qu'on préférerait ne pas voir » !

Certes, le directeur, le reconnaît, l'association n'est pas exemplaire avec ses seulement trois femmes dans une équipe de treize salarié-e-s, néanmoins, elle affiche une véritable volonté de mieux faire et un certain courage.

Le groupe de travail mis en place a commencé à collecter des témoignages plutôt édifiants sur la place des femmes depuis les remarques sexistes adressées au personnel féminin du bar jusqu'au dédain accordé aux techniciennes qui « semblent être invisibles sur scène et à qui on n'adresse pas la parole alors qu'elles sont formées comme les hommes pour faire le même boulot ! »

« On n'est pas sur une île déserte ! »

Fort de ces constats, le Jardin Moderne a décidé de réagir. Effort sur la communication, visibilité des femmes sur le site internet voire « visuels franchement féministes » mais aussi projets d'affiches anti-sexisme au bar, proposition de baby-sitting aux heures d'ouverture des studios, les idées ne manquent pas et notamment celle d'organiser « au moins une fois par an un concert où le plateau technique serait exclusivement composé de femmes ».

Guillaume Léchevin note aussi la volonté d'élargir la réflexion notamment au sein de HF Bretagne et rappelle avec humour que son association a compté plus de présidentes que de présidents dans son histoire.

Ces préoccupations ne doivent pas insiste-t-il encore « être seulement un truc interne à l'équipe » ; elles sont donc publiées en bonne place notamment dans les rapports d'activité de l'association au même titre « que la fréquentation des concerts ou d'autres types d'indicateurs », mais rappelle-t-il enfin « on n'est jamais qu'une association dans un environnement qui subit des inégalités ; on peut faire des efforts mais on n'est pas sur une île déserte, on fait partie d'une société donc on a aussi besoin des autres pour avancer ! »

Geneviève ROY