Et puis, il y eut #Metoo ! Dans le monde des arts et de la culture, la campagne de dénonciation des comportements sexistes déclenchée par ce que l'on appelle « l'Affaire Weinstein » a permis de réveiller l'opinion publique.
Ce que certain-e-s dénonçaient depuis longtemps en matière d'inégalités a enfin été pris au sérieux. Juste au moment où des événements « prévus » sur le même sujet faisaient la Une de l'actualité comme le rapport du Haut Conseil à l'Egalité (HCE).
Pour Laurie Hagimont, coordinatrice de HF Bretagne , « le problème est désormais vraiment pris en compte » et « les choses avancent ». Même si le chemin est encore long.
Il faut dire qu'on partait de loin ! « Il y avait voilà quelques années encore en France plus de femmes dans des postes à responsabilité dans l'armée que dans la culture ! » s'emporte Laurie Hagimont ; aujourd'hui, estime-t-elle on assiste à « une prise de conscience, des gens qui s'interrogent, qui s'alarment, mais ça s'arrête là ! »
Pour elle, la conscientisation et notamment le travail réalisé par le HCE est une belle récompense pour le mouvement HF qui « depuis dix ans a joué le rôle de lanceur d'alertes ». Elle salue les propositions du Haut Conseil qui ont inspiré le ministère de la Culture dans sa « feuille de route » diffusée en début d'année. « On se trouve cette année à un tournant décisif et pas seulement pour les arts et la culture – dit encore Laurie Hagimont – aujourd'hui on n'a plus besoin d'alerter, il y a une véritable sensibilité à ces questions et nous avons une ministre qui a vraiment décidé de s'engager pour réduire les inégalités ».
Car, pour elle, le cadre législatif est un passage obligé ; toutes les sensibilisations du monde ne sauraient suffire. « Toutes les avancées dans l'histoire des droits des femmes se sont faites par des lois » insiste-t-elle. Alors faut-il en passer par des quotas ? Au sein de HF, les opinions divergent...En tout cas, s'il faut parler chiffres, soyons pédagogues sur la façon de compter. Grosse déception en effet au cœur de l'été pour celles et ceux qui croyaient à un Festival d'Avignon avec 45 % de femmes programmées. Au final, il s'agissait plutôt de « à peine plus de 20 %... comme ailleurs ! » Juste une question de méthodologie.
Accompagner les structures et diffuser des outils
Compter c'est un peu ce que fait HF à longueur d'année. Pour la troisième fois, le mouvement régional proposera en mars prochain un diagnostic précis concernant les différents lieux de culture en Bretagne : pourcentage d'autrices, de comédiennes, de danseuses, de chanteuses, de techniciennes, mais aussi de directrices de structures, de programmatrices, etc.
Et au-delà des chiffres, Laurie Hagimont l'assure : « maintenant, on va passer à la phase du "comment on fait ?" » Au programme : la présentation du rapport du HCE et celle du diagnostic régional non seulement à Rennes, mais aussi dans les trois autres départements et la volonté de tisser un réseau sur toute la région pour être au plus près du terrain, accompagner les structures qui souhaitent travailler sur cette question et diffuser des outils qui le permettent. « Si c'est vrai que la vie culturelle est très concentrée à Rennes – nuance la jeune femme – il se passe aussi énormément de choses ailleurs. » Et si le grand public ignore souvent les inégalités dont sont victimes les femmes dans la culture, les professionnel-le-s eux-elles-mêmes en sont parfois tout aussi éloigné-e-s.
Pour que les choses bougent réellement il faut du temps, d'autant plus que « entre le moment où on va créer une œuvre et le moment où elle va être diffusée sur scène il faut trois ans » rappelle Laurie Hagimont. En musique, les choses peuvent aller plus vite avec des cycles de programmation plus courts mais aussi parfois des réticences persistantes. Sans oublier des lieux plus difficiles encore d'accès comme le cinéma et la télévision. « La culture ce n'est pas que Avignon – analyse Laurie Hagimont - c'est quelque chose dans lequel on baigne au quotidien tous et toutes et souvent ça donne une image déformée de la réalité ! »
De Rennes à Brest, des initiatives positives
Avec une troisième table ronde à l'occasion des Transmusicales de Rennes en décembre - « Les femmes haussent le son #3 – Elles sont (presque) là ! » - la reprise des apéros et quelques projets de conférences, HF Bretagne prépare une année riche en événements. Le plus gros projet est celui de la commission Arts Plastiques qui souhaite mettre en avant l'exemplarité de la programmation de la Biennale d'Art Contemporain de Rennes. « Il y a des gens – explique Laurie Hagimont – qui ont la parité dans leurs programmations et qui ne s'en vantent pas parce que pour eux, c'est juste normal ! » HF a décidé en partenariat avec la réalisatrice et photographe Marie Docher, créatrice de la plate-forme Visuelles, de produire un court documentaire pour exposer le travail de's deux commissaires de la Biennale, Céline Kopp et Etienne Bernard, qui devrait faire école.
En attendant, le 27 septembre, c'est le Matrimoine qui sera mis à l'honneur pour le premier apéro de l'année autour d'un jeu imaginé par les membres d'HF Bretagne sur le modèle du célèbre Times Up. Car la culture est associée aux femmes depuis longtemps même si l'Histoire l'a souvent oublié. « Les femmes sont majoritaires en écoles d'art comme dans les formation de comédien-ne-s – souligne Laurie Hagimont – mais tu peux avoir le plus grand talent du monde, si tu restes chez toi sans avoir les moyens de le montrer, on ne le verra jamais ! » Elle interroge précisément la façon dont sont distribués les financements destinés à produire une œuvre. Et cite l'exemple de la ville de Brest qui, après avoir travaillé avec HF, peut désormais s'enorgueillir d'avoir le premier budget culturel sensible au genre !
Pour rester vigilant-e-s, elle propose un autre jeu, tout simple : compter ! « A chaque spectacle, posez-vous la question : qui est sur scène ? Toutes disciplines confondues, il y a toujours plus d'hommes que de femmes et parfois, il n'y a QUE des hommes ! »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
- Apéro HF Bretagne le 27 septembre au bar le Peacock, 8 rue Saint-Sauveur à Rennes à partir de 20h. Pour jouer avec le Matrimoine, découvrir des femmes de talents et rencontrer des membres de l'association HF Bretagne
- Biennale d'Art Contemporain « A cris ouverts » du 29 septembre au 2 décembre
- Lire le rapport du Haut Conseil à l'Egalité sur les inégalités entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture publié en janvier 2018