Sur la plaquette de HF Bretagne , les chiffres sont indiqués sous forme d'une pyramide inversée. En France, les femmes représentent, apprend-on, 60% des étudiant-e-s dans les écoles d'art, 40% des artistes actif-ve-s, 20% des artistes programmé-e-s, 10% des artistes récompensé-e-s.
Parce que ces inégalités sont souvent minimisées dans un secteur, la culture, qu'on croit plutôt ouvert, l'association propose régulièrement des diagnostics pour mettre en lumière cette situation. L'antenne bretonne vient de publier ses derniers chiffres, établis à partir des programmations de l'année 2018. Une façon de sensibiliser le grand public mais aussi de faire réagir les professionnel-le-s et leur permettre de chercher ensemble des solutions.
« Pourquoi compter ? » s'interroge HF Bretagne dans sa plaquette de présentation du diagnostic 2018. La réponse tient en quelques mots : « pour voir, pour savoir, pour agir » ! L'expérience de l'association montre en effet que seuls les comptages permettent de prendre véritablement conscience d'une situation souvent « minimisée ». « Les discriminations sont parfois inconscientes – explique-t-on encore – dans un secteur comme celui de la culture qui se revendique porteur de valeurs d'émancipation. Les données chiffrées permettent de prendre pleinement conscience de la situation et donc de pouvoir prendre sa part de responsabilité dans la lutte pour l'égalité. »
Invitée à la table ronde organisée par HF au Musée des Beaux-Arts de Rennes, le 16 mai dernier, pour la restitution de ce diagnostic, Odile Baudoux, chargée de la programmation du Triangle, explique que c'est en 2015, à l'occasion d'un précédent diagnostic, qu'elle a « commencé à compter ». « J'avais l'impression qu'on était à peu près à égalité mais construire une programmation paritaire, ce n'est pas le hasard ni de la magie – défend-elle – il faut du volontarisme . Si on ne décide pas collectivement de mettre cette question au centre, on n'y arrive pas ! » Et non sans humour, elle précise : « j'ai ajouté une case dans mon tableau excel ! »
« Plus de moyens, moins de femmes ; moins de moyens, plus de femmes »
Pour établir son diagnostic, ce sont 111 structures de diffusion de spectacles vivants, soit 3481 spectacles, et 47 structures d'expositions d'arts visuels, soit 222 expositions, que l'association HF Bretagne a passé au peigne fin.
Publié tous les deux ans, la troisième édition de ce diagnostic permet de mesurer les évolutions en Bretagne et de comparer les chiffres régionaux avec le reste du territoire. Ainsi, même si le chiffre reste peu élevé, on ne peut que se réjouir de la part des femmes responsables artistiques qui passe de17% en 2014 à 22% aujourd'hui. Ou encore celle des spectacles écrits par des femmes atteignant 26% des programmations en Bretagne, contre 15% en 2014. Du côté des équipes permanentes, c'est aujourd'hui 30% des équipes qui sont dirigées par des femmes, contre 22% voilà quatre ans.
Pas de quoi tout de même passer sous silence des résultats moins encourageants qu'on pourrait résumer d'une phrase lapidaire : moins il y a de moyens plus il y a de femmes ; plus il y a de moyens, moins il y a de femmes ! Une question de finances, donc, une question de distribution des rôles aussi ; sur scène, les hommes représentent 73% des artistes. Et c'est notamment dans le domaine des musiques actuelles que leur part est la plus élevée (83%) ; en danse, discipline plutôt féminine, ils représentent tout de même 58% des artistes sur scène et 54% au théâtre. A noter également que du sexe du ou de la responsable artistique peut dépendre celui des artistes : 59% de femmes sur scène si la responsable artistique est une femme, 35% si c'est un homme !
« C'est la question des modèles qui est posée »
« Quand HF nous pose une question, on n'a jamais la réponse » plaisantent Béatrice Macé et Marine Molard au nom des Transmusicales. Une façon de reconnaître l'importance de l'association dans la prise de conscience et la recherche de solutions. Pour elle, c'est à travers l'action culturelle que les choses pourront s'améliorer et notamment grâce aux projets d'éducation artistique ouverts aux filles comme aux garçons. « C'est la question des modèles qui est posée – disent-elles – à chaque génération, les filles doivent recommencer à être les pionnières en pensant qu'elles sont les premières à faire ça ce qui leur demande beaucoup d'énergie. »
Dans leurs projets, les responsables des Transmusicales souhaitent « permettre aux enfants de découvrir trois postures : celle de spectateurs, celle d'artistes, celle d'organisateurs ». Mais elles pointent aussi un autre problème, celui d'une utilisation très inégalitaire de l'argent public.
En écho à leurs propos, on peut s'arrêter sur les chiffres diffusés par HF concernant l'aide apportée à l'installation d'ateliers d'artistes par le ministère de la Culture via la DRAC Bretagne. En 2018, sept hommes en ont bénéficiaires pour un montant moyen de 2500€ chacun contre seulement quatre femmes pour un montant moyen de 1829€ chacune. Un chiffre en évolution puisqu'en 2014, une seule femme avait été soutenue par ce dispositif contre huit hommes.
Geneviève ROY
Pour aller plus loin : le diagnostic complet de HF Bretagne peut être consulté sur le site de l'association.
Et si les femmes ne représentent que 33% des artistes exposées, elles seront mises en lumière cet été au Musée des Beaux-Arts de Rennes qui propose du 29 juin au 29 septembre une exposition intitulée « Créatrices – l'émancipation par l'art » ; un événement artistique qui se veut résolument « féministe » !