La paix, on l'entend souvent, serait affaire de femmes. Dimanche 10 décembre, à l'occasion de la journée internationale des droits humains, plusieurs associations rennaises proposaient un temps de réflexion sur le conflit israélo-palestinien.
Parmi les quatre invité.e.s présent.e.s par le biais d'une visio-conférence, deux femmes, l'une française, l'autre israélienne, ont particulièrement retenu notre attention pour les modèles d'espoir qu'elles proposent.
Le droit à la paix est un droit essentiel pour tous et toutes les habitant.e.s de la Terre. Telle est la conviction du Mouvement de la Paix à l'appel duquel ce dimanche une rencontre était organisée à la Maison Internationale de Rennes (MIR) en partenariat avec le CCFD-Terre Solidaire et la Ligue des Droits de l'Homme.
Au cœur des débats, très largement centrés sur la guerre actuelle à Gaza et ses répercussions pour les Palestinien.ne.s mais aussi pour les Israélien.ne.s qui ne cautionnent pas la politique du gouvernement de l'Etat israélien, deux invitées ont fait entendre la voix des femmes.
« Nous ne sommes pas une utopie
mais une réalité qui vit et discute
même dans ces temps difficiles ! »
Installée depuis la fin des années 70 dans une communauté où cohabitent Juifs et Musulmans, Evi Guggenheim en est persuadée son village de Neve Shalom-Wahat as Salam doit être un modèle. « Nous ne sommes pas une utopie – a-t-elle martelé – nous sommes une réalité qui vit et discute même dans ces temps difficiles ! » Dans ce village dont le nom double signifie en hébreu et en arabe « Oasis de paix » dialoguent au quotidien près de 70 familles, pour moitié juives et pour moitié musulmanes.
« Ecouter et respecter l'autre dans son identité, dans ses choix, dans ses rêves, voilà la condition pour faire la paix ! » a encore insisté Evi Guggenheim. Juive elle-même, elle a quitté la Suisse pour ne plus faire partie d'une minorité ; arrivée en Israël, elle s'est aperçue que là, la minorité était constituée de Palestinien.ne.s et a voulu partager leur vie. Séduite par le projet du père dominicain Bruno Hussar, à l'origine du projet de Neve Shalom-Wahat as Salam, elle y vit depuis et défend des valeurs qu'elle rêve de voir diffusées dans tout le Moyen-Orient.
« Notre but est celui de l'éducation » explique-t-elle décrivant les différents lieux qui y travaillent dans son village : école primaire, centre spirituel, bibliothèque, galerie d'art... C'est à travers toutes ces actions, estime-t-elle, qu'on fait de la politique et qu'on travaille pour les droits humains. « Le budget qu'on met dans l'éducation pour la paix est minimal par rapport aux milliards qu'on met dans la guerre. Avec un tout petit pourcentage de cet argent, on pourrait changer le monde ! » dit-elle encore.
Depuis le 7 octobre, les jours sont sombres dans son village, mais les habitant.e.s restent porté.e.s par leurs convictions et mobilisé.e.s pour la paix. « La population palestinienne en Israël se sent très menacées par la guerre à Gaza – dit Evi Guggenheim – mais nous aussi, nous nous sentons menacé.e.s car ici, si on n'est pas pour la guerre on est considéré.e.s comme traîtres. »
« Une troisième voix
qui n'est ni celle de la haine
ni celle de l'injonction à choisir un camp »
Les Guerrières de la Paix, elles, sont plus éloignées des zones de conflits mais en lien direct avec des associations de femmes notamment actives en Israël. L'association a été fondée en France en 2022 par des femmes de confessions juive et musulmane, désireuses de promouvoir la paix, la justice et l'égalité. Sous l'impulsion de la réalisatrice militante Hanna Assouline, elles ont voulu réagir aux fortes tensions intercommunautaires observées en France en lien avec le conflit israélo-palestinien.
« Nous voulons rendre visibles toutes ces guerrières du quotidien, ces héroïnes invisibles qui déplacent des montagnes chaque jour, anonymement, silencieusement. Elles sont celles qui partout retissent l'espoir et nos derniers remparts face aux haines qui nous menacent » peut-on lire sur leur site.
Sur l'écran de la MIR, ce dimanche, c'est Raphaëlle qui représente l'association et énumère les différentes actions déjà engagées notamment l'organisation du Forum mondial des femmes pour la paix en mars dernier au Maroc.
« Nous luttons contre toutes les formes de haine – expose-t-elle – antisémitisme, racisme, haine anti LGBT, etc. Nous ne nous limitons pas au conflit israélo-palestinien mais depuis deux mois nos rassemblements ont surtout pour but de mettre en commun nos souffrances et de pouvoir pleurer ensemble. On fait entendre une troisième voix qui n'est ni celle de la haine ni celle de l'injonction à choisir un camp entre le bien et le mal. Nous ne partageons pas forcément le même bord politique, les mêmes croyances religieuses, la même histoire ; ce qui nous rassemble c'est d'être des femmes. »
Les Guerrières de la Paix défendent un dialogue apaisé ; Evi Guggenheim sait que ce qui est possible dans son village doit aussi l'être entre les différents pays et en Israël même entre les différentes communautés. Chacune de son côté est porteuse d'espoir et veut croire que la paix sera possible un jour. Pourtant dans le monde entier, c'est le bruit de la guerre que l'on entend le plus. Et dans de nombreuses régions. « N'oubliez pas l'Afghanistan, n'oubliez pas les femmes Afghanes » a pour sa part rappelé Nasrine Nabiyar présente à la conférence et qui exprimait ainsi ce que tous et toutes pensaient ce jour-là : que pouvons-nous faire ?
Geneviève ROY